(1677) L’Octavius « Paragraphe XII du texte latin » pp. 42-46
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(1677) L’Octavius « Paragraphe XII du texte latin » pp. 42-46

Paragraphe XII du texte latin

Que ne jugez-vous pour le moins par l’expérience des choses présentes, combien ces promesses et ces espérances sont vaines ? Apprenez, pauvres misérables, ce qui vous doit arriver après la mort, par ce qui vous arrive durant la vie. Voilà la plus grande et la meilleure partie de vous-mêmes, si l’on vous veut croire, qui a faim et soif, qui est travaillée de pauvreté et de misère : Et Dieu le souffre et le dissimule, ou il ne veut pas secourir les siens, ou il ne le peut ; de sorte qu’il est, ou impuissant ou injuste. Toi qui te figures une immortalité après cette vie, ne sens-tu pas ta condition, ne reconnais-tu pas ta faiblesse lorsque tu vois les dangers, lorsque tu es dans les ardeurs de la fièvre, et dans les tranchées de la douleur : Misérable, qui ne veut pas confesser sa misère alors qu’il la sent. Mais laissons ces petites choses : voici des supplices, des tourments, des Croix, non plus à adorer, mais à souffrir, des feux que vous craignez et que vous prédisez aux autres. Où est ce Dieu qui peut secourir les morts, et qui ne saurait aider les vivants ? Les Romains sans l’assistance de votre Dieu, ne sont-ils pas les maîtres du monde et de vous-mêmes ? Cependant vous êtes dans les appréhensions et les inquiétudes ; vous vous privez des plaisirs honnêtes et légitimes. On ne vous voit point aux jeux publics ni aux pompes : Vous ne vous trouvez, ni aux festins solennels, ni aux combats sacrés ; vous avez en horreur les viandes où les prêtres ont touché, et le vin qu’on a emporté des Autels. Ainsi il semble que vous craigniez même les Dieux que vous ne croyez point. Vous ne portez point de couronnes de fleurs sur vos têtes, et réservez vos parfums pour les morts ; Vous ne mettez pas seulement de guirlandes sur les sépulcres : On vous voit toujours pâles et tremblants ; dignes certes de miséricorde, mais de celle de nos Dieux. Enfin, misérables que vous êtes, vous ne ressuscitez point, et ne jouissez point cependant de la vie. Partant s’il vous reste quelque peu de sagesse et de pudeur, cessez de contempler les Cieux et de rechercher les Destins du monde;  songez à vous et regardez à vos pieds ; c’est assez principalement pour des gens sans lettres, rudes et mal polis, s’il ne vous est pas donné de connaître les choses de la terre, à plus forte raison de discourir de celles du Ciel.