(1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Quinzième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 275-277
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(1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Quinzième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 275-277

Quinzième Lettre.

De madame Des Tianges.

U rsule ! toi, ma sœur !… Oh ! ces hommes, ces hommes, pourquoi les aimons-nous ? Tu ne m’as pas consultée, & pourtant, sans le savoir, je déterminais tes démarches… Mon amie, ma chère Ursule ! toi ! au milieu de ces femmes… environnée de ces hommes… exposée… jugée par ce Public… Eh ! le savait-il, qu’il jugeait la vertu, s’immolant pour un coupable !… Non, de la part d’une femme timide, craintive, je ne m’attendais pas… à tant d’héroïsme, car voila le nom qu’il faut donner à ton action. Qu’il soit ingrat à présent, s’il l’ose… Mais il ne te connaît pas… Eh ! comment t’aurait-il-reconnue ? Il est descendu dans son cœur sans doute ; pouvait-il y trouver rien qui lui dît qu’il mérite cet effort, & le sentiment qui l’a produit ? Ah ! dans ce cœur injuste, il n’a rien senti qui lui fît seulement soupçonner… Que dira-t-il, ô ma trop vertueuse sœur, que dira-t-il ?… Une première fois il ne t’a pas reconnue ; mais enfin, une seconde, une troisième ?… car je vois que tu pousseras jusques-là ton entreprise… Qu’elle est grande ! que j’y vois de magnanimité !… Mais ne crains-tu pas, que s’il venait à voir dans celle qui le charme, une épouse… Je frissonne… Cette action si belle peut causer un éclat… Oh ! ma sœur, ne la deshonore pas, quelle qu’en soit l’issue, par des faiblesses. Après avoir donné les marques d’un attachement si pur, enveloppée dans ta vertu, tu dois voir avec indifférence les jugemens du vulgaire, & jusqu’à l’ingratitude de l’époux. N’as-tu pas tout fait ?… Oui, je te loue, je t’admire… mais je n’aurais pas pris cette route. Achève, puisqu’il le faut… Ursule ! mon amie, ma divinité, on n’a jamais aimé comme je t’aime.

P. S. Mademoiselle De Liane est enfin devenue madame Des Arcis. Bon-dieu ! quelle ivresse ! ils s’aiment trop. Le jeune époux ne voit que sa femme : elle est pour lui tout l’univers… il doit le voir charmant !… Quel sort que celui d’une nouvelle Épouse, s’il était durable !… Honorine est plus tempérée : elle remarque encore ses amies ; elle ne leur dit que quelques mots mais ils sont si tendres ! l’amour dans son cœur, n’absorbe pas l’amitié, au-contraire, il la vivifie, & lui communique cette chaleur animante dont il est le foyer.

Billet à monsieur De Longepierre.

Ma sœur est un trésor, Monsieur, pour vous, pour votre neveu, pour moi, pour la Nation, dont elle est l’honneur. Quelque chose que l’on vous dise à son sujet, n’en soyez pas étonné : apprenez que je le sais & que je l’approuve. Soutenez-la ; consolez-la ; ne la questionnez pas ; sur-tout, laissez-la libre, dès qu’elle paraîtra le desirer. Je ne saurais m’expliquer plus clairement par écrit. A mon retour vous serez instruit de tout. Je suis, &c.