(1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 248, 15 octobre 1907 — Fin du tour d’Italie en 1811 — Dernière partie du « Journal » — Second séjour à Milan — Chapitre LXXVIII »
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(1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 248, 15 octobre 1907 — Fin du tour d’Italie en 1811 — Dernière partie du « Journal » — Second séjour à Milan — Chapitre LXXVIII »

Chapitre LXXVIII

Pendant son absence du 2 au 15 novembre, j’aurai le temps d’aller à Venise et à Gênes. Mais je ne me sens aucun attrait pour ces voyages. Est-il sage d’user le plaisir que peut me donner Venise, en la voyant quand je n’en ai pas soif, le tout pour pouvoir dire : « J’ai tout vu. » Elle voudrait, à cause de la prudence, que j’allasse à Venise. On y va en 24 ou 30 heures.

[Sans doute, la plus belle femme que j’ai eue et peut-être que j’aie vue, c’est A., telle qu’elle me paraissait ce soir en promenant avec elle dans les rues à la lueur des lumières des boutiques. Je ne sais comment elle a été amenée à me dire avec ce naturel qui la distingue, et sans vanité, que quelques-uns de ses amis lui avaient dit qu’elle faisait peur. Cela est vrai. Elle était animée ce soir. Il paraît qu’elle m’aime. Yesterday and today she has had pleasure. Elle venait de prendre du café avec moi dans une arrière-boutique solitaire ; ses yeux étaient brillants ; sa figure demi-éclairée avait une harmonie suave et cependant était terrible de beauté surnaturelle. On eût dit un être supérieur, qui avait pris la beauté parce que ce déguisement lui convenait mieux qu’un autre, et qui, avec ses yeux pénétrants, lisait au fond de notre âme. Cette figure aurait fait une sibylle sublime]. Je l’ai rencontrée à 6 h. rue des Bachetti près le café Sanguineo, notre rendez-vous ordinaire ; je l’ai accompagnée jusque chez sa belle-sœur, femme d’un chimiste célèbre, Porta Tecinese, je crois, près San Lorenzo. Je l’ai attendue dans un café : au bout d’un quart d’heure, elle a repassé : nous sommes allés prendre du café et enfin, après deux heures de promenade, je l’ai quittée près de l’Arcade de la place des Marchands, toujours avec le bel Antonio.