(1764) Saggio sopra l’opera in musica « Saggio sopra l’opera in musica — Iphigénie en Aulide. Opera — Acte II »
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(1764) Saggio sopra l’opera in musica « Saggio sopra l’opera in musica — Iphigénie en Aulide. Opera — Acte II »

Acte II

Scène I

Agamemnon, seul

Ciel ! Arcas a manqué le chemin d’Argos, et la colère des dieux a confondu toute ma prudence! Ô jour fatal ! Ma fille est arrivée. Je vois Ulysse et Ménélas, je vois déjà Calchas me la demander au nom de la Grèce et des dieux. Mais ciel ! La voici elle-même, évitons-la.

Scène II

Agamemnon et Iphigénie.

Iphigénie

Seigneur, quoi vous me fuyez ? Eh, quels soins vous dérobent sitôt à votre fille ? Mon respect tantôt a fait place aux transports de la reine. Ne puis-je vous arrêter un moment à mon tour ? Ne puis-je…

Agamemnon

Eh bien, embrassez votre père, ma fille; il vous aime toujours.

Iphigénie

Que cet amour me comble de joie ! Quel plaisir de vous contempler dans ce nouvel éclat, environné de gloire et d’honneurs !

Agamemnon

Vous méritiez un père plus heureux.

Iphigénie

Quelle félicité peut vous manquer ? J’ai cru n’avoir que des grâces à rendre au ciel.

Agamemnon

Grands dieux, dois-je la préparer à son malheur ! (à part)

Iphigénie

Seigneur, vous vous cachez et semblez soupirer. Tous vos regards ne tombent qu’avec peine sur moi. Aurions-nous abandonné Argos sans votre ordre ?

Agamemnon

Hélas, ma fille, je vous vois toujours des mêmes yeux. Mais le temps aussi bien que les lieux sont changés. Ma joie est combattue ici par de cruels soins.

Iphigénie

Ah, mon père, que votre rang soit oublié à ma vue. Que je retrouve encore en vous ces soins, cette tendresse, que vous aviez pour moi. On dit que Calchas va offrir aux dieux un sacrifice solennel.

Agamemnon

Dieux cruels ! (à part)

Iphigénie

Me sera-t-il permis, Seigneur, de me joindre à vos vœux ? La Grèce verra-t-elle à l’autel votre heureuse famille ?

Agamemnon

Hélas !

Iphigénie

Mon père, vous vous taisez.

Agamemnon

Vous y serez, ma fille.

Duo

Iphigénie

Périsse le Troyen, auteur des nos alarmes !

Agamemnon

Que de larmes sa perte va couter aux vainqueurs !

Iphigénie

Ah mon père, expliquez-vous.

Agamemnon

Je ne saurais t’en dire davantage.

Iphigénie

Dieux de la Grèce, veillez sur mon père !

Agamemnon

Dieux cruels, ne serez vous point attendris ?

Tous deux ensemble

Périsse le Troyen auteur de nos alarmes.

Scène III

Iphigénie

Quel trouble, ô dieux, vient de jeter dans mon cœur le froid accueil de mon père ! Que dois-je augurer de ces regards sombres, de ces mots entrecoupés, de ces soupirs, de ces pleurs que ses yeux retenaient à peine ! Hélas, que cet accueil est différent de celui que la douce espérance me promettait dans Argos ! Je verrai, disais-je en moi-même, mon père rempli de joie venir au devant de nous, recevoir mes embrassements, me tendre les bras. À ses cotés seront Ménélas, Diomède, Ajax, Achille, le fils de la déesse, le plus vaillant des Grecs, qui… hélas ! Mon père me fuit, personne ne paraît, tout est dans l’abattement et dans la tristesse… Ô déesse, qu’on révère dans cette contrée, si votre culte m’a été cher, si mes sacrifices ont été purs…

Scène IV

Iphigénie, Clytemnestre.

Clytemnestre

Ah, ma fille, sous quel astre malheureux sommes-nous parties d’Argos ! Quel accueil votre père et mon époux nous a-t-il fait !

Iphigénie

Les soins de l’état et de la guerre l’absorbent maintenant et le font paraître moins sensible et moins tendre.

Clytemnestre

Non, non ; il y a quelque autre cause que je saurai pénétrer : je saurai tout d’Arcas, de cet esclave fidèle que m’a donné Tyndare mon père, et qui a suivi Agamemnon à l’armée. Qu’il tarde de s’offrir à mes yeux ! Mais, ma fille, quels soins si pressants peuvent donc retenir Achille ? C’est à son nom qu’Agamemnon nous a fait venir en Aulide. Quels ennemis a-t-il maintenant à combattre ? La mer nous sépare de Troie, des fils de Priam et du vaillant Hector. Ne vous a-t-il pas demandé comme le prix du sang qu’il doit verser aux bords du Xanthe ? Que ne vient-il recevoir ce prix qu’il a tant souhaité ?

Iphigénie

Hélas, de quels nouveaux malheurs les dieux menacent-ils la race de Tantale !

Air

Clytemnestre

Quoique femme au milieu d’une armée, je saurai bien me venger et d’Agamemnon et d’Achille. Celui qui aura offensé ma dignité, ne pourra jamais se vanter d’être impuni.

Iphigénie

Dieux, serait-ce Achille lui-même ? On l’accusait à tort.

Scène V

Iphigénie, Clytemnestre, Achille.
(Achille est suivi d’une troupe de soldats couronnés de laurier, de captives lesbiennes et d’esclaves, qui portent des trophées, des vases, des trépieds et d’autres dépouilles de l’ennemi.)

Achille

Princesse, le bonheur d’Achille est entre vos mains. Puisse-je bientôt faire voir, par les exploits que les dieux ont promis à mon bras, qu’Achille n’était pas indigne des vœux de la fille d’Agamemnon. Et vous, Madame, Thétis ne saurait que s’applaudir que j’associe à une déesse la femme du roi des rois.

Clytemnestre

Seigneur, puisse ce jour être aussi heureux, qu’il est doux à mon cœur ! Et puisse ma fille faire revivre Achille dans votre postérité !

Iphigénie

Quelque sort que les dieux me préparent, Iphigénie sera trop heureuse d’avoir eu place à côté de la gloire dans le cœur d’Achille.

Achille

Souffrez que je vous présente dans ces dépouilles de Lesbos les premiers tributs de ma valeur. Et vous ( aux captifs ) apprenez à connaitre votre maîtresse et la mienne.

Chœur des captives

Le bras d’Achille a triomphé de Lesbos; les yeux d’Iphigénie ont triomphé de notre vainqueur. Célébrons à jamais le pouvoir de l’amour.

Chœur des Grecs

L’heureux Achille va bientôt sur son casque brillant entrelacer les lauriers de Mars avec les myrthes de l’Hyménée.

Une d’entre le chœur des captives

Ô Simois, ô Xanthe, fleuves sacrés, fleuves chéris des troupeaux et des bergers, des dieux ennemis vont désoler vos rivages, vos eaux vont être ensanglantées par la lance fatale du belliqueux Achille.

Un d’entre le chœur des Grecs

Il vengera les dieux de l’hospitalité, que Pâris offensa63 dans la maison de ses alliés. Il vengera les maux, que les sons efféminés de la flûte phrygienne ont causés sur les bords de l’Eurotas.

Tous

Le bras d’Achille a triomphé de Lesbos ; les yeux d’Iphigénie ont triomphé du vainqueur. Célébrons à jamais le pouvoir de l’amour.

On danse.