(1608) Traitté contre les masques pp. 3-36
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(1608) Traitté contre les masques pp. 3-36

Traitté contre les masqves.

A riston disoit ainsi, ne vne estuue, ne vn discours ne sert de rien s’il ne nettoye : celuy cy des masques nuëment representé & sans masques pourra nettoyer vne vieille tache qui saillit ceste ville de Clairmont & plusieurs autres, en monstrant que le Diable est l’autheur des masques, que masquer est vne Idolatrie, vne heresie, condamnee par les Peres, par les Conciles & saincts Decrets, qu’il est defendu par les ordonnances des Roys & Arrests des Cours souueraines, & est contre les bonnes mœurs & honnesteté publique.

La preuue que le Diable est autheur des masques & mommeries se tire de la proprieté & origine de ces mots de Mommon, & de Masque Mommo en Grec, Masca, en Toscan & Lombard, & en Latin Larua, signifient vn Demon & vn masque, & ainsi l’a bien interpreté le Cõcile de Nantes, Les faux-visages des Demons que les Italiens appellent masques  ? Doncques les masques sont dicts faux-visages de Demons à cause de leur autheur qui est le Demon aussi appellé Larua. . Pour ceste raison S. Maxime Euesque de Turin leur donne le nom de simulacres & vanitez diaboliques , Gelase Pape de prodiges , & Charlemaigne de Phantosmes diaboliques , car si le Diable ne se masquoit & transformoit en Ange de lumiere, si les faux Prophetes, Idolatres, heretiques, hypocrites, sorciers, & ses autres sectateurs n’estoient trauestis & affublez d’vne robe d’innocence, ils n’attireroient tant de peuples à leur cordele, & si on leuoit le masque on ne vit iamais rien de si hideux & espouuantable soubs ces apparences exterieures : sans le masque, tout ainsi que les Attelains, ils ne ioüeroient pas bien leur personnage & n’auroient l’asseurance de se faire voir à descouuert. S’il est besoin d’affermir ceste verité d’auctoritez, S. Iean Chrysostome escrit que ceux qui masquent font la feste de Satan  : S. Maxime de Turin, qu’ils sont ministres du Diable . S. Pierre de Rauenne, que le Diable est inuenteur des masques , & le Canon par deux fois enjoinct aux clercs de ne permettre que l’on porte masques en leur presence d’autant que c’est chose diabolique  : demeurant resolu que le Diable est autheur des masques par la relation qu’il y a du pere à la fille, & par consequent du Diable à l’Idolatrie sa fille aisnee, cela me releue de faire preuue que masquer est idolatrer.
Si ne veux-je pourtant laisser de le prouuer par abondance de droit, Larua & Eidolon, sont synonimes qui signifient vne mesme chose, l’vn est Grec & l’autre est Latin : ceux qui sont versez en l’antiquité Payenne sçauent que l’on masquoit aux festes instituées en l’honneur des Idoles dictes Matronalia, Sacra Deæ Magnæ, Brumalia, Oscilla, Lupercalia, Saturnalia, & qu’il estoit loisible en aucunes de ces festes de s’habiller à sa guise, & de prendre tel personnage que l’on vouloit : par le rapport de l’vne d’icelles à nos masquarades nous verrons que ce n’est qu’vne mesme chose : sur la fin de l’annee & au mois de Feburier (l’annee commençant lors au mois de Mars) les Luperques à demy-nuds & a demy-ceincts de peaux en l’honneur du Dieu Lupercus, & en la memoire de la natiuité de Rhemus & Romulus masquez couroient les ruës, & tenant en leurs mains des masses de peau de chieure frappoient les femmes qui se presentoient à eux a demy-nuës, croyant par ce moyen les rendre habiles à conçeuoir & plus faciles à enfanter sans tranchees & douleurs. Nos masques sur la fin de l’an courent les ruës masquez & deguisez en fols, en l’honneur de la natiuité du fils de Dieu tenant des masses à la main farcies de paille ou de bourre en forme de brayete, frappent hommes & femmes en quoy visiblement ils idolatrent : le sçauant Tertulien & Iurisconsulte donne place aux masques à la rubrique de l’Idolatrie, tous les Peres & les Conciles les rangent là, il n’en faut point mandier vn plus ample tesmoignage puis qu’il demeure constãt que les Payens se masquoiẽt en l’adoration de leurs idoles, & c’est la cause pour laquelle nous lisons aux liures des Peres, & entre autres en l’Epistre de S. Gelase 1. contre Andromache, & de S. Boniface Archeuesque de Maience au Pape Zacarie, & aux Capitulaires de S. Charlemaigne, que ceste maniere de masquer est deriuee du Paganisme & insensiblement escoulee aux esprits des Chrestiens qui les a en fin renduz insensez (face Dieu que non insensibles & endurcis en leur mal sans espoir de guarison.)
Pour monstrer que c’est heresie de masquer à Noel & autres festes, voire à vray dire vn acueil d’heresies. Il est certain que les sectes des Caïens, Sethiens, Carpocrasiens, Cerdoniens, Manicheens, Patriciens, Symachiens, des Albigeois & Vaudois, sont tombées en cest erreur qu’il y auoit deux vertus & deux puissances supremes, Dieu & le Diable, que Dieu creoit l’homme interieur qui est l’ame, & le Diable creoit l’homme exterieur qui est le corps, que egalement ils exerçent leurs puissances sur leurs creatures, en sorte que l’ame touchee du doigt de son Createur lors qu’elle se dispose aux saincts iours suiuant les constitutions de l’Eglise à bien faire, à viure reglément & à se repaistre de ce banquet mystique & incomprehensible, pour au iour natal de nostre Sauueur renaistre auec luy : a donc le Diable faict roidir le corps contre l’ame pour la diuertir & faire descheoir de l’estat de grace, seigneuriant sa creature la barboüille, la masque, & luy faict courir les ruës auec des gestes deshõnestes & desbordés, ceux qui masquent se precipitẽt en ces heresies abominables & font hommage au Diable : Les Gnotisques & Borboriens du tout adonnez à leurs sensualitez, sans espoir de salut & sans crainte du iugement, se veautroient dans des bourbiers, se plastroient & embourboient leurs visages, difformoient leurs corps, & auec ceste difformité vagabondoient blasphemant contre Dieu le Createur & sa creature, qu’ils preschoient vile & abiecte & comme telle blasmable de toutes personnes. Les masques ne font ils pas reuiure ceste heresie quand ils trãsforment le visage moulé & embelly de la main ouuriere de Dieu & à sa semblance, en vn hideux spectre, & en vne forme du tout difforme & d’vne bastarde saleté le des-honnorent , comme dit S. Maxime Euesque de Turin : n’est ce pas accuser l’ouurage de Dieu ? desfaire ce qu’il a faict ? couurir ce qu’il veut estre nue ? deguiser ce qu’il commande estre sans fard & deguisement ? Les heresies de Marcus, de Cerdon, & autres, estoient que le fils de Dieu eternel n’auoit pris qu’vn corps vmbratil, imaginaire & phantastic : n’est ce pas auctoriser ceste doctrine quand on se transmuë en phantosmes le iour de sa natiuité ? ceux qui masquent ne sont-ils pas vrays phantosmes partisans de ces heresiarques & de leur creance ? laquelle ils representent se metamorphosans de ceste forte, & choppent contre le mystere de l’incarnation & la foy constante de l’Eglise catholique : Carpocras, Heluidius, & leurs sectateurs déroboient a Iesus Christ l’honneur d’estre fils de Dieu & à la vierge la gloire de sa pudicité sans macule, laquelle nous est chantee & rechantee par l’Eglise qui separe à ce iour d’ornemens blancs pour tesmoigner la pureté de la Vierge, & ceux qui masquent se vestent d’habillemẽs de diuerses couleurs hieroglifiques de corruptelle & d’impureté, en quoy ils choient en l’heresie des Carpocrasiens & Heluidiens, & enueloppent le fils de Dieu tout sainct, tout-pur & tout-net, dans des drapeaux sales, vergoigneux & impures.
Tout ainsi que ces heresies ont esté condamnees & ana thematisees par les saincts Peres & Conciles, de mesmes aussi les masques. S. Paccien Euesque de Barcelonne prit la peine d’en escrire elegamment vn liure entier intitulé de Ceruolo, pour la raison que nous en rendrons : S. Iean Chrysostome a desployé les forces de son eloquẽce pour abolir ceste coustume la depignant des viues couleurs du Paganisme : S. Ambroise la bannit de Milan & de son diocese : S. Aug. ne l’a en rien espargnee la portrayãt descharnee auec de beaux traits de plume, ausquels ie renuoye le lecteur, pour venir à ceux qui sont moins cogneuz & maniez : S. Maxime Euesque de Turin, qui viuoit en l’an 400. de nostre salut faict foy que long temps auant luy les saincts Peres auoient ahané pour tollir & aneantir les masques, & qu’il estoit contrainct de reprendre leurs brisees, à fin de poursuiure & cõbatre ces monstres des masquarades. Ie croy estre necessaire & non superflu si par vn sainct aduertissement ie reitere les sermons des Peres qui m’ont devancé, & de verité il ne sera ni pesant ni ennuyeux pour l’aduencement de nostre salut de dire souuent & souuẽt ouyr choses vtiles & agreables à Dieu : Partant mestres chers freres, vous retenans dans la foy & deuotion acoustumee, tenans la voye de religion & chemin de verité, fuyez les destours des erreurs et mesprisez les masques diaboliques : car l’ame fidelle qui souhaitte la compagnie des Anges nee doit se plaire aux illusions des demons, & entre les seruiteurs de Dieu il n’y a nulle participation de la lumiere auec les tenebres, de la verité auec le mensonge, & de l’honneur auec le deshonneur, comme nous instruict le docteur des Eglises, disant, quel accord y a il de Iesus Christ auec Belial ? & quelle conuenance du temple de Dieu auec les Idoles ? Quiconque donc des croyans est le temple de Dieu ou desire l’estre, que soigneusement il se garde qu’en ensuyuant les choses vaines & mortes il ne soit le manoir des tenebres & le monumẽt du Diable. Peu aprés il adiouste, la maladie de ceux-là est grãde & incurable qui espriz de fureur des superstitions, apaz & attraitz des ieux soubs ombre de sagesse folient, cela ne surpasse-il point toute folie quand ils enlaidissent & barboüillent la beauté du visage humain formé de la main de Dieu & perfectionné à merueilles ? Là se voyent les masques naïuement descrits aussi bien qu’en l’Homelie de S. Pierre Euesque de Rauenne, qui ne dement point son nom de parole doree. Lors que nostre Seigneur est ne pour nostre salut à l’instant de Diable a introduit contre l’honneur de Dieu infiniz pernicieux monstres de masquarades, pour rendre nostre religion ridicule, pour tourner la saincteté en sacrilege, & de l’honneur de Dieu faire iniure à Dieu mesmes. S. Gelase permier de ce nom en l’epistre contre Andromache Senateur qui vouloit renouueler les masquarades escrit, Comment celuy n’est-il pas sacrilege qui ayant abiuré & renié la puissance & prouidence d’un seul Dieu qu’il a professees au Baptesme, se laisse emporter & seduire à quelques prodigieuses superstitions & feintes vanitez ? par aprés. Nès-tu pas crimineux & coulpable qui après ta profeßion de foy retournes aux masquarades peruerses, deprauees, prophanes & diaboliques ausquelles tu as renoncé ? Pour ceste occasion on te doit du tout interdire la communion du sacrement, car tu ne peux participer à la table du Seigneur & à la table des Demons, ne boire le calice du Seigneur & le calice des Demons, ni ne peux estre le temple de Dieu & le temple du Diable, la lumiere & les tenebres ne peuuent conuenir ensemble , & ce que s’ensuit escrit d’vn stile releué. Ie finiray par S. Boniface Euesque de Majence & Legat de sa Saincteté qui se plainct au Pape Zacarie de ce que ayant publiquemẽt & ouuertement combatu l’idolatrie & deffendu les masques comme illicites, les Allemãs, ceux de Bauieres & les François derogoient à la foy & creance de ses predications, les croyans licites pour les auoir veuz pratiquer à Rome, aux Calendes de Ianuier en l’honneur de Ianus : les Idiotz , ainsi que remarque Alcuin precepteur de Charlemaigne, reuerants Ianus comme Dieu ont consacré son iour à plusieurs vilainies, quelques vns d’entr’eux se transformoient en monstres & transfiguroient en formes de bestes sauuages & d’animaux, les autres s’abilloient en femmes, & en ceste maniere saultoient & vagabondoient parmy les rues , à la suitte de ceste remarque il adiouste, parlant de son temps, mais d’autant que par la grace de Dieu les fidelles n’en tiennent compte iaçoit que quelques ressemblances restent encores parmy les rustiques & mal instruicts, lesquelles toutesfois il faut de tout nostre poßible prohiber & oster  : bref S. Almache martir repandit librement son sang pour estancher la cruauté des gladiateurs, & arrester le desordre & superstition des masquarades, & par la sentence de mort de l’impie & impiteux Alipius Prefect de Rome consacra son martire à ce iour de Ianuier : par ceste entresuite des saincts Peres de l’Eglise, on voit comme ils ont employé toutes les forces de leur entendemẽt pour arracher des esprits des Catholiques, ces superstitieuses & idolatres masquarades, les Conciles y ont trauaillé à l’enuy : ceux de nostre France à sçauoir ceux d’Arles, de Tours, d’Auxerre, de Roüen, de Nantes, & ceux de Constantinople 6. & 8. de Rome tenus soubs le Pape Zacarie, de Bragara & Martin Euesque de ce mesme lieu de Bragara en sa collection des Canons y a contribué, & à son exemple Burcard, Yues Euesque de Chartres, Hildebert du Mans, Gratian & Anthoine Augustin en leurs decrets, les Penitenciers de Rome & de Raban Archeuesque de Majance, indisent de grieues peines à ceux qui masquent & idolatrent, & les Peres s’estans apperçeuz que ce mal estoit incurable & que les remedes l’empiroient au lieu de le guerir, s’aduiserent de diuertir l’vsage des masques que l’on faisoit en habit de fols, de Satyres, Comediens & Trajediens, ou en forme d’animaux, d’idoles & de monstres, & en leur place de representer la natiuité du fils de Dieu, le reueil de l’Ange aux Pastres, la Circoncision, l’estoille les trois Roys & semblables histoires. Ce neantmoins ayants par ceste diuersion abrogé l’vsage des masques que ressantoient le Paganisme : Ils n’ont laissé par apres de retrancher ces representations des histoires sacrees, preuoyant bien qu’il arriueroit ce qui est depuis aduenu, c’est qu’elles feroient reprendre ces vieilles erres & eronnees superstitions : de sorte que Innocent 3. s’escrie de ce qu’on faict des ieux de theatre dans les Eglises, & non seulement des bastelleries, mais on introduict des mommeries, & qu’aux trois festes apres le iour de Noel les soubs-Diacres, Diacres & Prestres exerceans leurs farceries & folies par des gestes honteux, raualent & auillissent l’honneur du Clericat au grand scandale du peuple, qu’ils deuroient plustost instruire par leurs predications. Doncques arrachez de vos Eglises ceste mauvaise coustume, ou à mieux dire ceste corruptele , le Patriarche Balsamõ la blasme ores que le Patriarche Theophilacte fils de l’Empereur Romanus Lucapenns l’eust instituée en l’Eglise de Constantinople : le Concile 8. de Constantinople deffend auec vne aigre piqueure ces ieux, danses & masquarades : le Concile de Basle, la Pragmatique Sanction, le Concile de Coloigne, les Synodes de Salisburg & de Tournay conspirẽt & d’vn commun accord condemnent les festes des fats & des fols que l’on celebroit aux festes de Noel : & le venerable Chapitre de l’Eglise Cathedrale de ceste ville de Clairmont composé de graues personnages, par acte solemnel du 5. de Decembre 1450. les bannit à perpetuel de l’Eglise & de son diocese, & auec regretie suis contrainct de dire que quelques Eglises exemptes les retiennẽt encores au grand desauantage de l’estat Ecclesiastique. Voila les masques condamnez par les Conciles & Synodes, par les decrets & decretales, & par les autheurs des penitenciels.
Venons aux Edicts & ordonnances de nos Roys, & voyons s’ils sont plus indulgens : Charlemagne ordonne que toutes façons Payennes soyent chassees de son empire signamment les masquarades, François i. en l’an 1539. Charles ix. 1561. Henry 3. 1579. 1580. ont faict de belles ordonnances contre les masques pour les inconueniens, volleries & assacinats commis par personnes masquez que le Roy Rotarit appelle VValapaus : par Arrest du Parlement fut deffedu à tous marchans de Paris de vendre & tenir masques, & trois hommes vils trouuez masquez furent condamnez à estre fustigez de verges au preau de la Conciergerie & banniz pour quelque temps : Bref par autre Arrest subsequent fut deffendu de porter & vẽdre masques & par plusieurs Arrests des Cours souueraines, & speciallement en ceste ville par les ordonnãces de mes predecesseurs y à presque cent ans long temps auant ces ordonnances & Arrests.
Que masquer ne soit contre les bonnes moeurs mesmes entre les Payens, prenons en à tesmoin Plutarque, lequel discourant des enfans perdus & desbordez parle ainsi : Les vns cõsument tout en despẽce de bouche, les autres à iouër aux dez & à faire masques & mommeries  : le mesmes, les pechez des ieunes gens en leur adolescence bien souuent sont enormes, comme vne yurongnerie, vne gourmandise, larrecin d’argent de leurs peres, ieux de dez, masques & mommeries, amours de filles, adulteres de femmes mariees  : Prenez garde ie vous prie comme il met les masques entre les choses infames, à quoy s’accorde le Iurisconsulte Paul, les conditions apposees contre les Loix & constitutions des Empereurs & contre les bonnes mœurs sont de nulle force & valeur : par exemple, si tu ne prens point de femme, si tu n’as point d’enfans, si tu homicides, si tu vas masqué, & autres semblables. Masquer est doncques par vne illation necessaire coutre les bonnes moeurs & contre l’hõnesteté publique, mesmes entre les Payens, à plus forts termes entre les Chrestiens & fideles qui les doiuent surpasser en modestie & honnesteté de moeurs : Thamar n’eust iamais violé l’honneur de son vefuage & commis inceste auec Iudas son beaupere, si elle ne se fut masquee : C’est ceste mort pourpree qui tyranniquement a rauy la vie, & la chasteté à infinies vierges, assassiné innumerables personnes, cõme deplore S. Clement Alexandrin, iamais on n’eust sentencié à mort le parangon de toute sagesse humaine Socrates si artistement Aristophane n’eust soubs le masque de la Comedie fait creuer les nuës & pleuuoir sur luy toutes sortes d’iniures, donnant de mauuaises impressions aux spectateurs, & les armant & animant contre l’innocence de ce Philosophe. Materne desguisé aux festes de la Déesse Pesinonce mere des Dieux soubs l’habit & masque d’vn des garde-corps de l’Empereur attenta à la vie de Commodus : Combien de voleries, d’assassinats, de parricides, de meurtres, de rauissemẽs, d’adulteres, de larrecins ont esté commis par les masques ; Ie renuoy le lecteur aux histoires & exemples ordinaires. Ie passe soubz silẽce la masquarade ardẽte qui faillit de brusler vn de nos Roys : Ie laisse à part les blasphemes, paroles diffamatoires & iniurieuses proferees contre l’hõneur de Dieu & de ses SS contre les Potentats, contre les gens de bien, par les Comediens & Satyriques masquez. La Déesse des Comediens Polyhynnia se void esleuee en bosse à Rome tenãt vn masque à sa dextre, la Comedie de mesmes, & aux deux coings du sepulchre de Terence y auoit deux masques en sculpture, non seulement pour ioüer diuers personnages, mais aussi pour monstrer que ceste vie est vn theatre sur lequel toutes sortes de personnes de quelque estat & qualité qu’ils soient ioüent leurs personnages, la Satyre est aussi masquee portant en main vn flambeau pour esclairer les peruerses actions des hommes.
Que ce traité qui porte au front vn masque te soit la Déesse Polyhynnia qui te represente les masques, te soit le flambeau de la Satyre qui t’esclaire pour te faire voir combien les masques sont hideux & horribles Souuienne toy que Masque est vne iniure atroce qu’est autant à dire qu’vne sorciere, non seulement en nostre langue, mais aussi en Lombard, Toscan, & Anglois Geruais de Tilleberie sorcieres que le vulgaire nõme masques, & en langaige François striges : qu’il te souuienne que SS. Maxime. Pierre Chrisologue, Gelase & Alcuin les appellent prodiges, Innocent 3. monstres, les mesmes spectres diaboliques : tout ainsi qu’vne mere nourrice pour regler la fougue des petits enfans & venir à bous d’eux, les menace de les faire deuorer par le Barbauld qu’est vn espouuentaire & vn pourtraict masqué, aussi nostre commune mere l’Eglise pour te ranger à ton deuoir & te faire ploier à ses ordonnances & employer les saincts iours en prieres & bonnes oeuures, te r’amener au chemin de salut, duquel ces folies te forlignent par les homelistes & saincts docteurs, tes peres nourriciers te represente les masques dautant plus horribles & espouuẽtables qu’ils sont reuestuz de robes de sorciers, d’heretiques & idolatres. Les gaudisseurs & libertins repartiront, & ceux qui sont plustot portez à masquer par vne facilité, par l’exemple de leurs peres & par coustume inueteree qui les violente, que par vn mauuais naturel & propension de malfaire, mettans les masques entre les choses indifferentes, repartiront dis-ie que les SS. Peres & les Conciles ont declamé contre les gentils qui masquoient en l’honneur des idoles, qu’ils condemnẽt l’idolatrie auec eux, pour leur regard qu’ils sont poussez d’autres mouuemens, que c’est pour mener ioye de la natiuité du fils de Dieu, & s’esgayer honnestement comme l’on faict aux natiuitez des Saincts : à plus forte raison en celle-cy qu’est le iour natal du S. des saincts que les Payens & idolatres se masquoient en vn autre tẽps, d’autre façon & à autre fin, & quant à eux qu’ils n’ont intentiõ que de passer le temps ioyeusement de donner quelque relasche au corps & à l’esprit harassez du trauail durant le cours de l’annee. Ils se couurent d’vn fac moüillé & au lieu de s’excuser ils s’accusent dauantage, & ce n’est pas parer aux coups que l’Eglise lance contre les mascarades, c’est se flatter, c’est se plaire en son mal : i’ose dire que te masquant tu faits cõme les Payens : ils masquoient en l’hõneur de leurs idoles croyãt qu’ils fussent vrais Dieux, & roy qui doit croire vn seul Dieu, te masque à la guise des idolatres & ne crois les Idoles, leur foy & creãce les excuse, la tienne t’accuse, en ce que tu fais les actes d’idolatres sans croire les idoles pour Dieux, & au lieu d’honnorer Dieu tu le deshonnore, & en faisant les actes des idolatres tu idolatres, & plus grieuemẽt que les idolatres mesmes : Dieu les auoit priuez de la lumiere de la foy & les auoit faict cheoir aux tenebres des vanitez, Dieu t’a esclairé & tu vis en tenebres. Voicy cõme les Chrestiens ont choppé lourdement & sont cheuz en des encombres d’erreurs, quand Dieu les a priuez de sa guide & de la lumiere de la foy entre autres en celle des masquarades : les Chrestiens ont esté tellement abrutifs qu’ils se sont trasmuez en bestes & ont prins les formes des cerfs & des bœufs, & d’autres animaux. Et ie pense que c’est la raison pourquoy S. Paccian a intitulé son liure de Ceruolo, comme il tesmoigne en son enhortement à la penitence, & S. Hierome parlant de ses escris au liure des hommes illustres. Et pource que ie sçay que les plus doctes hesitent en cela & sont en peine de sçauoir que c’estoit ; & pourquoy il a adonné ce tiltre à son liure en passant ie l’esclairciray dautant plus volontiers que cela faict à nostre propos, & à l’esclaircicement d’vn de noz Conciles François & d’Auxerre qui deffẽd Ceruolo aut vecola facere le premier iour de l’an, & le penitentiel de Burchard donne vne penitẽce d’vn ieusne de trente iours au pain & à l’eau à ceux qui aux Kalendes de Ianuier faciunt in Ceruolo, vel in vegula  : pour moy ie pense que celà se peut approprier à cest aueuglement qui faisoit transformer les Chrestiens en bestes rousses & fauues, & autres animaux. I’ay pour garent S. Augustin, D’auantage en ces Kalendes ils prenoient des formes monstrueuses, les aucuns se vestent de peaux d’animaux, les autres mettans sur leurs chefs les restes des bestes, monstroient qu’ils auoient la figure & le sens des bestes & estoient vrayement insensez Et S. Maxime de Turin en l’Homelie des Kalendes de Ianuier, que Gennade de Marseille luy attribuë : N’est-il pas vray que tout ce que l’on faict à ce iour est plain de vanité & de folie, quand les hommes formez de Dieu se transforment en pecores, ou en bestes sauuages, ou en monstres ? en quoy se rencontrẽt les deux ensemble en pecores c’est vecula facere, faire le bœuf ou la vache, ceruolo c’est faire le cerf c’est à dire se transfigurer en ces bestes & courir les ruës. S. Pierre de Rauenne sur la fin de l’homelie de ce mesme iour du premier Ianuier : destournons les Chrestiens qui se sont faicts semblables aux bestes, esgaulx aux iumens, & pareils aux pecores, ont prins les formes des Demons. Alcuin cõme i’ay rapporté le confirme & s’escrie de ce que quelques ressemblances restoient encores en son siecle, qui ont bien passé oultre & sont venues iusques au temps du Patriarche Balsamon lequel note les Clercs de son temps qui en certaines festes de l’an masquez & trauestiz en soldats, en moines ou animaux, entroient dans la nef des Eglises, il en reste encores des vestiges en plusieurs endroicts qui veulẽt trop naïfuement representer la natiuité du fils de Dieu par le bœuf & l’asne. Ceste maniere de parler de ceruolo facere n’est estrange, & S. Paccian dit Ceruulum facere, le Burchard in ceruolo facere, tout ainsi que le Concile de Nantes a dit vrso facere Maintenant en noz masquarades on ne laisse rien à faire, il y a des masques qui representent des ours des loups, des chiens, des taureaux, des cerfs, des monstres, des Satires, des Diables, on les debite publicquement on les porte ceux-là n’ont-il pas perdu l’image de Dieu, la ressemblance de Iesus Christ qui se transforment en des simulacres rempliz de sacrilege ? mais quelqu’vn dira ce ne sont point sacrileges, ce sont esbatemens, & c’est vne ioye nouuelle, non vne vieille erreur, c’est le commencement de l’an, non vne offence des gentils, tu erres, ce ne sont point iouets, ce sont crimes, qui se iouë en impieté, en sacrilege, qui appelle le peché risee ? celuy se trompe bien fort qui en faict ce iugement, celuy est tyrã qui prend l’habit d’vn tyran, celuy qui se faict Dieu se reuolte contre Dieu, celuy n’a pas voulu porter l’image de Dieu qui porte celle d’vn Idole, qui vouldra gaudir auec le Diable ne pourra s’esiouyr en Iesus Christ, nul ne se iouë seurement avec vn serpent, nul ne se iouë impuneement auec le Diable, s’il nous reste tant soit peu de pieté, si nous auons esgard à nostre humanité, si nous auons soing du salut de nostre prochain, retirons ceux qui courent ainsi à toute course à perdition, qui sont rauiz á la mort, sont emportez aux enfers & sont precipitez à la gehenne : Que le pere donc retire son enfant, le maistre son seruiteur, le parent son parent, le citoyen son concitoyen, l’homme l’homme, & tous les Chrestiens, qui se transforment en bestes, iumens, pecores, demons, & celuy, qui les deliurera rẽportera le loyer, qui le mesprisera commettra offense, biẽ-heureux est celuy qui se garde de ne faire chose que bien a point, & qui est soigneux du salut d’autruy. On ne se retient point dans les bornes de modestie on les frãchit & on s’eslance en toute effrenee licẽce, les femmes despoüillent la hõte auec leurs robes pour se masquer en hommes, l’homme est si deshonté de prendre l’habit de femme : oyez le Dieu eternel, la femme n’aura point les habits de l’homme, & l’homme ne vestira point les vestemens de la femme : car quiconque le faict il est abomination au Seigneur Dieu , Les Conciles de Gangre, de Constantinople 6. les saincts Decrets anathematisent & excommunient les hommes qui s’habillent en femmes, & les femmes qui se vestent en hommes : Le Concile de Braga & le penitentiel de Rome leur enioignent de faire penitence durant trois ans auec protestation de n’y plus retourner & de s’amender à l’aduenir : S. Augustin s’aygrit de l’excez de ceste liberté parlant des masques, aucuns d’entre-eux se vestoient de robes de femmes, ne rougissans point de honte de mettre leurs bras puissans & aguerriz dans des robes delicates à vsage de femme  : S. Maxime de Turin s’estomaque contre-eux, n’est-il pas ainsi que tout ce qui est faict par les ministres des Demons est faux & forcené, quand vn homme affoiblissant la vigueur de ses forces & raualant son courage masle se change en vn maintien effeminé, & se comporte en ceste action auec tant de molleße & dexterité qu’il semble se repentir de ce qu’il est homme ? Alcuin semble auoir imité ce beau traict de S. Maxime, quelques vns composent leur marcher & contrefont leur allure, & amblẽt d’vn pas compassé en guise de femmes, & non sans cause, ceux n’ont rien de viril qui se sont masquez & transformez en femmes  : Le Patriarche Balsamon escrit, que les peres reiettans les masques n’ont permis à aucun homme d’vser d’vne robe de femme, & à nulle femme d’vser du vestement d’homme, & ce fut le seul subject pourquoy les Anglois ietterent le sort sur la vie de la pucelle d’Orleans, d’ailleurs innocente.
Ceste mesme effrenee liberté les emporte à prophaner l’habit des moines & hermites contre les loix qui les deffendent aux bastelleurs & Comediens, à plus forte raison aux masques sur peine de punition corporelle & de bannissement contre les infracteurs & contreuenans, ces loix Romaines nous obligent à les garder & entretenir en ce qu’elles sont ordonnees par Theodose, Arcade, Honore & Iustinian Empereurs Chrestiens, & sont conformes à la raison & à la bien-seance, & comme telles reçeües par noz Roys en leurs capitulaires, & auctorisees par les Patriarches Photius & Balsamon & par le Glossateur des decretales, mesmement par nostre vieille practique Françoise, ainsi que rapporte Faber Iurisconsulte ; Et ce qui aggraue d’auantage l’offence c’est la circonstance du temps auquel on se masque, aux festes de Noel en plein iour publiquement durant l’office, au deuant de l’Eglise Cathedrale, où les bandes des masques abordent à l’abandon en habits de fols, & auec sonnerie de toutes sortes d’instrumens saultent, vireuoutent, piroüetent avec des mouuemens lubriques & lascifs : bon Dieu que de folie d’auoir masqué la veille & le iour de Noel (maintenant on les respecte) iour que le Prophete Royal honore du tiltre special du iour crée par le Seigneur, où Cassiodore observe : Iaçoit que Dieu ayt crée tous les iours, singulierement il est dit qu’il à fait ce iour qui est sainct & sacré par la natiuité de nostre Seigneur, auquel il faut triompher & mener liesse, pource que le Diable a perdu son credit & auctorité, & le monde a receu la vie & son salut ? Iour que S. Iean Chrysostome daigne bien qualifier du tiltre de feste metropolitaine de toutes les festes , les peres de saincte & alme iournee  : l’excellence de laquelle tous les hommes ensemble ne sçauroient dignement loüanger, & meritoirement les gentils, les Iuifs & les Chrestiẽs appellent ce iour vn nouueau soleil qui a esclairé l’vniuers qui de parauant estoit en tenebres en culte duquel l’Eglise s’abille de dueil, ne chante point Te Deum, ne l’hymne Angelique, & Ite missa est. Nos anciens ont employé en ieusnes quarante iours immediatement auant ceste tres-saincte iournée, & l’austerité de ce ieusne comme legitime estoit legitimement obseruée non seulement par les penitens, par les Religieux & deuots, mais aussi par les laics : Charlemaigne à ordonné que les Curez admonestassent leurs parroißiens de faire trois ieusnes legitimes en l’annee, c’est à sçauoir 40. iours auant la natiuité de nostre Seigneur, 40. iours auant Pasques ou nous payons la disme de l’annee, & 40. iours apres la Penthecoste  : S. Perpete de Tours l’auoit long temps auparauant institué de 40. iours, mais pour s’accommoder à la foiblesse du peuple il permit que ce fut alternatiuement & de iour entre autre, le Concile de Mascon 1. suiuit ceste institution, le zele & la coustume loüable de ieusner entierement rompit l’entre-deux & rendit le ieusne continuel, comme remarque Charlemaigne : Ce que luy fit ordonner ce ieusne de 40. iours & luy donner le nom de ieusne legitime : ceste coustume viẽt de bien loing & a esté practiquee des l’enfance de la primitiue Eglise suiuant la Prophetie de Zacarie, ainsi que rapporte Philastrius Euesque de Brescia, à Rome on ieusnoit l’aduent, ie reserue d’en parler plus au long sur les Capitulaires de nos Roys quand Dieu me fera la grace d’y apporter la derniere main & dõner à la Frãce vne œuure tant vtile & aduantageuse que rien plus, pour la conseruation de ses droicts & anciennes libertez, que l’on s’efforce de faire ployer soubs le ioug d’vne seruitude estrange & estrangere, & ce ieusne estoit sainctement institué & religieusement gardé, tant par les Cathecumenes & competiteurs qui se presentoiẽt au baptesme, que par les Catholiques qui se vouloient approcher de la table & communion du sainct Sacrement, l’Eglise ayant receu l’vsage du baptesme en la veille de Noel, & ayant excommunié tous ceux qui ne communioient à ceste saincte & auguste iournee : Et vn certain prestre diocesain de S. Augustin, Euesque d’Hippone cõme infracteur du ieusne de Noel, fut degradé par S. Augustin : de la sentence de degradation appella au Concile Mileuitain : le Concile d’Auxerre deffend de boire & rompre le ieusne apres minuit, Le Roy Robert est recommandé à la posterité de ce qu’il emploioit ceste saincte nuict en veilles, prieres & ieusnes : voire iusques apres la communion du l’endemain : ceux qui ont violé le ieusne & ceste saincte nuictee ont encouru l’ire de Dieu, en voicy vn exẽple domestique aduenu y a entour vnze cens ans à Riom (que S. Gregoire de Tours appelle village) vn prestre nommé Epachius des plus notables familles de Riom sortoit souuent de l’Eglise la veille de Noel pour boire mesmes apres minuict, peu de temps apres, comme il disoit la messe solemnelle, außitost qu’il eut mis en sa bouche le precieux sacrement & l’eut baillé aux autres se print à hannir comme vn cheual tomba par terre, & escumant reietta ce qu’il auoit pris, fut emporté par ses seruiteurs hors l’Eglise & le reste de ses iours vesquit epileptique  : Le mesme recite vne autre exemple aduenu à Lyon. Vn frere de Dadon vient à la veille de Noel, & dit à vn Curé veillons ensemblement en l’Eglise & deuotement implorons l’ayde de S. Nicece, afin que par son merite nous paßions le cours de ceste annee heureusement & en paix dequoy le Curé bien aisè fit sonner à vigiles, & venans en l’Eglise auec les prestres & le peuple : ce gourmand tardoit à venir & il luy enuoya message sur message, ausquels il faisoit responce qu’ils eussent vn peu de patience qu’il venoit : l’office finy le Curè courroucè contre luy courut hastiuement en son logis pour le suspendre de la communion, mais ce miserable attaint d’vne fieure brusloit du vin & d’vn feu diuin à l’instant c’estant apperceu du Curé, il le supplie auec pleurs & gemissemens de luy donner vne penitence, & pendant que le Curé le blasmoit luy reprochant que meritoirement il ressentoit cet ardeur puis qu’il n’auoit tenu compte de venir à vigiles en l’Eglise de S. Nicece, sur ces entrefaictes le miserable rendit l’ame. Francilion Archeuesque de Tours l’an 3. de son Pontificat, en ceste saincte nuictee avant que d’aller à vigiles commanda qu’on luy donnast vn coup à boire, soudain vn seruiteur luy presenta vn verre de vin, l’ayant beu il rendit l’ame, non sans suspition de venin dit l historien, pour mon regard je croy que c’estoit vn coup du ciel, & la frequence de pareils actes arriuez ceste nuict me le faict croire : & d’autant que le ieusne doit estre aussi bien des voluptez comme des viandes ; ceux qui n’ont commandé à leur appetit desordonné de paillardise ont senty de merueilleux effects de l’indignation diuine : car il est certain que le Dieu viuant pour signaler ceste nuictee tres-saincte d’vne perpetuelle marque de pureté feit creuer tous les Sodomites, & ceste estoille & porte-flambeau surnaturel des trois Roys qui les guida en Bethleem disparut & cheut en vn grand puy, dans lequel les chastes qui ont le coeur pur, net & non souillé d’immondice la voyent, i’ay pour garẽt S. Gregoire de Tours nostre Clairmontois, Bede le venerable, Haymon Euesque d’Heberstad, & Durant Euesque de Mande, encores que Bede ayt esté disgracié & chassé de la communion de ses freres religieux pour auoir tenu ceste opinion, & dit que Paula & Eustochium vierges l’auoient veüe dãs ce puy de Bethleem, ainsi que remarque Pierre Comestor : en nostre France ceste coustume estoit obseruee de donner la benediction & absolution aux adulteres, à celle fin que tous les Chrestiens fussent purs & nets à ce sainct iour, iour de toute pureté, & lors que l’attente de ceste absolution rendit nos François plus enclins à adulterer, dés lors le Pape Nicolas i. de ce nom blasma ceste coustume & en escriuit aux Euesques assemblez au Concile de Senlis.
Pour l’irreuerẽce faicte à ceste saincte nuictee les laics mesmes qui se sont de tãt oubliez d’habiter avec leurs femmes en ont esté puniz & bien-souuẽt leurs femmes ont enfanté des mõstres ou des enfans manchots, epileptiques, cõtrefaicts & difformes : Conrad Euesque d’Helebestad de bonne memoire discourut à Cesarius Celestin vne histoire aduenue en France d’vn prestre, lequel à l’accoustumee allant d’un village à autre non gueres esloigné la nuict de noel pour chanter matines & dire messe, rencontra à la campagne vne femme de ioye qu’il cogneut charnellement & craignãt quelque soupçon & cognoissance de son peché ne laissa de dire matines & la premiere messe, apres la consecration vint vne colombe qui but ce qui estoit dans le calice, print auec le bec l’hostie & s’enuola, & feit le semblable à la messe du matin celebree par ce prestre  : ce sont merueilles de nostre Dieu & de ce nouueau Soleil lumineux qui dissipe toutes les nuëes & broüillars puants & impures : Les Conciles & les Peres de l’Eglise meuz de ces iustes considerations ont deffendu les nopces depuis l’Aduẽt iusques apres les Roys, ce qu’on retient encores : & pource que les exemples tirez des autheurs approuvez attendrissent les cœurs endurciz, i’ameneray encores celuy-cy de Pembon gentilhomme que la pauureté porta à desrober vn porceau la veille de Noel, duquel ayant faict festin à ses compagnons au l’endemain, la nuict d’apres gaigné du sommeil, tenant la bride de son cheual en main de laquelle il auoit commis le larrecin le perdit si bien que le larrecin d’vn porc luy cousta la perte de son cheual  : De quelle punition serõt chastiez les masques qui desrobent l’honneur de Dieu à leur Dieu qui se desrobent à eux mesmes, & se mettent hors d’eux pour folier ? combien de larrecins se font & tours de sopplesses pous employer en mommeries, en ieux, en gourmãdises, en yurõgneriés ? combien de libertins se leuent à minuict pour desieuner & boire d’autant ? qu’ils prennent icy exemple de ces exemples, & de ce qui est aduenu à noz voysins de Lyon & de Riom, qu’ils prennent garde à ce que les Peres n’ont point trouué de plus court expedient pour abroger les Masques, que d’instituer vn jeusne le premier iour de l’ã auquel on masquoit & ont creu qu’il falloit semer des cendres de penitẽce pour corriger la graisse & l’abondance de la terre mere de luxure qui auortoit les fruits de noz bonnes œuures, & d’autant que l’on falloit en l’adoratiõ de Ianus, & le premier iour de l’an en l’octaue de Noel l’Eglise Romaine s’aduisa d’ãticiper l’ãnee de 8. iours & de la commencer à Noel, à celle fin que par ce changement l’on fit perdre du tout la memoire de ceste adoration & l’insolence des masquarades, croyant que nul ne seroit si temeraire & osé de violer la saincteté de ces iours : oultre la preuue des rituaires & Kalendriers de l’Eglise Romaine de Iean de Paris, & de Lucidus au Cõcile de Cõstance, plusieurs autheurs cõmencẽt l’an du iour de la natiuité, & le vieux Kalẽdrier de ceste Eglise Cathedrale de Clairmont, nostre vulgaire retient le nom de Chalanda pour Noel c’est à dire kalendes, & S. Gregoire de Tours en l’histoire de S. Nicece son oncle Archeuesque de Lyon le remarque en passant quand il dit, que le frere de Dadon prioit le Curé de veiller par ensemble la nuict de Noel, à fin que par les merites & interuention de S. Nicece ils passassent le cours de l’annee en paix. Ceste anticipation de l’an a fait anticiper les masques en ceste ville & autres de ce diocese : le respect & la reuerence de ces saincts iours ne les a point abrogez, l’Eglise mesmes qui a redoublé l’office à fin qu’on n ẽployast à autre vsage ces saincts iours, ausquels le sainct des saincts la saincteté mesmes a daigné se reuestir de nostre humanité : se faire homme pour nous deifier & rẽdre plus heureux que les Anges, descendre en terre pour nous monter au ciel, bref qui n’a espargné ny sa vie ny son precieux sang qu’il a respandu iusques à la derniere goutte pour expier noz pechez & nous rendre participans de sa gloire. Et nous le polluons par mille actions sales & vilaines, masquarades payennes, heretiques, idolatres : Les Conciles lient estroictemẽt toutes personnes d’assister à l’office, & miraculeusement quelques anachoretes y ont esté transportez pour participer aux prieres, à la communion des Chrestiens, & à ce banquet spirituel, non montez sur des dromadaires comme les trois Roys qui le bien-veignerent en Betheleem selon l’opinion de sainct Hierosme.
Le Diable ennemy de nostre salut voyant qu’auec beaucoup de ferueur & de zele on assistoit à l’office diuin, de candeur & d’humilité on s’approchoit à ce banquet spirituel, il a serui vn plat de son metier y meslangeant de la farce & mommerie pour nous empoisonner & amortir noz œuures viuifiantes & sainctes operatiõs : Considerez mes concitoyens, ie vous coniure où l’aueuglement vous porte de masquer aux festes de Noel & de vous attrouper audeuant de la principale porte de l’Eglise Cathedrale où vous desployez tous les traicts de vos folies & vn chacun trauaille à qui mieux mieux : Eglise l’vne des premieres de France & des plus excellentes en pieté & en deuotion, où l’office diuin est aussi bien faict qu’en nulle autre, tesmoin mesmes Pedro Corneio Espaïgnol qui trouue estrange & merueilleux que ceste ville soit demeuree stable en sa fidelité enuers son Prince & que les troubles derniers n’ayent point troublé sa constance ny esbranlé sa fermeté : veu dit-il qu’elle est forte Catholique & ornee d’vne Eglise où Dieu est seruy auec beaucoup de modestie, de ceremonie, de musique & faux-bourdon, & autant reueré qu’en Eglise qu’il aye veut Où est auiourd’huy le respect, la crainte, & la reuerence qu’elle imprimoit à noz ancestres & à tous autres qui en aprochoient, comme remarque S. Gregoire de Tours.
Arriere fols, arriere masques, ce lieu est S. & sacré, & porte au frontispice l’image d’vne vierge tenant son fils Iesus, arriere prophanes impures de cet objet de pureté & saincteté, arriere fols de cet objet de prudence, arriere du lieu où vous faictes les insensez à l’enuy, c’est vn Cemetiere qui enserre les cendres de noz Euesques & dignes Prelats. Si jadis entre les Payens l’object de la statue & de l’image de l’Empereur arrestoit toutes violences & immodesties, que c’est object du Roy des Roys, de l’Empereur des Empereurs, de ceste Emperiere & Royne mere de Dieu que l’Eglise nous met deuant les yeux en memoire de l’incarnation, mette fin à noz folies & irreuerences plus que payennes : Sur ce subject ie vous allegue vne histoire escrite par Pierre de Montboissier le venerable Abbé de Cluni & Auuergnat, discourüe par Huës Abbé de loüable memoire son deuancier, en plain chapitre la veille de Noel : Sçachez mes freres que Dieu sera auec nous en ceste saincte iournee, qu’il s’esiouyt de voz appareils & s’attend à vostre deuotion seruiable, sçachez außi que le Diable de l’autre part ennemy & enuyeux de vostre felicité s’efforcera d’offusquer la splendeur de ceste iournee & de vos bonnes œuures, ou d’amoindrir la gloire de ceste festiuité, vn de voz freres (parlant de luy) a veu ceste nuict la vierge mere de misericorde tenant sur son giron son fils qu’elle a enfanté ceste nuict, & a veu vne multitude d’Anges qui l’enuironnoit, ce petit enfant, Dieu tressailloit de ioye & applaudissoit des mains & dressant son visage riant & sa parole vers sa mere, vous voyez dit-il ma mere la nuit de ma natiuité remplie d’allegresse, en laquelle les oracles des prophetes & les hymnes des Anges se renouuelleront, & toutes les creatures celestes & terrestres se resiouiront de ma naissance de vostre ventre virginal, où est maintenant la perfidie de l’ennemy damné ? où est sa puissance soubs laquelle il avoit asseruy le monde ? alors le Diable parut d’assez loing masqué & horrible requerant auec plainctes & gemissemens de participer à ceste ioye à fin de troubler la feste & noircir l’esclat de ce iour, menaçant si vous ne me receuez au dedans de l’Eglise, ie trouueray place en quelque recoin au dehors, mais Dieu luy ayant leué la main & permis de faire du pis qu’il pourroit, le leuain de son orgueil l’auoit tellement enflé qu’il ne peut entrer dans le chapitre, dans le dortoir, dans le refectoir, ny dans les cellules : & fit la retraitte auec sa courte honte  : Ne doubtez point que ce puissant ennemy iuré de nostre salut n’ẽploye toutes ses forces pour troubler ceste feste, & se voiant parauanture chassé du dedans de l’Eglise par les sainctes prieres & oraisons qui s’y font, par les merites des reliques de la vierge que Estienne 2. de ce nom Euesque constructeur de la vieille Eglise enserra dans son image tres-riche ouuré de la main d’Adelelme, qui est encores sur le principal Autel, & des autres saincts tutelaires de ceste Eglise & sacrez Prelats qui sont sa terreur & effroy, qui l’ont banny du pourpriz de ceste Eglise en bannissant les masquarades que jadis les Ecclesiastiques y faisoient comme en plusieurs autres Eglises : à sçauoir les Diacres le iour de Noel apres vespres en memoire de S. Estienne Diacre : les Prestres le iour sainct Estienne apres vespres en l’honneur de S. Iean prestre : les choriers le iour des Innocens, & les soubs-Diacres le iour de la Circoncision à l’octaue de la natiuité, pour symbole que nous resusciterons ieunes & bien-valides : non seullement les Ecclesiastiques, mais aussi les seculiers à la messe de minuit & le iour de noel masquez trauersoient l’Eglise, se voyant dis-ie le Diable chassé de l’Eglise, il s’est refugié en la grand place qui est au deuant où il mene en triomphe ceste ville serue & esclaue de l’idolatrie, de l’heresie, de la folie & superstition ? Arrieres masques de ce lieu, c’est le Cemetiere de voz Euesques & de voz ancestres que vous violez, leurs cendres crieront vengence à Dieu si vous cõtinuez, escoutez les oracles des saincts peres ez Conciles de Carthage, d’Afrique, de Tholede 3. de Rome tenu soubs Eugene 2. que ie laisse à part pour venir à noz Conciles Frãçois qui possible nous rameneront plustost à nostre deuoir, qui auons tousiours esté & sommes encores vrayement François : ceux d’Orleans 2. de Chaalon sur Saone 1. de Majence 1. de Rome tenu du temps de Clothaire & Louys, & les Capitulaires de Charlemaigne deffendent les danses & masquarades, les chassent bien loing des Eglises, des cemetieres & de leurs dependances : voicy les propres termes de celuy de Braga, ceux qui baslent au deuant des Eglises & se masquent feront penitence trois ans . Si la constante resolution de ces Conciles estrangiers, François, & ordonnances de noz Roys ne nous peut esbranler & retirer des masques & des danses audeuant de l’Eglise, que les statuts de Charles de Bourbon & de Guillaume Duprat nos Euesques de loüable memoire ayent quelque pouuoir sur nous leurs diocesains, qui prohibent disertement les danses dans les Eglises & cemetieres soubz quelque pretexte que ce puisse estre, soit de nopces, de confrairies ou autres : & condamnent toutes coustumes à ce contraires les declarant corruptelles.
N’opposez donc plus ceste coustume, elle est contraire aux loix diuines & humaines elle repugne à la doctrine des saincts Peres, combat les Conciles & saincts Decrets, & foule aux pieds les Edicts, les Arrests de la Cour, les ordonnances de vos Magistrats, bref elle est contre les bonnes mœurs, par consequent nulle de toutes nullitez : n’oppose plus ceste coustume, puis que le Diable l’a enfantee, l’idolatrie l’a fomentee, l’heresie l’a esleuee, & la desobeïssance l’a auctorisee : c’est manquer de raison quand on a recours à la coustume non appuyee de raison, reuerons les saincts iours, employons les en bonnes oeuures, & comme l’Eglise redouble l’office, redoublons nos oraisons, esjouyssons nous spirituellement, chantons Noel à l’exemple de nos Peres, faisons chere plus que de l’ordinaire, mais ne nous laissons emporter à ces masques qui causent de si grands rauissemens hors de nous que rien plus,le seul nom mesme en est iniurieux, que les femmes d’icy en hors comme dit Herodote en despoüillant leurs estoles ne despoüillent aussi la pudeur de leur sexe, que les ieunes gens en laissant leurs vestemens ordinaires ne quittent quant & quant la honte, deuestant l’habit qui les tenoit en bonne & honneste contenance & se reuestant d’vne robe de femme ne se remplissent de toutes dissolutions, molesses & impuretez, abomination(dit le Dieu eternel) à ceux qui s’oublient de tant : pour destourner ce mal il n’y a que d’instruire les ieunes gens aux arts mecaniques, de bien faire nourrir & instituer aux bonnes moeurs & aux bonnes lettres les enfans de maison. Dieu nous a fourny de dignes personnages à cet effect, de leur apprendre la vertu qui seule les peut accoustrer d’vn veritablement digne, viril & parfaict ornement & vestement de raison, qui les empeschera de tomber en ces frenesies & folies de masquarades engẽces d’oisiueté, qui les duira & accoustumera au bien & à s’entremettre du gouuernement de la chose publique.
Au reste ie vous coniure de n’interpreter sinistrement ce mien traicté que i’ay mis en lumiere soubs les auspices de ce nouveau Soleil & de ces sainctes festes de Noel, que seuls de toute la France vous prophanez par vos masquarades infames : ceste contree ainsi que l’Egypte fertile en tout enfante des monstres, i’entens ces monstres des masquarades, si est-ce pourtant qu’elle ne produict des basteleurs, les astres dominans n’en influent sur son climat, & n’en void-on de son creu rouler parmy la France : Chassons de nous ces bastelleries qui nous pourroiẽt desrober le tiltre d’honneur que nos deuanciers ont acquis & transmis iusques à nous : Les saincts Peres appellent les masquarades, mommeries, bastelleries, monstres, prodiges, prodiges dis-ie, car de mesme que les Daulphins tressaillans & rejaillans prés des vaisseaux sont presages de tempestes & orages prochains, aussi nous qui sommes marquez au Dauphin & en portons les armes saultant masquez au deuant de la nef de l’Eglise Cathedrale, auons pronostiqué les malheurs qui nous accueillent, si Dieu ne retire sa main vengeresse de nos folies & le Roy n’a pitié de nous ses tres-fidelles seruiteurs & subiects, vn abysme d’affaires qui n’a ny fonds ny riue nous accablera tous. Donnons congé à ces folies qui nous attisent l’ire du ciel & attirent mille malheurs, car par des actions sales & deportemens insolens plaire à soy & au populaire, est vrayement desplaire à Dieu & aux sages : ramassons nos esprits que telles folies mettent hors de nous, & les ayans repris, considerons si ce ne sont pas folies de se mettre hors de soy & faire le fol pour honnorer la natiuité du sage des sages, de la sagesse mesme.
Vous appellez à bon droict folies les masquarades, ainsi les appellent les saincts Peres qui ont condamné les masques : Durant Euesque de Mande, le Concile de Basle, la Pragmatique, le Synode de Tournay, la feste des fols & des fatz , le Concile de Tours 2. fadaise  : & à ce propos ie concluray par ces belles parolles de S. Augustin, quiconque voudra s’attacher à quelques obseruances payẽnes il est à craindre que le nom de Chrestien luy soit infructueux, außi celuy qui caressera les fols & fera bonne chere aux masques, sans doute il se rend participant du peché, il ne suffit pas (mes freres) que vous vous absteniez de ce mal, mais en quelque endroit que vous le rencontriez, reprenez, corrigez & chastiez le , car quiconque n’arrestera le mal & a le pouuoir, il l’auctorise, qui preste consentement aux masquarades les approuue, & est autant coulpable que ceux qui masquent.