(1731) Discours sur la comédie « Préface de l'Editeur. » pp. -
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(1731) Discours sur la comédie « Préface de l'Editeur. » pp. -

Préface de l'Editeur.

L’ouvrage qu’on donne au Public, avait déjà paru anonyme en 1694. in-12. Sous ce titre : Discours sur la Comédie où l’on voit la réponse au Théologien qui la défend, avec l’Histoire du Théâtre, et les sentiments des Docteurs de l’Eglise depuis le premier siècle jusqu’à présent. C’étaient deux Discours prononcés par le P. le Brun, au Séminaire de Saint Magloire le 26. avril, le 3. et le 7. mai 1694. Ce fut par ordre de M. de Harlay Archevêque de Paris, qu’il traita cette matière ; voici ce qui donna occasion à ces Discours.

En 1694. M. Boursault fit imprimer son Théâtre, et mit à la tête de son Recueil, une Lettre d’un Théologien, illustre par sa qualité et par son mérite, consulté par l’Auteur, pour savoir si la Comédie peut être permise, ou doit être absolument défendue . Cet écrit favorable à la Comédie et aux Comédiens, fit grand bruit ; les Prédicateurs témoignèrent ouvertement leur indignation ; leur zèle fut secondé par les Curés de Paris et douze d’entre eux portèrent leurs plaintes à l’Official. Quoique la Lettre fut anonyme, le nom de l’Auteur des Pièces de Théâtre, fit jeter les yeux sur les Théatins, et le titre de Théologien illustre par sa qualité et par son mérite, annonça le P. François Caffaro. M. l’Archevêque, informé du scandale que causait cette Lettre, éclaircit le fait, et obligea ce Religieux qui n’en était pas pourtant l’unique Auteur, à la désavouer ; ce qu’il fit avec toute la sincérité possible. Cette contestation finit paisiblement comme se terminent les disputes où l’ambition et l’intérêt n’ont point de part. Il résulte de la rétractation de ce Religieux, que pour amuser son loisir, il avait composé un petit ouvrage en faveur du Théâtre, mais sans aucun dessein de le rendre public. On prétend qu’un de ses Confrères qu’on s’abstient ici de nommer, le mit en l’état où il a paru. Depuis ce temps, la Lettre du Théologien a été imprimée à la tête du Théâtre de M. Boursault, et la même personne qui l’a publiée, y a joint une courte Préface, où il fait l’éloge de cette Pièce, quoiqu’elle fournisse de grandes preuves de l’ignorance de son Auteur ; et il parle avec mépris des réponses à cette Lettre. Je n’en suis pas étonné, la plupart des Adversaires du Théologien, lui font voir qu’il est peu versé dans l’antiquité sacrée et profane. Il n’était pas possible qu’un écrivain qui avait adopté ses idées, eût la complaisance de souscrire à une censure si humiliante. Rien n’est plus ordinaire dans les disputes même les plus sérieuses, que de voir des écrivains, répondre par des airs de mépris et par des injures, à des écrits victorieux ; mais le public n’est pas la dupe de ces ridicules triomphes.

Comme la rétractation du P. Caffaro est presque inconnue : on a cru devoir l’imprimer à la suite de cette Préface ; outre qu’elle fait honneur à la docilité de ce Religieux; elle servira encore à montrer le peu de cas qu’il faisait lui-même d’un écrit dont on vante le mérite imaginaire.

Quoique l’ouvrage du P. le Brun fut très court, il fut bien reçu du Public ; mais l’Auteur peu content de cette ébauche, pensa dès lors à le perfectionner. A mesure qu’il étudiait l’antiquité Ecclésiastique, il ramassait ce qui avait quelque rapport aux Jeux de Théâtre. C’est ce qui a produit le Traité qu’on donne aujourd’hui. A l’exception du premier Discours où il y a peu d’additions, les autres peuvent passer pour entièrement nouveaux, par les augmentations considérables, l’Auteur ayant recueilli avec soin, ce qu’il a trouvé sur cette matière, depuis Auguste jusqu’à Justinien. Le troisième Discours sur les Pièces de Théâtre tirées de l’Ecriture Sainte, qui paraît ici pour la première fois, fut prononcé en 1695. à Saint Magloire à l’occasion de la Judith, Tragédie de M. Boyer de l’Académie Française. J’ajouterai que j’ai inséré quelques faits, que l’Auteur aurait lui-même cité, s’ils s’étaient offerts à sa mémoire ; j’ai encore pris soin d’extraire tout ce qui se trouve contre les divertissements comiques, dans le beau Recueil de Rituels et de Statuts Synodaux, que le savant M. de Launoy a laissé aux PP. Minimes de la Place Royale. Le P. le Brun avait lui-même indiqué ce Recueil dans un Exemplaire de son premier ouvrage, et marqué la place de ces extraits ; on s’est conformé à ses intentions. Qu’on ne dise point que tous ces passages sont superflus, outre qu’ils forment la chaîne de la Tradition, ils servent encore à faire connaître le genre de Spectacles, usités dans chaque sièclea.

Pour bien juger du mérite de cet ouvrage, il faut saisir le but principal de l’Auteur, qui est de justifier la pratique de l’Eglise, en excommuniant les Comédiens et en tolérant ceux qui vont aux Spectacles. Pour cela il rassemble plusieurs faits d’où dépend la connaissance des Spectacles de différents siècles, et rapporte les Jugements des Docteurs de l’Eglise et des Théologiens. Ces faits ainsi réunis et appuyés de réflexions sages et mesurées, forment des preuves supérieures, aux raisonnements purement spéculatifs.

Quoique cet ouvrage soit posthume, on ose espérer qu’on ne le trouvera pas indigne de la réputation de l’Auteur ; on n’a encore donné aucun ouvrage en notre langue, sur les Jeux de Théâtre, où il y ait tant de choses curieuses.

On avait d’abord résolu de mettre ici un éloge historique du Père le Brun. Mais on a cru devoir le réserver pour un ouvrage plus considérable qui est actuellement sous presse. C’est un Traité du Discernement des effets naturels d’avec ceux qui ne le sont pas, avec l’Histoire Critique des Pratiques superstitieuses qui ont séduit les peuples et embarrassé les Savants. Outre des augmentations considérables, l’Auteur a refondu entièrement son ouvrage, et l’a rendu plus méthodique et plus exact.