(1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XXV.  » p. 484
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(1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XXV.  » p. 484

XXV.

Mais il n'y a rien qui fasse mieux voir le danger de la Comédie, et combien elle est défendue aux Chrétiens, que l'opposition qu'elle a avec les principales dispositions dans lesquelles ils doivent tâcher de s'établir; et auxquelles ils doivent tendre, si la faiblesse de leur vertu les en éloigne. La première est l'esprit de prière, dont l'Apôtre fait un commandement exprès par ces paroles : « Sine intermissione orate.  » Priez Dieu sans discontinuation. Et Jésus-Christ par celles-ci ; « Vigilate et orate ne intretis in tentationem. » Veillez et priez, afin que vous ne succombiez pas à la tentation. Car les tentations étant en quelque sorte continuelles, la prière, qui en est le remède, le doit être aussi.

Il est vrai que cette continuité de la prière ne peut consister dans une attention perpétuelle de l'esprit à Dieu, et qu'il suffit qu'il demeure quelquefois dans un simple désir que Dieu y connaît ; mais il est certain que ce désir s'éteint facilement, si l'on n'a soin de le nourrir par les prières actuelles et par la méditation des choses divines.

C'est pourquoi les Chrétiens ne pouvant pas passer toute leur vie dans l'acte de la prière, sont obligés au moins de se renouveler de temps en temps devant Dieu : et comme c'est par ces prières actuelles qu'ils entretiennent celle qui doit être toujours dans le fond de leur cœur, ils doivent éviter avec un grand soin tout ce qui peut rendre leurs prières indignes d'être présentées devant la divine majesté: ce qui les oblige non seulement d'éviter les distractions qui leur surviennent dans la prière, mais beaucoup plus les sources des distractions qui remplissant l'âme de folles pensées, la rendent incapable de s'appliquer à Dieu.

Cela suffit pour obliger tous ceux qui ont quelque soin de leur salut de fuir les Comédies, le Bal et les Romans, n'y ayant rien au monde qui fasse sortir davantage l'âme hors de soi, qui la rende plus incapable de l'application à Dieu, et qui la remplisse davantage de vains fantômes. Ce sont d'étranges prières que celles que l'on fait en sortant de ces spectacles, ayant la tête pleine de toutes les folies qu'on y a vues. L'on ne se peut pas procurer à soi-même l'esprit de prière, ni cette sainte ardeur qui s'excite quand il plaît à Dieu par la méditation : « Et in meditatione mea exardescet ignis. » Mais le moins que l'on puisse faire, est de n'y mettre pas d'obstacle et d'empêchement en faisant volontairement ce qui est directement contraire à cet esprit.