(1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 248, 15 octobre 1907 — Fin du tour d’Italie en 1811 — [Premier extrait] — Chapitre LVIII »
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(1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 248, 15 octobre 1907 — Fin du tour d’Italie en 1811 — [Premier extrait] — Chapitre LVIII »

Chapitre LVIII

À une heure du matin, nous partons pour le Vésuve, le Vicomte, M. Long, sa femme et moi. Mme Long se trouve mal au milieu de la montée sur le mâchefer. Le Vicomte lui donne des secours. (M. Long était déjà en haut, moi à mi-côte, examinant le Vicomte et excédé de fatigue. 1813.) Nous sortons de la maison de l’hermite à 4 1/2, nous faisons encore une lieue sur nos ânes ; et enfin entreprenons la grimpée la plus pénible que j’aie faite en ma vie. Il faut se presser beaucoup moins et n’avoir pas mangé chez l’hermite, mais déjeuner sur le cratère.

J’ai été surpris en ne voyant pas l’enfer bouillir au fond du cratère. La description, à un moment de loisir. La plus belle vue du monde, probablement, est celle dont on jouit de la maison de l’hermite. Il y a un livre où nous trouvons une platitude signée Bigot de Préameneu, conseiller d’État en France. Pas une chose sensée, ce qui est étonnant. Les noms de Mme de Staël et de Schlegel. Le Lacryma Christi est imbuvable pour moi. C’est du vin ordinaire de Bourgogne, dans chaque bouteille duquel on eût fait fondre deux livres de sucre. C’est cela et non pas un goût de muscat.

Les raisins sont encore sur la vigne aujourd’hui 10 octobre.

Nous sommes de retour à 9 h. 1/2. Je vais à la poste, elle était fermée. J’y retourne à 5 h. et j’arrête une place pour partir par le courrier du 11 octobre. (Elle me coûte 40 frs. de Naples à Terracine : on m’attrape de 4 à 5 fr.) Le soir, je vais encore à Chiaja. Je comptais entrer à Saint-Charles, mais la fatigue l’emporte et je me couche à dix heures.

Ce matin, vendredi, à six heures, belle vue du Vésuve, dont les contours étaient éclairés par le soleil qui se levait derrière les deux monts. Celui qui est à gauche, et le moins haut, est l’ancien Vésuve, où l’on trouve les pierres qu’on travaille. De Naples, on ne l’aperçoit que de profil. Le Vésuve qui brûle aujourd’hui est un peu plus élevé et à droite de l’autre. Le peuple de Naples crie à tue-tête et demande toujours. Les chevaux de fiacre y vont fort vite et cela sur un pavé qui fait frémir. Le Palais du Roi a l’air bien, on dit la liste civile fort riche. Il me semble qu’aucun souverain n’a des maisons de campagne seulement comparables à celles du roi de Naples ; Portici, Castellamare, Caserta ; et Capo di Monte, où il est à la campagne avec une vue unique peut-être au monde, et à 15 minutes, je crois, du théâtre de San Carlo. Être l’Intendant de cette Liste civile, place agréable. Volupté du roi Joseph : Il lisait et faisait lire Racine aux dames de la Cour, qui se réunissaient le soir, 8 ou 10 auprès de lui, sans hommes. Quant aux jeunes filles jolies qui n’étaient pas présentées, il en avait formé une troupe de chasseresses, vêtues en Diane, qui allait faire le service auprès de lui, à Capo di Monte. Il paraît que c’est un homme aimable. Il a eu longtemps Mme Miller. Il a su s’amuser, chose assez rare parmi messieurs les Rois (1812).