(1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XVI. Efficace de la séduction des Spectacles. » pp. 36-39
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(1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XVI. Efficace de la séduction des Spectacles. » pp. 36-39

XVI.

Efficace de la séduction des Spectacles.

Que de tels hommes seroient privilégiés si leur corruption ou leur amour propre ne leur cachoient pas leurs maux ! Que leur sort seroit à envier ! S. Paul châtie son corps, le dompte, le réduit en servitude, & malgré ces préservatifs, il éprouve la révolte des sens ; & eux formés d’un même limon, y sont inaccessibles dans le temple même de la Volupté ! Le feu impur perce jusques dans les déserts ; sa chaleur se fait sentir dans les retraites les plus profondes ; & eux nouveaux prodiges, au milieu de la licence du Spectacle, ouvrant leurs oreilles & leurs yeux à des paroles, à des objets qui blessent la pudeur, n’en reçoivent pas la moindre impression ! Qui pourra les en croire ?

D’ailleurs le venin de la Comédie ne vient pas toujours à grands flots. Il s’insinue quelque fois comme goute à goute. Les chûtes de l’ame sont longues, elles ont des préparations & des progrès. On ne devient pas tout à coup méchant. On a le mal dans le sang & dans les entrailles, avant qu’il se déclare par la fiévre. En l’affoiblissant peu à peu, on se met dans un danger évident de tomber, & ce grand affoiblissement est lui-même un commencement de chûte.

« La parole de Dieu, dit M. Nicole, qui est la semence de la vie, & la parole du diable qui est la semence de la mort, ont cela de commun qu’elles demeurent souvent longtems cachées dans le cœur sans produire aucun effet sensible… Le diable se contente quelquefois de remplir la mémoire des images (du spectacle) sans passer plus avant, & sans en former encore aucune tentation sensible : mais ensuite après un long tems, il les excite & les réveille sans même qu’on se souvienne comment elles y sont entrées, afin de leur faire porter des fruits dignes de mort, ut fructificent morti. .

« On peut donc dire à ceux qui se vantent que la Comédie & les Romans, (tout ce qui a été dit jusqu’à présent de l’une, peur s’appliquer aux autres,) n’excitent pas en eux la moindre mauvaise pensée, qu’ils attendent un peu, le diable saura bien prendre son tems, quand il en trouvera l’occasion favorable. Peut-être que les tenant attachés par d’autre liens, il néglige de se servir de ceux-là qui sont plus visibles : mais s’il en a besoin pour les perdre, il ne manquera pas de les employer.

Quelle foule de motifs plus décisifs les uns que les autres pour convaincre les partisans du Théâtre qu’ils ne sont point inaccessibles à la vapeur empoisonnée qui s’exhale de la sçène ! Mais supposons-le pour un moment, seront-ils pour cela innocens ? N’y a-t’il pas d’autres maux dont ils sont coupables ?

« N’est-ce pas un assez grand mal, leur crie S. Chrisostôme, que d’employer si inutilement un si longtems, d’être aux autres un sujet de scandale ? quand vous ne seriez pas blessé de ces représentations infâmes, n’est-ce rien que d’y attirer les autres par votre exemple ? Comment donc êtes-vous innocens, puisque vous êtes coupables du crime des autres ? Tous les désordres que causent parmi le peuple ces hommes corrompus, ces femmes prostituées & toute cette troupe diabolique qui monte sur le théatre, tous ces désordres, dis-je, retombent sur vous : car s’il n’y avoir point de spectateurs, il n’y auroit point de Spectacles ni de Comédie. Ainsi tant ceux qui les représentent, que ceux qui les voyent, s’exposent au feu éternel. C’est pourquoi quand même vous seriez assez chastes pour n’être point blessés par la contagion de ces lieux, ce que je crois impossible, vous ne laisserez pas d’être sévérement puni de Dieu, comme étant coupables de la perte de ceux qu vont voir ces folies, & de ceux qui les représentent sur le Théâtre.

Une telle autorité, des motifs aussi pressans sembleroient devoir réduire pour toujours au silence les deffenseurs du Théâtre. Que pourroient-ils répliquer qui ne soit réfuté d’avance ? Ils prendroient sans doute ce parti, si leurs passions ne s’y trouvoient point intéressées. Mais dès qu’il s’agit, dit S. Cyprien, de perdre quelque chose des intérêts & des plaisirs du siécle, quelque ignorant qu’on soit, on est toujours assez habile à trouver des raisons pour s’en deffendre. Ecoutons donc leurs difficultés, il ne sera pas difficile de les lever.