(1764) Comédie pp. 252-254
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(1764) Comédie pp. 252-254

[frontispice]

Abrégé
du Dictionnaire
des cas de conscience,
de M. Pontas,

Dans lequel on trouve un grand nombre de Remarques
et de nouvelles Décisions ;

On y a joint les Résolutions latines imprimées à Ferrare,
avec la Critique ;
Par M. Collet, Prêtre de la Congrégation de la Mission
et Docteur en Théologie.

tome premier.

A PARIS,
CHEZ LES LIBRAIRES ASSOCIES.
M. DCC.LXIV.
avec approbation et privilege du roy.

Comédie.

L a Comédie est un Poème Dramatique qui représente une action, qui d’une manière ingénieuse et plaisante corrige les défauts des hommes, et divertit par la peinture naïve qu’elle fait de leurs différents caractères. De sorte qu’on appelle Comédien ; celui qui monte sur un théâtre, et qui par le rôle dont il s’est chargé, aide aux autres à y représenter publiquement quelque Pièce Dramatique, afin de divertir le peuple, et de gagner par là de quoi subsister. Il n’est point ici question de son origine, qui sûrement vient des Païens : il s’agit uniquement de savoir ce qu’il en faut penser. On va le voir dans les cas suivants.

 

Cas I. Un mari et une femme, gens de qualité, vont à la Comédie. Le mari, parce qu’il se rendrait ridicule à ses amis, s’il refusait d’y aller avec eux : la femme, parce que son mari veut qu’elle y aille. Tous deux, parce qu’ils ne font que s’y délasser, que les Comédies d’aujourd’hui sont fort châtiées, que c’est une coutume reçue dans les pays policés, et même à Rome, qui est le centre de la Religion. Leur Confesseur ne peut-il pas leur passer cet article ?

R. Il ne le peut, 1°. Parce que tous les SS. Pères ont condamné les spectacles, et ceux mêmes qui avaient été réformés, et que S. Chrysostome appelle des écoles d’adultère et de libertinage. 2°. Parce que si un seul regard jeté sur une femme, même dans l’Eglise, est capable d’avoir des suites criminelles ; que doit-on penser de ceux qui se font avec une pleine liberté dans ces lieux, où l’immodestie triomphe impunément. 3°. Parce que l’Eglise qui après tout doit être la grande règle d’un Chrétien, condamne les spectacles, et regarde comme excommuniés ceux qui montent sur le théâtre. Que si on les souffre à Rome et ailleurs, (quoiqu’ils y soient fort différents de ce qu’ils sont en France, soit pour les Acteurs, soit pour les Pièces, qui toutes subissent l’examen avant que d’être jouées,) ce n’est que comme on tolère un moindre mal pour en éviter de plus grands, selon ce mot de S. Augustin : « Tolle meretrices, et omnia replesti libidinibus. »

☞ On peut lire sur cette matière l’ouvrage de M. le Prince de Conti, de M. Bossuet, et l’Ecrit si connu de M. Rousseau de Genève, contre un article de l’Encyclopédie. De ces principes, j’ai conclu ailleurs qu’on ne peut pas même permettre d’assister à la première représentation d’une Comédie. 1°. Parce qu’il n’est jamais permis de coopérer à un exercice au moins très dangereux. 2°. Parce que l’exemple d’un homme réglé, qu’on verrait au spectacle, autoriserait une infinité de personnes d’une vertu plus que médiocre, à y assister. Voyez ma Morale, Tome VI, c. 3, art. 7.

Cas II. Licinius, Comédien, connu pour tel, s’étant présenté à Pâques à la Communion, à la vue de tout le monde, son Curé la lui a refusée. L’a-t-il pu en conscience ?

R. Puisque ce Comédien est connu publiquement pour tel, son Curé a dû lui refuser la Communion, après néanmoins lui avoir demandé publiquement s’il s’était confessé et avait renoncé pour toujours à sa profession. Car autrement, comme dit S. Cyprien en son Epître à Eucratius, c’est profaner la sainteté et la gloire de l’Eglise, et violer les regles de l’Évangile, que de permettre qu’elles soient souillées par la communication de personnes aussi infâmes.

Cas III. Philométor, Comédien, étant au lit de la mort, et n’ayant pas voulu promettre de renoncer à sa profession, est mort sans recevoir les Sacrements, et a été privé de la sépulture Ecclésiastique. Le Curé qui a fait l’un et l’autre, n’est-il point coupable ?

R. Puisque les Comédiens sont excommuniés, infâmes, attachés à une profession criminelle, le Curé de Philométor a fait son devoir en lui refusant les Sacrements, à cause de l’opiniâtreté où il était de vouloir persévérer dans sa profession, et par conséquent il a dû refuser à son corps la sépulture Ecclésiastique ; puisqu’elle n’est due qu’à ceux qui meurent dans la Communion de l’Eglise, et que le Rituel Romain défend de la donner aux pécheurs publics.

☞ L’Auteur pense et parle différement, v. Pécheur public.

Cas IV. On demande si des Communautés Religieuses peuvent représenter en particulier des Pièces de théâtre sur des sujets de piété, avec les habits dont on se sert à la Comédie et à l’Opéra, en n’y admettant point de personnes de dehors.

R. On ne peut excuser ce genre de récréation d’un péché grief, 1°. Parce que c’en est un de prendre d’autres habits que ceux de son sexe. 2°. Parce qu’il est défendu à un Religieux de quitter son habit, même pour un peu de temps. 3°. Parce qu’on ne peut emprunter des habits de théâtre, sans que bien des gens le sachent, et en soient scandalisés. * Ajoutez que pour apprendre une Pièce, pour s’exercer à bien faire son rôle, etc. il faut bien du temps, dont on peut assurément faire un meilleur usage. Au reste, on ne prétend pas ici blâmer les Tragédies qui se représentent dans plusieurs Colleges, 1°. Parce que ce ne sont pas des Religieux qui font les différents personnages ; mais des Ecoliers séculiers. 2°. Parce que cet exercice est très utile aux jeunes gens, tant pour fortifier leur mémoire que pour les rendre plus hardis à parler un jour en public, soit dans la Chaire ou au Barreau. 3°. Parce qu’on n’y voit point de garçons travestis en femmes, et que tout s’y passe dans la modestie, et sans que personne s’en scandalise.