(1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 248, 15 octobre 1907 — Fin du tour d’Italie en 1811 — Dernière partie du « Journal » — Second séjour à Milan — Chapitre LXII »
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(1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 248, 15 octobre 1907 — Fin du tour d’Italie en 1811 — Dernière partie du « Journal » — Second séjour à Milan — Chapitre LXII »

Chapitre LXII

Hier, j’écrivais ce qui précède avec l’intention de le montrer à A.. Tiraillé par la présence d’un beau jeune homme, Antonio, et la crainte de voir entrer celui dont la présence mettait fin à mon bonheur, j’ai été un peu inintelligible et, peut-être, ai un peu manqué de naturel. Au lieu de montrer mon « journal » à Angela pour lui en demander pardon, je viens de lui écrire avec encore plus de franchise. Peut-être est-ce le propre d’une âme, source de grandes choses, de n’être pas gracieuse dans le moment de l’action où elle cherche de toutes ses forces. On se moquera de l’épithète de « grandes » donnée à mes actions d’hier. Le poids était petit, mais le levier n’était rien.

[Je pars ce matin de Varèse pour Laveno, où j’arrive à 11 heures. Je traverse un pays tel que mon imagination ne peut rien désirer. Le voilà trouvé le pays où il faut venir jouir de la nature et à six heures d’une grande ville.] Je pars en bateau toujours avec la pluie, mêlée d’intervalles de brouillards, pour les îles Borromées. Après une heure un quart de traversée, j’aborde à l’Isola Madre, que je mets une demi-heure à voir. De là, à l’Isola Bella, où j’écris ceci. J’ai vu le Palais. Tableaux négligés de Jordaens (de Naples). J’ai vu le jardin construit en 1670, construit est le mot. Contemporain de Versailles. Plus grand pour un particulier que Versailles pour un roi, mais aussi sec pour le cœur que Versailles. De la terrasse, vue délicieuse. À gauche, l’Isola Madre et une partie de Palanza ; ensuite, la branche du lac qui va en Suisse dans le lointain ; en face Laveno, à droite, la branche du lac qui va à Sesto. — 5 ou 6 nuances de montagnes cachées par les nuages. — Cette vue fait le pendant de celle de la baie de Naples et est bien plus touchante. Ces îles me semblent produire le sentiment du beau en plus grande quantité que Saint-Pierre. Enfin, mon esprit blâmant par amour, pour un beau trop beau, a trouvé quelque chose où rien n’est à blâmer : Le pays entre Varèse et Laveno, et probablement les monts de Brianza. [Je crois que même sans la présence et le souvenir de Mme P., je préférerais Milan à Naples et à Rome.

Grosseur et grandeur énormes de pins et de lauriers venus dans deux pieds de terre, transportée sur des voûtes.] J’ai écrit une lettre de 8 pages. Hier mon trouble m’empêcha un peu d’être aimable. Mon amour tomba ; il est revenu en entier aujourd’hui. (Je le croyais en écrivant. Il fut heureux pour moi de quitter Milan, au milieu de décembre. Si j’y eusse passé un mois de plus, j’envoyais ma démission et y restais. 1813.)

Je crains d’avoir été pédant hier. Elle remarqua que nous avions tous la figure jaune. Elle me montra une lettre de Cimbal avec complaisance, mais seulement une ligne de celle de Turenne. [Ce soir j’ai continué Fingal au bruit de la pluie et même du tonnerre. En me levant, je trouve, grâce au ciel, un temps superbe d’automne avancé, c’est-à-dire des nuages épais, mais très hauts, de la neige sur la cime des montagnes au nord du lac, et la vue parfaitement dégagée. Cela facilitera beaucoup les 8 milles que j’ai à faire au commencement et à la fin de la nuit prochaine.

Ce journal est fait pour Henri s’il vit encore en 1821. Je n’ai pas envie de lui donner occasion de rire aux dépens de celui qui vit aujourd’hui. Celui de 1821 sera devenu froid et plus haïssant.] Sur le mot « grand », comparaison d’Ulysse dans un antre formé de bloc de rochers sans cric et d’un maçon avec cette machine.