Acte V
Scène I
Achille
Que vois-je ? Vous ici, Madame !
Clytemnestre
Je ne dois point rougir de venir embrasser vos genoux pour ma fille, pour votre épouse, qui vous est enlevée. Le danger presse.
Achille
Connaissez-vous donc si peu Achille, et ne vous fiez-vous pas à ma parole ?
Clytemnestre
On apprête déjà le sacrifice impie, Seigneur.
Achille
Ne perdons pas le temps en discours superflus. Allez, Madame, Achille sauvera votre fille.
Air
J’en atteste mon amour, et vous en réponds sur mon épée : elle sera abreuvée du sang grec avant de se tremper dans le sang troyen.
Scène II
Calchas
Déesse, qui prêtez à la nuit l’éclat du jour, vous qui veillez du haut de l’Olympe au salut de la Grèce, nous respectons vos ordres, nous nous soumettons à vos oracles ; prenez votre victime, déesse, et déchaînez les vents.
Le chœur
Prenez votre victime, déesse, et déchaînez les vents.
Partie du chœur
Pâris avec sa proie insulte de ses tours à nos mille vaisseaux, qui le menacent en vain.
Le chœur
Prenez votre victime, déesse, et déchaînez les vents.
Iphigénie
Me voici prête, ô mon père : je me dévoue volontiers pour votre gloire et pour la Grèce. Grecs, vous serez heureux, si votre bonheur ne dépend que de ma mort. Que personne ne porte ses mains sur moi : je présenterai mon sein : conduisez-moi comme une victime volontaire, victorieuse d’Ilion et fatale aux Phrygiens.
Agamemnon
Hélas! (Il se voile la tête.)
Partie du chœur
Tant de beauté et de vertu ne méritait pas un sort si cruel.
Autre partie
Descendons sur le rivage d’Ilion; et que les dieux d’Ilion combattent contre nous.
Le chœur
Prenez votre victime, déesse, et déchaînez les vents.
Calchas
Grecs, écoutez-moi et formez d’heureux présages.
Clytemnestre
Dieux! Achille n’arrive point, et Calchas va frapper. (à part)
Calchas
Déesse, fille de Jupiter, acceptez le sang d’Iphigénie et accordez-nous la prise de Pergame.
Quel téméraire ennemi des dieux ose troubler le sacrifice ?
Scène dernière
Achille
C’est Achille, qui défend ses droits.
Diane
Achille, arrêtez, gardez votre courage et cette soif de sang contre les Troyens. Puisse le Père des dieux empêcher toujours, que la colère n’anime Achille contre les Grecs et ne retarde la chute d’Ilion. Pour Iphigénie, elle est à moi. (Elle s’envole.)
Calchas
Ah prodige !
Le chœur
Ah prodige !
Calchas
Le sang d’Iphigénie a paru trop précieux à la déesse, pour le répandre sur ses autels. C’en est fait : Agamemnon, Ulysse, Achille, Grecs, la déesse exauce nos vœux ; elle facilite notre course et nous ouvre le chemin de Troie.
Chœur des matelots qui sont sur les vaisseaux et que l’on entend de loin.
La mer s’agite, les flots s’élèvent, les vents nous appellent.
Chœur des soldats sur le devant du théâtre qui répond.
Les vents nous appellent.
Tout le chœur
Pâris ne jouira pas longtemps de sa perfidie ; les vents nous appellent, Troie est renversée et la Grèce est vengée.