(1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE IV. » pp. 78-112
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(1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE IV. » pp. 78-112

CHAPITRE IV.

SECTION PREMIERE.
Lettre d’un Théologien illustre par sa qualité et par son mérite. A Paris, Chez Jean Guignard. 1694.

Cette Lettre a été mise au commencement du Volume de Pièces de Théâtre du Sieur Boursault. L’Auteur y feint avoir été consulté, si la Comédie pouvait être permise, ou si elle était défendue absolument. Il tâche de faire l’Apologie des Comédies de ce siècle, qu’il veut autoriser par deux passages de saint Thomas, et par un de saint Antonin. Il prévient l’objection qu’on pouvait tirer des Saints Pères, pour combattre son Système. Afin de réussir dans ce dessein, il a choisi tous les passages des anciens Pères, particulièrement de Tertullien, de saint Cyprien et de saint Jean Chrysostome, qui condamnent les Spectacles à cause de l’Idolâtrie que l’on y représentait. Je suis convenu dans le premier Chapitre de cet Ouvrage, que c’était là un des motifs de la condamnation des Spectacles ; mais qu’il était de la bonne foi de dire que ce n’était pas le seul motif, comme on l’a pu voir par les passages des Saints Pères que j’ai rapportés.

Cet Auteur a presque copié la Dissertation de la condamnation des Théâtres, et ce qu’il y a ajouté, peut faire plus de tort à son dessein, que lui être avantageux ; nous en verrons des preuves dans les Extraits suivants. Je ne veux citer ici qu’une faute grossière contre le bon sens, qui est après qu’il dit dans la page 38. « Tous les jours à la Cour, les Evêques, les Cardinaux, et les Nonces du Pape ne font pas difficulté d’assister à la Comédie ; et il n’y aurait pas moins d’imprudence que de folie, de conclure que tous ces grands Prélats sont des impies et des libertins, parce qu’ils autorisent le crime par leur présence : c’est bien plutôt une marque que la Comédie est si pure et si régulière, qu’il ne peut y avoir de honte ni de scrupule à s’y trouver. » Car après que ce prétendu Théologien a voulu justifier la Comédie par cet exemple, il se contredit dans la page 58. où il décide le contraire par ces paroles : « A l’égard de ceux qui vont à la Comédie, il y en a qu’il serait indécent et scandaleux d’y voir assister, comme sont les Religieux, et surtout les plus réformés ; et je vous avoue que j’aurais de la peine à les sauver du péché mortel, aussi bien que les Evêques, les Abbés et tous les gens constitués en dignité Ecclésiastique. »

Il faut croire que c’et un remords de conscience qui la fait rétracter ; mais je crois que s’il avait écouté attentivement tous les remords de ce témoins intérieur, il aurait rétracté à la fin de sa Lettre, tout ce qu’il y avait avancé, et il aurait épargné les travaux de beaucoup d’Ecrivains. Mais ces travaux ont eu leur utilité, car ils ont fait ouvrir les yeux à plusieurs personnes de bon sens et de bonne foi qui allaient à la Comédie, sans faire attention à toutes les choses que ces Auteurs ont remarquées.

SECTION SECONDE.
Réponse à la Lettre du théologien défenseur de la Comédie. A Paris, Chez Girard, au Palais. 1694.

Cette Réponse est le premier Ouvrage qui a paru contre cette Lettre. L’Auteur y parle en Philosophe moral, qui s’applique particulièrement à examiner les effets dangereux que la Comédie peut causer dans l’esprit et dans le cœur.

SECTION TROISIEME.
Lettre Française et Latine du Révérend Père François Caffaro, A Monseigneur l’Archevêque de Paris. A Paris, Chez F. Muguet.

Le Révérend Père Caffaro assure dans cette Lettre, qu’il a été sensiblement affligé du scandale qu’à causé la Lettre du Théologien ; il la désavoue absolument, il reconnaît Monseigneur de Paris pour son Juge né, et d’institution divine en matière de Doctrine. Il avoue ensuite qu’il avait fait une Dissertation Latine sur la Comédie, depuis dix ou douze ans, et qu’il y avait pris le parti de la justifier sans avoir mûrement examiné la matière, et par une légèreté de jeunesse ; il déclare qu’on a ajoute à son Ecrit ce qu’il n’y avait pas énoncé, savoir l’Approbation tacite de Monseigneur de Paris, et l’air méprisant avec lequel on a traité les Rituels dans la Lettre du Théologien ; il reçoit avec soumission la discipline des Rituels, et la doctrine qui en fait le fondement. Enfin il s’offre de faire tout ce que Monseigneur l’Archevêque lui ordonnera pour édifier l’Eglise. Cette Lettre est datée de Paris le 11. May 1694.

SECTION QUATRIEME.
Lettre d’un Docteur de Sorbonne, à une Personne de qualité, sur le sujet de la Comédie. Chez Mazuel 1694.

Ce Docteur s’est appliqué particulièrement à répondre à l’Ordonnance de saint Charles Borromée, citée dans la Lettre du Théologien. Il soutient qu’elle est supposée, qu’il a cherché partout sans l’avoir pu trouver ; qu’il n’est pas probable qu’un saint Evêque, tel qu’était saint Charles, ait fait une Ordonnance pour permettre la Comédie, lorsqu’on trouve le contraire dans le premier concile Provincial de Milan, où ce saint Archevêque parle avec ses Suffragants en ces termes : « Nous avons, dit-il, trouvé à propos d’exhorter les Princes et les Magistrats, de chasser de leurs Provinces les Comédiens, les Farceurs, les Bateleurs, et autres gens semblables de mauvaise vie, et de défendre aux Hôteliers et à tous autres sous de grièves peines, de les recevoir chez eux. » Dans le troisième Synode de Milan, il ordonne aussi aux Prédicateurs de reprendre avec force ceux qui suivent les Spectacles, et de ne pas cesser de représenter aux peuples, combien ils doivent les avoir en exécration, et d’employer les preuves tirées de Tertullien, de S. Cyprien, et de S. Jean Chrysostome contre la Comédie, et de montrer combien elle est contraire à la Discipline de l’Eglise, et les maux qu’elle attire sur le peuple Chrétien. Nous avons déjà dit que saint Charles Borromée avait fait composer un Livre contre la Comédie.

L’Auteur répond aussi à la tolérance des Magistrats, qui souffrent les Comédiens, et dit qu’il n’y a qu’à consulter les Registres du Parlement de Paris, où l’on verra comme les Comédiens y sont traités ; qu’on y trouvera plusieurs Arrêts qui leur défendent de jouer, à peine d’amende arbitraire et de punition corporelle, quelques permissions qu’ils eussent impétrées. Ce sont les termes des Arrêts de 1584. et 1588.

SECTION CINQUIEME.
Réfutation d’un Ecrit favorisant la Comédie.
« Donare res suas Histrionibus, vitium est immane.»
Donner son bien aux Comédiens, c’est un vice énorme. S. August. Traité. 100. sur S. Jean. A Paris, Chez Jean Couterot, rue S. Jacques 1694.

Le Révérend Père de la Grange Docteur en Théologie, Chanoine Régulier de saint Victor, est l’Auteur de cette Réfutation. Il congratule le Révérend Père Caffaro d’avoir désavoué la Lettre du Théologien, d’où il conclut que le Théologien, sous le mérite duquel on a voulu mettre à couvert la Lettre favorisant la Comédie, n’est qu’un fantôme que les Comédiens ont fait paraître. Le plus beau morceau de cet Ouvrage, c’est la réponse à la preuve tirée de S. François de Sales ; car l’Auteur rapporte le chapitre 33. entier de la troisième Partie de l’Introduction à la Vie dévote, où sont toutes les disposition que saint François de Sales demande. Il remarque que si l’on observait tout ce que ce saint Evêque ordonne à ceux qui veulent aller à la Comédie, les Théâtres seraient bientôt fermés, et il trouve son discours aussi propre à en détourner que ceux des saints Pères, par les dangers qu’il y fait voir ; de même qu’un homme sage ne voudrait pas manger d’une viande, si celui qui la lui présenterait, l’avertissait qu’elle est capable de lui faire un mal considérable. Il continue ses Réflexions sur saint François de Sales, et veut qu’on lise les autres Ouvrages de ce Saint pour se convaincre qu’il en est peu entre ceux des anciens Pères qui inspirent un mépris du monde plus entier, et une aversion plus héroïque de ses maximes et de ses plaisirs, en tâchant d’attirer les âmes par une sagesse, et une charité cachée sous une indulgence apparente. A regarder les plaisirs du monde sous une idée métaphysique, qui les sépare des plus grands désordres, il semble les permettre : cependant il exige des dispositions dans leur usage, qu’on ne saurait tenter de garder avec fidélité sans renoncer à tous ces plaisirs. C’était la fin qu’il s’était proposée, soit par la comparaison de la Comédie avec les champignons si décriés par les Médecins, soit par le dénombrement des vices qui en sont les suites funestes et ordinaires, comme les querelles, les envies, les moqueries, les folles amours.

Les considérations que ce saint Evêque de Genève désire que l’on fasse dans l’usage de ces plaisirs, sont aussi difficiles que les dispositions. Monsieur de la Grange les rapporte ainsi : La première est de penser que plusieurs âmes brûlent dans l’Enfer pour des péchés commis au Bal et à la Comédie. La deuxième, que plusieurs Religieux et personnes de piété sont à la même heure occupés à chanter les louanges de Dieu. La troisième, que tandis qu’on goûte ces plaisirs, mille milliers d’hommes et de femmes souffrent de grands maux dans leurs lits, dans les Hôpitaux, dans les rues, la goutte, la gravelle, la fièvre ardente ; et qu’il viendra un temps où l’on se trouvera dans le même état. La quatrième, que Jésus-Christ, la sainte Vierge, et les Saints voient ceux qui sont dans ces assemblées. La cinquième, le temps qu’on y perd, et la mort qui s’approche.

On voit dans cet Ouvrage des peintures du Théâtre Italien, où l’on débite tant de mauvaises et dangereuses plaisanteries.

SECTION SIXIEME.
Décision faite en Sorbonne, touchant la Comédie. A Paris, Chez Jean-Baptiste Coignard, rue S. Jacques. 1694.

Un Confesseur d’une Paroisse de Paris, ayant trouvé un Pénitent qui coopérait directement à la Comédie, quoiqu’il ne fût ni Acteur, ni Poète, ni Spectateur, il lui voulut faire promettre de renoncer à cette coopération directe. Sur le refus d’y renoncer, le Confesseur se crut obligé de lui refuser l’Absolution. Il consulta le cas en Sorbonne ; et les Docteurs consultés crurent devoir examiner la question de la Comédie à fond.

Pour y réussir ils forment quatre demandes sur la Comédie. La première, si la Comédie est mauvaise ; et ils font voir par l’Antiquité qu’elle est mauvaise.

La deuxième regarde les Auteurs, et généralement tous ceux qui y coopèrent ; ils répondent à cette demande, que tous ceux qui coopèrent à la Comédie d’une manière prochaine et déterminée pèchent, et particulièrement ceux qui composent pour le Théâtre les Pièces que l’on y représente ordinairement, parce que leur action tend d’une manière déterminée à une chose mauvaise.

La troisième, si on doit dire la même chose de l’Opéra. On répond que l’Opéra est d’autant plus dangereux, qu’à la faveur de la Musique dont les tons sont recherchés, et disposés exprès pour toucher, l’âme est bien plus susceptible des passions qu’on y veut exciter, et particulièrement de l’amour qui est le sujet le plus ordinaire de cette sorte de Comédie. On cite saint Basile, qui dit que la Musique dont on se sert en ces rencontres, doit être évitée comme une chose très honteuse.

Enfin la quatrième demande, est de savoir si quelqu’un peut aller à la Comédie ; on y répond que la Comédie étant mauvaise, dans la pratique on n’y doit pas aller, même par complaisance pour ses parents. On rapporte l’exemple de la mère de sainte Macrine sœur de saint Grégoire de Nysse, qui avait un si grand soin de sa fille, qu’elle ne lui permettait pas de lire des Fables ni des Comédies, regardant comme une chose honteuse de gâter un esprit encore tendre, par toutes ces Histoires tragiques de femmes, dont les fables des Poètes sont remplies, ou par les idées mauvaises des Comédies. Ces Docteurs concluent que les Comédiens par leur profession comme elle s’exerce, sont en état de péché mortel ; c’est pourquoi on ne doit pas les absoudre, s’ils ne promettent de quitter leurs profession. Pour ceux qui coopèrent à la Comédie d’une manière prochaine et déterminée, ou qui y assistent de leur plein gré, quoiqu’ils ne soient pas si coupables que les Comédiens : néanmoins les mêmes Docteurs ont décidé qu’on doit leur refuser l’Absolution, si les uns et les autres ne veulent point se corriger et changer de conduite, après avoir été suffisamment avertis. Cette décision faite en Sorbonne, est daté du 20. May 1694. et signée par six Docteurs, dont voici les noms : G. Fromageau, Ch. Durieux, de Blanger, S. Lhuillier, Ph. de la Coste, Bonnet.

SECTION SEPTIEME.
Réfutation des Sentiments relâchés d’un mauvais Théologien, sur la Comédie. A Paris, Chez Coignard, rue S. Jacques, à la Bible d’or. 1694.

Cet Ecrit se trouve dans le même Livre que la Décision faite en Sorbonne, dont on vient de faire l’extrait. L’objet principal et le plus étendu dans cet Ecrit, est la Réponse aux passages de saint Thomas : l’Auteur dit que saint Thomas n’entend par Histriones, que les Farceurs ou Bateleurs, selon même tous les Calepinsag ; or les Comédiens ne voudraient pas être confondus avec ces gens-la. Mais afin de ne pas faire une question de nom, il suppose que saint Thomas ait entendu les Comédiens par Histriones ; cependant il soutient que ce Docteur de l’Ecole n’a pas justifié la Comédie telle qu’elle est dans l’usage ordinaire de ce siècle sur le Théâtre Français. Voici ses preuves en abrégé.

L’Auteur remarque d’abord que saint Thomas parle seulement par occasion de la Comédie dans l’article 2. et 3. de la 2. 2. q. 168. Ensuite il rapporte les six conditions que ce Saint demande pour rendre le Jeu permis, et sous ce nom la Comédie ; car il confond souvent le Jeu et la Comédie. J’en ai choisi trois principales.

La première est qu’on ne se procure pas de plaisir dans le Jeu ni dans la Comédie, par des paroles ou des actions défendues, « Non utendo aliquibus illicitis verbis vel factis. » Art. 3. ad. 3.

La deuxième, qu’on n’y dise rien de préjudiciable au prochain, « Quæ vergant in nocumentum proximi. » Art. 3. in. corp.

La troisième, qu’en prenant ce divertissement on ne fasse rien contre les Commandements de Dieu et de l’Eglise, « Ita quod contra preceptum Dei vel Ecclesia talibus ludis nihil fiat. » Art. 3. in. corp.

L’application de ces conditions est aisée à faire à la Comédie, où l’on dit des paroles équivoques, où l’on raille le prochain, enfin qu’on représente malgré la défense et les censures de l’Eglise. L’Auteur s’étend fort au long sur tout cela, et il prouve par un autre endroit de saint Thomas, que bien loin d’approuver la Comédie, il a dit dans la 2. 2. q. 167. art.2. ad.2. « Que l’assistance aux Spectacles devient mauvaise, en ce qu’elle porte l’homme aux vices d’impureté et de cruauté, par les choses qui y sont représentées. Inspectio Spectaculorum vitiosa redditur, in quantum homo fit pronus ad vitia vel lasciviæ vel crudelitatis, per ea quæ ibi repræsentantur. » On trouve dans cette Réfutation une découverte un peu fâcheuse dans la Lettre du nouveau Théologien. C’est en la page 38. de la première Edition de cette Lettre, où saint Antonin Archevêque de Florence se trouve cité comme approbateur de la Comédie. Il en tire la preuve de la 3me Partie de sa Somme Tit. 8. Chap. 4. Sect. 12. et il cite seulement ces deux mots, Ludus scenicus. Mais l’on reproche au Théologien de n’avoir pas bien lu une abréviation d’une lettre Gothique ; car au lieu de Ludus scenicus, on trouve Ludus secundus.

Saint Antonin distingue trois sortes de Jeux en cet endroit qui est mal cité ; car c’est dans la 2. p. tit. chap. 23. §. 1. Le premier est de dévotion, comme les Chants de l’Eglise, qu’on doit aimer. Le second de paroles ou d’actions agréables dans les récréations, qu’on peut tolérer. Le troisième Jeu est celui des représentations des Comédies, qu’on doit avoir en horreur. Est-ce là approuver la Comédie ? Est-il de la bonne foi de faire passer saint Antonin comme défenseur de la Comédie, quoiqu’il l’ait condamnée si fortement ? Enfin l’Auteur de la Réfutation s’applique à prouver que les Comédies et les Opéra excitent ou entretiennent l’Amour impur dans les cœurs. Il cite des vers de la Satire des Femmes, où l’on dit qu’elles apprennent des Renaud et des Rolland.

« Qu’à l’Amour comme au seul Dieu suprême,
On doit immoler tout, jusqu’à la vertu même :
Qu’on ne saurait trop tôt se laisser enflammer,
Qu’on n’a reçu du Ciel un cœur que pour aimer,
Et tous ces lieux communs de morale lubrique,
Que Lully réchauffa du son de sa Musique. »

Voilà les effets des Opéra et des Comédies de nos jours. S’il était permis de nommer toutes les personnes qui y ont été perverties, soit Acteurs, soit Spectateurs, le nombre en serait infini. Apres cela on trouve encore des Mères qui y mènent leurs filles, et des Maris leurs Femmes, et qui osent se plaindre ensuite de leurs intrigues. Qu’ils se plaignent plutôt d’eux-mêmes : c’est la juste peine de les avoir menées dans ces Ecoles infâmes, où l’on va admirer toutes ces intrigues, et les apprendre en même temps.

SECTION HUITIEME.
Discours sur la Comédie, où l’on voit la Réponse au Théologien qui la défend, avec l’Histoire du Théâtre, et les Sentiments des Docteurs de l’Eglise, depuis le premier siècle jusqu’à présent. A Paris, Chez Guérin et Boudot, rue S. Jacques. 1694.

Il y a une Lettre en tête, dans laquelle l’Auteur de ces Discours se défend de la faire imprimer, en disant qu’il se contente d’avoir traité la matière des Comédies dans ses Conférences, avec l’agrément de Mr. l’Archevêque de Paris : ce qui fait voir que ces discours sont les Conférences de saint Magloire, Séminaire de Mr. de Paris. La Lettre finit par une Eloge du Père Caffaro, qui a édifié tout le monde par les sentiments humbles et Chrétiens, dont sa Rétraction est remplie.

On nous apprend qu’on expliquait à saint Magloire le Nomocanonah de Photius du 9me siècle, qui prouve la conformité de la discipline de l’Eglise d’Orient avec celle de l’Occident. On y trouve trouve aussi deux Titres, dont l’un déclare infâmes les Comédiens qui font métier de monter sur le théâtre, Tit. 3. Chap. 21. Et l’autre défend aux Clercs d’assister aux Jeux du Théâtre, sous peine d’être interdits de toute fonction Ecclésiastique, Tit. 9. chap. 27. Ces deux titres, et le bruit de la Lettre du Théologien partisan de la Comédie, ont déterminé l’Auteur à combattre la Comédie. Il remarque l’époque du Nomocanon de Photius fait au neuvième siècle, parce que l’Idolâtrie étant abolie depuis trois cents ans, la Comédie n’y peut pas être condamnée à cause de l’Idolâtrie.

Le premier Discours commence la Réfutation de la Lettre du Théologien, par une contradiction qui y est : nous l’avons remarquée dans la Section première de ce Chapitre. Il applique au Théologien les anathèmes d’Isaïe cap. 5. v. 20. « Væ qui dicitis bonum, malum. » Il introduit Mr. Pradon louant Mr. Racine d’avoir renoncé à la Poésie du Théâtre :

« Que ne suit-on les pas du modeste R...
Que le Ciel aujourd’hui favorise, illumine,
Qui détestant ses Vers trop remplis de tendresse,
Les prend pour des péchés commis en sa jeunesse. »

Il répond à la prétendue correction des mœurs par les Pièces de Molière, en citant le jugement qu’en a fait l’Auteur de la République des Lettres dans son Recueil d’Avril 1684. où il parle de Molière en ces termes : « Il n’a corrigé que certaines qualités, qui ne sont pas tant un crime qu’un faux goût, qu’un sot entêtement, comme vous diriez l’humeur des prudes, des précieuses, de ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en Marquis, qui parlent incessamment de leur noblesse. Car pour la galanterie criminelle, l’envie, la fourberie, l’avarice, la vanité et choses semblables, on ne peut croire que le Comique leur ait fait beaucoup de mal. On peut même assurer qu’il n’y a rien de plus propre à inspirer la coquetterie que ses Pièces, parce qu’on y tourne perpétuellement en ridicule les soins que les Pères et les Mères prennent de s’opposer aux engagement amoureux de leurs enfants. » Pour les affiches des Comédies, il rapporte les paroles de saint Augustin, « Ecclesia multa tolerat quæ non probat. »

Le deuxième Discours est divise en trois Parties. La première est un Abrégé des Poètes et des Historiens, sur les Spectacles des Païens, qui n’étaient pas tous consacrés aux Idoles selon Tacite même, ni si infâmes qu’on veut les dire à l’exception des Jeux annuels de Flore, plaisir de la canaille, non des honnêtes Païens. Saint Chrysostome obtint de l’Empereur Arcadius l’abolition de pareils Jeux. Les Pièces de Sénèque y sont préférées à cause de leur modestie, aux Tragédies de ce siècle. Si celles de Plaute sont peu honnêtes, celles de Terence sont plus tolérables pour ces siècles-la, que celles de Molière pour le nôtre.

Je ne dirai rien de la seconde partie, qui contient des passages des Pères ; j’en ai assez dit dans la Tradition : ni de la troisième qui regarde les Scholastiques ; on les a déjà vus. Les Poètes Provençaux paraissent depuis le treizième jusqu’au quinzième siècle, dans lequel les Italiens qui avaient passé d’Avignon en France, les surpassèrent. Les Italiens choisirent d’abord des sujets de piété que Mr. Despreaux a dépeint dans le troisième Chant de l’Art Poétique :

« Chez nos dévots Aïeux le Théâtre abhorré,
Fut longtemps dans la France un plaisir ignoré :
Des Pèlerins, dit-on, une troupe grossière,
En public à Paris y monta la première,
Et sottement zélée en sa simplicité,
Joua les Saints, la Vierge, et Dieu par pitié. »

Le Cardinal Le Moine acheta l’Hôtel de Bourgogne à Paris pour ses dévots Comédiens, à condition qu’ils ne représenteraient que des Pièces pieuses. On se lassa bientôt de ces Pièces pieuses ; ce qui y fit ajouter des Farces que le Parlement de Paris défendit en 1541. sous François I. comme contraires aux Saints Canons. On voit encore sur une des portes de cet Hôtel les instruments de la Passion de Notre Seigneur. On n’oublie pas de répondre à l’argument tiré des Tragédies des Collèges, par les règles de l’Université, qui défendent d’y rien représenter que d’édifiant, et d’en exclure les personnages et les habits de Femmes ; par les Statuts des Jésuites qui portent que les Comédies et les Tragédies seront Latines, qu’on n’en fera que très rarement, qu’on prendra toujours des sujets de piété, et qu’il n’y paraîtra point de personnages de femme, ni de fille ; enfin par la quatrième Assemblée générale de l’Oratoire, qui renouvelle le règlement contre les personnages de Femmes et de Filles sur le Théâtre de leurs Collèges.

On voit ensuite les Réponses à plusieurs questions : entre autres on répond que le Cardinal Tolet et Navarre condamnent les Académies de Jeu aussi bien que les Comédies, comme des sources funestes de plusieurs crimes. On finit par des décisions des Pères Guzman et Mariana Jésuites, qui soutiennent que les Comédies sont mauvaises et nuisibles, et qu’il ne faut pas déférer au sentiment des personnes de quelque mérite et condition qu’ils fussent, s’ils osaient justifier les Comédies.

SECTION NEUVIEME.
Maximes et Réflexions sur la Comédie, par M. Jacques Bénigne Bossuet Evêque de Meaux. A Paris, Chez Anisson. 1694.

Monsieur de Meaux commence par un Extrait de la Lettre du Théologien, qui avait avancé que la Comédie, telle qu’elle est aujourd’hui, est épurée en France, et qu’il n’y a rien que l’oreille la plus chaste ne puisse entendre. Mais on demande s’il faut passer pour honnêtes, les impiétés et les infamies, dont sont pleines les Comédies de Molière, qui remplissent encore à présent tous les Théâtres des équivoques les plus grossières. Il ajoute que les Airs de Lully tant répétés dans le monde, ne servent qu’à insinuer les passions décevantes, en les rendant plus agréables et plus vives, plus capables par le charme de la Musique de s’imprimer dans la mémoire, parce qu’elle prend d’abord l’oreille et le cœur.

Il cite Racine qui a renonce à sa Bérénice, la croyant dangereuse à la pudeur ; et prétend que Corneille dans son Cid veut qu’on aime Chimène, qu’on l’adore avec Rodrigue. Il se sert de la comparaison des Peintures immodestes dont l’usage est condamné, parce qu’elle ramènent naturellement à l’esprit ce qu’elles expriment ; et il dit que les expressions du Théâtre touchent plus, parce que tout y paraît effectif : les vraies larmes dans les Acteurs en attirent d’aussi véritables dans ceux qui les regardent. La mort tragique de Molière sur le même Théâtre où il jouait le Malade imaginaire, n’y est pas oubliée.

Le prétexte du mariage est bien développé par la remarque solide ; que le remède des réflexions ou du Mariage vient trop tard, que déjà le faible du cœur est attaqué s’il n’est vaincu, et que l’union conjugale est trop grave et trop sérieuse pour passionner un Spectateur qui ne cherche que le plaisir ; que le Mariage n’est la fin des Comédies que par façon et pour la forme.

Sa réponse aux Lois par lesquelles on a voulu autoriser ces Comédies, est que quand les Lois au lieu de flétrir comme elles ont toujours fait, les Comédiens, leur seraient favorables ; tout ce que nous sommes de Prêtres, nous devrions imiter l’exemple des Chrysostome et des Augustins, qui disaient que si les Lois Romaines permettaient l’usure et les divorces, ces crimes n’étaient pas moins reprouvés par l’Evangile, parce que les lois de la Cité sainte et celles du monde sont différentes.

Il y a des choses curieuses sur Platon, qui a condamné les Tragédies anciennes, parce qu’elles réveillaient les passions, quoique les Femmes ne parussent pas sur les Théâtres des Païens par pudeur. Ainsi les Hommes y prenaient l’habit, et faisaient les personnages de Femmes. On confirme cette condamnation par les Statuts des Jésuites, qui leur défendent de faire paraître des personnages de Femme sur les Théâtres de leurs Collèges.

Je ne m’arrêterai pas aux Réflexions de M. de Meaux, sur saint Thomas, par lesquelles il prouve solidement que ce saint Docteur n’a jamais parlé de la Comédie.

Pour dire un mot du reproche qu’il fait au Théologien d’avoir falsifié saint Antonin, en ajoutant le mot de Comédie dans un endroit où il est parlé des conversations agréables, et de rendre cet Archevêque protecteur des Comédies, lui qui ne permet pas d’entendre le chant des Femmes, parce qu’il est périlleux, et selon son expression, « Incitativum ad lasciviam ». Qu’aurait-il juge de nos Opéra, et aurait-il cru moins dangereux de voir des Comédiennes jouer si passionnément le personnage d’Amantes, avec tous les malheureux avantages de leur sexe ? La profanation des Dimanches et des Fêtes, et du Jeûne, par l’assistance aux Spectacles, y est parfaitement prouvée.

La vertu prétendue d’Eutrapélie du Théologien y est réfutée par saint Paul, qui la joint avec les paroles folles, sales, ou déshonnêtes. Mr. de Meaux conclut par ces paroles : « Voilà les saintes maximes de la Religion Chrétienne sur la Comédie. Ceux qui avaient espéré de lui trouver des approbations, ont pu voir par la clameur qui s’est élevée contre la Dissertation, et par la censure qu’elle a attirée à ceux qui ont avoué qu’ils en avaient suivi quelques sentiments (L’on peut croire que M. de Meaux veut parler de l’interdit du Théologien, par feu M. de Harlay Archevêque de Paris,) que l’Eglise est bien éloignée de les supporter : et c’est encore une preuve contre cette scandaleuse Dissertation, qu’encore qu’on l’attribue à un Théologien, on ne lui ait pu donner des Théologiens, mais de seuls Poètes Comiques pour Approbateurs, ni la faire paraître autrement qu’à la tête, et à la faveur des Comédies. » Enfin il finit en répondant à ceux qui voudraient ménager à la faveur du plaisir des exemples et des instructions sérieuses pour les Rois, et il dit : « Que les Rois n’apprendront jamais rien au Théâtre : et que Dieu les renvoie à sa Loi pour y apprendre leurs devoirs : Qu’ils la lisent tous les jours de leur vie ; qu’ils la méditent nuit et jour comme un David ; qu’ils s’endorment entre ses bras, et s’entretiennent avec elle en s’éveillant comme un Salomon : que pour les instructions du Théâtre, la touche en est trop légère, et qu’il n’y a rien de moins sérieux, puisque l’homme y fait à la fois un jeu des vices, et un amusement de la Vertu. »

SECTION DIXIEME.
Sentiments de l’Eglise et des Saints Pères, pour servir de Décision sur la Comédie et sur les Comédiens : opposés à ceux de la Lettre qui a paru sur ce sujet depuis quelques mois. « Nolite communicare operibus infructuosis tenebrarum, magis autem redarguite. » Eph. 5. 11. A Paris, Chez Couterot, rue S. Jacques.

L’Auteur de cet Ecrit avertit d’abord qu’il le donne au public, par le conseil de personnes assez considérables dans l’Eglise, qui ont jugé qu’on ne peut opposer trop de digues à la violence du torrent qui entraîne tout le monde à la Comédie.

Le premier Chapitre expose quelques passages, particulièrement du Nouveau Testament, avec des applications contre la Comédie. On y joint des Conciles, et l’on est fort diffus sur les raisons tirées de l’opposition de la Comédie à l’esprit du Christianisme. On cite ces vers d’Atys :

« O douce vie,
Digne d’envie !
Tendres Amours, enchantez-nous toujours,
O jours heureux que l’on vous trouve courts ! »

L’Auteur passe au renoncement aux plaisirs du siècle fait dans le Baptême, il s’étend sur plusieurs autres raisons, et principalement sur la discipline des Paroisses de Paris, qui observent exactement leurs Rituels qui ordonnent de refuser le Viatique aux Comédiens, s’ils ne promettent de renoncer au Théâtre. Il cite l’exemple de Floridor fameux Comédienai, qui fut fidèle à garder la parole qu’il avait donnée à M. Marlin Cure de saint Eustache, après que Dieu lui eût rendu la santé. Il aurait pu citer Arlequin à qui on n’a donné le Viatique qu’à la même condition.

Il nomme encore Rosimondaj Comédien connu dans la Paroisse de saint Sulpice, qui étant mort subitement, fut enterré sans Clergé, sans Luminaire et sans Prières, dans l’endroit du Cimetière où l’on met les enfants morts sans Baptême. On a même changé la marche de la Procession de S. Sulpice à la Fête du Saint Sacrement, pour ne pas passer devant le Théâtre des Comédiens Français ; pour apprendre aux Fidèles combien l’Eglise a en horreur ces Théâtres.

Cet Auteur fait encore le récit du bruit, qu’il y eut à Paris, dans la Paroisse de S. Germain de l’Auxerrois en 1657 au sujet des Comédiens Italiens, que M. le Curé voulait faire sortir de sa Paroisse. Il consulta la Sorbonne, dont voici la décision : « Les Docteurs de la sacrée Faculté de Théologie de Paris, soussignés, qui ont été consultés pour savoir si les Comédies que représentent les Comédiens Italiens à Paris, peuvent être permises, ayant vu une partie des Affiches qui leur ont été communiquées, savoir celles du 12. 15. 16. et 21. d’Août, celles du 18. Octobre, celles du 16. et 18. Novembre, sont d’avis que telles Comédies ne peuvent être sans péché mortel en ceux qui les représentent, et en ceux qui y contribuent. Délibéré à Paris ce 25. Novembre 1657. et signe, Pereyret, N. Cornet, Hallier, R. Duval, M. Grandin, Coqueret. » Il faut remarquer que ces Messieurs étaient la plupart Professeurs en Théologie, et non suspects de morale outrée. L’Auteur fait voir dans les Pièces du Théâtre les plus approuvées dans ce siècle, le vice loué et estimé. Dans le Cid on parle d’un parricide commis, en ces termes :

« Enfin n’attendez pas de mon affection,
Un lâche repentir d’une belle action,
Je la ferais encore, si j’avais à la faire. »

Et la Fille du Père assassiné, loue l’assassin,

« Tu n’a fait le devoir que d’un homme de bien. »

On y trouve des Leçons de vengeance d’un Père à son Fils :

« Va contre un arrogant éprouver ton courage,
Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage,
Meurs, ou tue. »

Dans Polyeucte cette Pièce prétendue sainte, on voit une Fille qui parle d’un Amant que ses parents ne voulaient pas qu’elle épousât :

« Il possédait mon cœur, mes désirs, ma pensée,
Je ne lui cachais point combien j’étais blessée,
Nous soupirions ensemble et pleurions nos malheurs,
Mais au lieu d’espérance il n’avait que des pleurs. »

On dit qu’on a combattu le faux dévot dans le Tartuffe ; cependant après qu’on a détrompé Orgon, on le fait ainsi parler contre tous les gens de bien :

« C’en est fait, je renonce à tous ces gens de bien,
J’en aurai désormais un horreur effroyable,
Et m’en vais devenir pour eux pire qu’un diable. »

Dans le Festin de Pierre, on expose les maximes les plus impies ; et le tonnerre qui écrase l’Impie, fait moins d’impression sur les méchants qui assistent à cette malheureuse Représentation, que les maximes détestables qu’on lui entend débiter, n’en font sur leurs esprits.

Dans l’Opéra d’Atys, l’amour profane triomphe de la Vertu :

« Laisse mon cœur en paix, impuissante Vertu,
N’ai-je pas assez combattu ?
Quand l’Amour malgré toi me contraint de me rendre,
Que me demandes-tu ? »

Voilà assez d’exemples pour faire voir combien les leçons du Théâtre sont funestes aux jeunes gens.

L’Auteur répond aux autorités et aux raisons du prétendu Théologien : nous les avons vues dans les Ouvrages précédents.

SECTION ONZIEME.
Réponse à la Préface de la Tragédie de Judith. A Paris, Chez Jean-Baptiste Coignard, à la Bible d’or. 1695.

Je n’ai pu lire sans surprise dans la Préface de la Tragédie de Judith, qu’un Chrétien y ose dire que la Comédie par cette Pièce se fait honneur à elle-meme, en faisant honneur à la Religion, et que les Comédiens ont par là un moyen sûr et glorieux, pour confondre ceux qui s’obstinent sans cesse à décrier leur profession. Il faut que cet Auteur ait une mémoire bien ingrate, puisqu’il ne se souvient pas de tant de bons Ouvrages qui ont été donnés au public l’année dernière, contre la Comédie, où l’on a solidement prouvé que les Comédiens sont excommuniés par l’Eglise : je viens de rapporter l’Abrégé de tous ces Ouvrages.

L’Excommunication des Comédiens a-t-elle été levée par la représentation de la Tragédie de Judith ? Au contraire les Comédiens sont plus coupables, parce qu’ils ont osé profaner une Histoire sacrée. L’Auteur de cette Pièce ne pourra effacer que par les larmes d’une véritable Pénitence le sacrilège qu’il a commis, en donnant un Amant à une Veuve qui n’en a jamais eu, puisque l’Ecriture n’en dit pas un mot ; et il s’est condamné lui-même, en avançant au commencement de sa Préface, qu’on ne peut altérer les sujets de l’Ecriture sans une espèce de sacrilège.

L’approbation des Spectateurs du Théâtre, bien loin de justifier son sacrilège, fait connaître leur corruption, puisqu’ils ont approuvé dans cette Pièce ce qui y était faux, et ce qui était le plus capable de corrompre le cœur. Sans l’addition de l’intrigue de Misaël à l’Histoire de Judith, cette Pièce aurait été désagréable ; c’est pourquoi Misaël paraît dans la plupart des Scènes, et quoique Judith ne consente pas à la proposition de mariage qu’il lui fait, cette Veuve serait coupable même selon le monde réglé, de l’écouter et de lui répondre après l’avoir remercié.

SECTION DOUZIEME
Requête des Comédiens de France, présentée au Pape Innocent XII. et sa Réponse.

On a écrit de Rome, que les Comédiens de Paris qui se présentèrent à la Confession au Jubilé de l’année dernière 1696. croyant que c’était un temps de grâce pour eux, comme pour les autres pécheurs, parce que les Confesseurs avaient le pouvoir d’absoudre des cas réservés ; surpris néanmoins que les Confesseurs leur eussent refusé l’absolution, s’ils ne promettaient par écrit de ne plus monter sur le Théâtre, avaient présenté une Requête au Pape, dans laquelle ils remontrent qu’ils ne représentent à Paris que des Pièces honnêtes, purgées de toutes saletés, plus propres à porter les Fidèles au bien qu’au mal, et inspirant de l’horreur pour le vice et de l’amour pour la vertu ; et ils prient le Pape de répondre si les Evêques ont droit de les excommunier.

Cette Requête a été lue et examinée dans la Congrégation du Concile, parce que cette affaire regarde la discipline et les décisions des Conciles : et les Comédiens ont été renvoyés à M. l’Archevêque de Paris, afin qu’il les traite suivant le droit et les canons des Conciles, « Ut provideat eis de jure. » Ainsi voilà comme une nouvelle confirmation de l’excommunication des Comédiens. Je ne dis rien de la fausseté de l’exposé de leur Requête, parce que cet Ouvrage la prouve assez.