(1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. De la Catastrophe ou du Dénouement. » pp. 503-516
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(1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. De la Catastrophe ou du Dénouement. » pp. 503-516

CHAPITRE XXXI.
De la Catastrophe ou du Dénouement.

Les Anciens appelloient catastrophe, ce que nous nommons dénouement. Les Auteurs qui ont traité de l’art de la comédie, ont presque tous fait de grands raisonnements pour expliquer ce que signifie le mot de catastrophe ; pour moi, je dirai tout uniment, d’après Scaliger 66, que la catastrophe, dans la comédie, est une révolution aussi heureuse que prompte dans les affaires des personnages.

Il faut premiérement que la catastrophe soit tirée du fond du sujet ; qu’elle soit préparée par divers nœuds qui, paroissant employés pour embarrasser l’intrigue, soient autant d’artifices pour amener le dénouement.67

Cette regle prescrite par la raison, est sur tout plus essentielle dans les pieces à caractere. N’est-il pas ridicule, par exemple, que dans le Distrait de Regnard, le dénouement naisse d’une fausse nouvelle apportée par Carlin ? Il vient nous dire que l’oncle de son maître est mort, qu’il n’a rien laissé à son neveu. Madame Grognac, qui forçoit le Distrait à épouser sa fille, ne veut plus de lui, le croyant ruiné, & le dénouement se fait au gré des principaux acteurs, mais non au gré du spectateur, puisque le mensonge du valet & le dénouement qu’il amene, ne tiennent pas du tout au caractere du Distrait & à l’intrigue de la piece qui roule sur des distractions. Qu’on compare ce dénouement avec un de ceux de Moliere, celui de l’Avare si l’on veut. Harpagon se plaint de ce que la Fleche épie sans cesse ses actions, & sureté de tous côtés pour voir s’il n’y a rien à voler. Harpagon a raison : la Fleche fait si bien le guet, qu’il trouve l’instant favorable, enleve la cassette de l’Avare, cette cassette pour laquelle l’Avare consent à tout, & qui amene un dénouement aussi heureux que bien préparé, dans une piece où l’on fait la guerre à l’avarice.

Un dénouement tient quelquefois à un sujet, & n’est pas préparé : alors il est préférable à ceux qui ne naissent pas du fond de la piece, & que rien n’annonce ; mais il est très défectueux. Je citerai celui du Tartufe. Quand Orgon a reconnu les coquineries de son imposteur, & qu’il le chasse, celui-ci va dénoncer son bienfaiteur, remet au Roi les papiers qu’Orgon a reçus d’un criminel d’Etat, & se charge d’accompagner l’Exempt qui est censé devoir l’arrêter. Voilà l’Exempt qui sert certainement à bien peindre la scélératesse du Tartufe, & ce trait est divin dans un sujet où l’on attaque les imposteurs. Quant à l’effet que l’Exempt produit, on n’a rien à desirer, puisqu’il confond le monstre qu’on abhorre, & qu’il comble de joie une honnête famille à laquelle le spectateur prend le plus vif intérêt. Cependant ce dénouement est, avec juste raison, critiqué par tous les connoisseurs. Pourquoi cela ? C’est que l’Exempt n’est pas du tout annoncé. Le spectateur arrive à la vérité au terme qu’il desire ; mais il se demande : par quel chemin Moliere nous a-t-il fait passer ?

Quelques Auteurs, pour éviter le défaut dont nous venons de parler, sont tombés dans un autre presque aussi grand. Non contents de préparer le dénouement, ils l’annoncent si bien, que le public le devine ; & sa curiosité n’étant plus piquée, il ne s’intéresse plus à la piece. Je puis trouver des exemples dans tant de pieces, que je n’en citerai aucune. Le lecteur n’a qu’à se rappeller celles où le public, à l’arrivée subite d’une lettre, d’un bracelet, ou d’un personnage inconnu, s’écrie : Ah ! voici le dénouement qui nous vient de la boutique d’un orfevre, qui nous arrive par la poste, ou bien par le coche.

J’ai entendu défendre ces dénouements avec le plus grand succès, & cela par des raisonnements pitoyables. On disoit qu’une catastrophe, attendue ou non attendue, préparée ou non préparée, devient indifférente pour le spectateur après les premieres représentations, puisqu’il sait l’instant, la minute où elle arrive, & les moyens, bien ou mal conçus, qui la produisent. Des gens de lettres peuvent-ils raisonner ainsi ? Ignorent-ils que le public, une fois assemblé, ne considere les choses qu’au moment qu’elles paroissent, & ne leur donne pas plus d’étendue que le poëte ? Il renferme toute son intelligence dans les prétextes présents, sans aller plus loin ; il s’applique à ce qu’il voit ; il ne previent pas ce qui doit arriver, & son imagination se laissant tromper par l’art du poëte, sa satisfaction est plus ou moins grande, selon l’adresse avec laquelle on lui a ménagé un plaisir que l’illusion peut rendre toujours nouveau.

On dit tous les jours hardiment que Moliere peche par ses dénouements, & qu’il n’en a pas un seul passable. Ceux qui parlent ainsi auroient certainement un sentiment tout opposé, s’ils eussent étudié son théâtre ; & ils n’auroient pas entraîné dans leur sentiment ces êtres bornés, fléau des gens de lettres, qui ne jugent jamais que sur parole ou par contagion. Moliere a, sans contre-dit, quelques dénouements défectueux ; mais j’ose soutenir que dans cette partie même, il est infiniment au-dessus des Anciens. Quant aux Modernes, qui osera lutter contre lui ?

Les Anciens ne connoissoient que trois especes de dénouements. Les uns étoient faits par un récit ennuyeux, les autres par des reconnoissances qui n’étoient ni vraisemblables ni bien amenées, qui ne causoient aucune agréable surprise, ou qui manquoient de gradation ; ceux de la troisieme espece tomboient des nues avec une divinité chargée du soin de dénouer la piece. Moliere varie non seulement les siens à l’infini ; mais ceux qu’il fait à la maniere des Grecs & des Latins, ont encore la plus grande partie des qualités nécessaires pour faire sentir les défauts de ses prédécesseurs.

Un récit fait le dénouement de l’Etourdi ; mais il est plaisant, mais il est fait par le personnage qui a amusé pendant toute la piece, mais il est arrangé de façon qu’il suffit pour dénouer l’intrigue compliquée de cinq actes, & pour décider le sort de tous les personnages ; & ce dénouement seroit parfait dans son genre, si l’Auteur n’employoit deux scenes à nous répéter très inutilement ce que la narration de Mascarille nous a très bien appris.

L’Ecole des Femmes est dénouée par une reconnoissance ; mais le retour d’Enrique est si adroitement préparé, qu’en le nommant & en déclarant qu’il est le pere d’Agnès, on met fin à tous les débats d’Arnolphe & d’Horace. Quelle adresse n’a-t-il pas fallu pour amener insensiblement le spectateur au point de n’avoir besoin que d’un seul mot pour être entiérement satisfait ! C’est dommage que le pere n’arrive qu’à l’instant où il faut dénouer la piece.

Un Dieu descendant du Ciel fait le dénouement d’Amphitrion ; mais Jupiter a joué un rôle très considérable dans toute la piece, & il est juste que le principal personnage la dénoue.

Outre les trois manieres des Anciens, que Moliere a corrigées, s’il ne les a pas perfectionnées, il en a plusieurs autres que nos Modernes ont tâché en vain d’imiter. Il suffit, pour le prouver, de comparer le dénouement du Distrait, dont j’ai déja parlé dans ce chapitre, avec celui des Femmes Savantes. Il est question dans les deux comédies de rompre un hymen projetté par l’intérêt, pour en faire un plus heureux & mieux assorti : dans les deux comédies on en vient à bout par une fausse nouvelle qu’on annonce. Mais, grands Dieux ! quelle différence pour quiconque a du goût ! J’analyserai bientôt le dernier.

J’ai toujours admiré le dénouement de l’Amour Médecin, & j’ai été bien flatté de voir Riccoboni de mon sentiment, parcequ’il est très agréable de penser comme un homme de goût. Clitandre, amoureux de Lucinde qui feint d’être malade, s’introduit auprès de Sganarelle, pere de la belle, sous l’habit d’un Médecin. Il dit au bon-homme que la maladie de sa fille n’a d’autre principe que le desir d’être mariée : il ajoute que, pour donner plus surement à ses remedes le moyen d’opérer, il a persuadé à Lucinde qu’il n’étoit pas un Médecin, mais un jeune homme amoureux d’elle ; qu’il venoit la demander en mariage ; qu’il faut la confirmer dans cette idée, & lui faire croire que l’homme qui écrit ses ordonnances est un Notaire. Alors un vrai Notaire est introduit, écrit un contrat de mariage dans toutes les formes, le fait signer au faux Médecin, à Lucinde & même à Sganarelle, qui est bien surpris quand on lui dit que sa fille est chez son époux, & que tout ce qui vient de se passer est réel. Depuis Moliere, nos Modernes ont retourné en cent façons différentes les déguisements & les contrats ; mais quel d’entre eux en a tiré un dénouement pareil à celui que je viens de citer ?

On reconnoît le mérite d’un dénouement, dans quelque genre qu’il soit, à la surprise qu’il cause. Il y a deux especes de surprises, celles qui ne frappent qu’un ou quelques acteurs, & celles qui surprennent en même temps le public & la plupart des personnages.

Les surprises de la premiere espece demandent un art infini. Il faut mettre le public dans la confidence, lui dévoiler les moyens qu’on emploie, & cependant l’intriguer par la crainte de voir manquer les complots qu’on lui confie & par le desir d’apprendre ce que dira, ce que fera la victime de ces mêmes complots dans les premiers instants de sa surprise. L’exemple le plus frappant que nous puissions en donner, est dans l’Ecole des Maris de Moliere. Quelle imagination n’a-t-il pas fallu pour épargner au spectateur la peine du travail dans une intrigue très vive, pour lui procurer le plaisir de la voir se dénouer tout naturellement, & celui de voir Sganarelle donner dans les pieges qu’il a voulu tendre ! Remarquons que lorsque Moliere a conduit ses dupes au point desiré, il peint avec diverses couleurs la façon dont ils expriment la rage qui les anime ; par ce moyen il évite la monotonie, & le plaisir de ses lecteurs est varié. Sganarelle, dans la piece que nous venons de citer, lâche la tirade suivante contre sa perfide & contre tout le sexe :

Scene derniere.

Sganarelle, dans l’accablement.

Non, je ne puis sortir de mon étonnement.
Cette ruse d’enfer confond mon jugement,
Et je ne pense pas que satan en personne
Puisse être si méchant qu’une telle fripponne.
J’aurois pour elle au feu mis la main que voilà.
Malheureux qui se fie à femme après cela !
La meilleure est toujours en malice féconde ;
C’est un sexe engendré pour damner tout le monde.
Je renonce à jamais à ce sexe trompeur,
Et je le donne tout au diable, de bon cœur.

Dans l’Ecole des Femmes, Arnolphe désespéré s’écrie seulement, ouf ! & sort. La déclamation du premier, le monosyllabe du dernier, peignent également leur dépit, font le même plaisir au spectateur, & vont au même but par des chemins opposés.

Les dénouements dans lesquels on ménage une surprise au spectateur & à la plupart des acteurs, n’exigent pas une entente du théâtre moins prodigieuse. Prenons pour modele le dénouement des Femmes Savantes. L’humeur impérieuse de Philaminte, la foiblesse de Chrisale, tiennent dans l’incertitude deux amants & le public qui s’intéresse à eux. Ariste porte deux lettres par lesquelles on apprend que la fortune de la famille est renversée. Le protégé de Philaminte cede la place à son rival : alors Ariste avoue que les lettres étoient de son invention : les acteurs & les spectateurs jouissent tout-à-coup de la plus agréable surprise.

Remarquons dans cet exemple même, que Moliere a évité un défaut commun à presque tous les Auteurs. Ils amenent deux rivaux sur la scene, & ne s’occupent que du soin d’en congédier un, comme si sa fuite seule devoit tout-à-coup décider le sort de l’autre, & lui rendre favorables les personnes qui lui sont les plus contraires. Ici, lorsque Trissotin croit Henriette sans bien, & qu’il se retire, Clitandre, aussi généreux que l’autre est lâchement intéressé, offre de réparer le mauvais destin de toute la famille, & ce bon procédé réunit sur lui tous les suffrages. Voilà comme chez Moliere le goût, la finesse, la vraisemblance, les égards, la délicatesse du cœur, l’économie & toutes les bienséances concourent à le mettre, pour les dénouements comme pour les autres parties de ses drames, au-dessus de tous les Auteurs.

Il faut observer avec soin que le spectateur soit instruit de ce que deviendront tous les personnages. Mille pieces en finissant me laissent inquiet sur le sort de quelque acteur : dans le Tartufe, par exemple, le fils d’Orgon m’a dit dès le premier acte, qu’il est amoureux de la sœur de Valere ; je voudrois bien qu’un mot m’apprît au dénouement si ses feux seront couronnés. Il y a quelques Auteurs à qui l’on ne peut certainement pas faire ce reproche ; mais ils n’évitent ce défaut qu’en tombant dans un autre plus grand, puisqu’après avoir décidé le destin des principaux personnages, ils emploient souvent des pages entieres pour arranger les affaires des acteurs les plus subalternes. Moliere est dans ce cas, dans son Dépit Amoureux. Nous savons que les quatre amants sont heureux : tout est décidé : Albert s’écrie :

Allons, ce compliment se fera mieux chez nous,
Et nous aurons loisir de nous en faire tous.

Nous croyons, d’après ce vers, que la toile va tomber : point du tout ; l’Auteur en emploie encore vingt-huit pour décider si Marinette épousera Gros René ou Mascarille.

Il paroît d’abord très ridicule de dire que la catastrophe principale, que ce qui fait le dénouement, doit être placé à la fin de la piece ; cependant ce que nous venons de voir prouve combien il est essentiel de rappeller cette regle aux Auteurs. D’Aubignac qui éleve aux nues les dénouements de Térence, n’a pas remarqué sans doute celui de l’Andrienne. Nous apprenons à la quatrieme scene du cinquieme acte, que le bonheur de Pamphile est décidé, son pere & son beau-pere futur le lui assurent ; & Pamphile, loin d’aller faire éclater sa joie aux pieds de sa future, emploie une cinquieme scene à chercher quelqu’un qu’il puisse instruire de son bonheur, & une sixieme à répéter ce que l’on nous a déja dit.

ACTE V. Scene IV.

Pamphile.

Après cela, mon pere, que reste-t-il ?

Simon.

Mon fils, ce qui me mettoit tantôt en colere contre vous, fait maintenant votre paix.

Pamphile.

L’agréable pere ! Apparemment que Chrémès ne change rien non plus à mon mariage, & qu’il me laisse possesseur de sa fille ?

Chrémès.

Cela est très juste, à moins que votre pere ne soit d’un autre avis.

Pamphile.

Cela s’entend.

Simon.

J’y donne les mains.

Chrémès.

Pamphile, ma fille aura pour dot dix talents.

Pamphile.

Cela est très bien.

Chrémès.

Je vais la voir tout-à-l’heure. Allons, je vous prie, Criton, venez-y avec moi, car je crois qu’elle ne me connoîtra pas.

Simon.

Que ne la faites-vous porter chez nous ?

Pamphile.

Vous avez raison. Je vais tout présentement donner cet ordre-là à Davus.

Simon.

Il n’est pas en état de l’exécuter.

Pamphile.

Pourquoi, mon pere ?

Simon.

Parcequ’il a des affaires de plus grande conséquence pour lui, & qui le touchent de plus près.

Pamphile.

Qu’est-ce donc ?

Simon.

Il est lié.

Pamphile.

Ah ! mon pere, cela n’est pas bien fait.

Simon.

J’ai pourtant commandé que cela fût fait comme il faut.

Pamphile.

Je vous prie d’ordonner qu’on le délie.

Simon.

Allons, je le veux.

Pamphile.

Mais tout-à-l’heure, s’il vous plaît.

Simon.

Je vais au logis, & je le ferai délier.

Pamphile.

O que ce jour est heureux pour moi !

Scene V.

CARINUS, PAMPHILE.

Carinus.

Je viens voir ce que fait Pamphile ; mais le voilà.

Pamphile.

L’on s’imaginera peut-être que je ne crois pas ce que je vais dire ; mais on s’imaginera tout ce qu’on voudra. Pour moi, je veux premiérement être persuadé que les Dieux ne sont immortels que parcequ’ils ont des plaisirs qui n’ont point de fin ; & je suis sûr aussi que je ne saurois manquer d’être immortel comme eux, si aucun chagrin ne succede à cette joie. Mais qui souhaiterois-je le plus de rencontrer à cette heure pour lui conter le bonheur qui vient de m’arriver ?

Carinus.

Quel sujet de joie a-t-il ?

Pamphile.

Ah ! je vois Davus. Il n’y a personne dont la rencontre me soit plus agréable ; car je suis persuadé que qui que ce soit ne ressentira ma joie plus vivement que lui.

Scene VI.

DAVUS, PAMPHILE, CARINUS.

Davus.

Où peut être Pamphile ?

Pamphile.

Davus.

Davus.

Qui est-ce qui ?...

Pamphile.

C’est moi.

Davus.

Ah ! Monsieur.

Pamphile.

Tu ne sais pas la bonne fortune qui m’est arrivée ?

Davus.

Non assurément ; mais je sais très bien la mauvaise fortune qui m’est arrivée depuis que je vous ai vu.

Pamphile.

Je le sais bien aussi.

Davus.

Cela arrive toujours. Vous avez plutôt su mon infortune, que je n’ai appris votre bonheur.

Pamphile.

Ma Glycérion a retrouvé ses parents.

Davus.

Que cela va bien !

Carinus.

Oh !

Pamphile.

Son pere est un de nos meilleurs amis.

Davus.

Qui est-il ?

Pamphile.

Chrémès.

Davus.

Que vous me réjouissez !

Pamphile.

Rien ne s’oppose présentement à mes desirs.

Carinus.

Ne rêve-t-il point, & en dormant ne croit-il point avoir ce qu’il desire quand il est éveillé ?

Pamphile.

Et pour notre enfant, Davus ?

Davus.

Ne vous mettez pas en peine, les Dieux n’aiment que lui.

Carinus.

Me voilà bien, si ce qu’il dit est véritable ; mais je vais lui parler.

Pamphile.

Qui est ici ? Carinus, vous venez bien à propos.

Carinus.

Je suis ravi de votre bonheur.

Pamphile.

Quoi ! avez-vous entendu ?

Carinus.

J’ai tout entendu. Présentement que vous êtes heureux, ne m’oubliez pas, je vous en conjure. Chrémès est désormais tout à vous ; je suis persuadé qu’il fera ce que vous voudrez.

Pamphile.

C’est mon dessein, Carinus ; mais il seroit trop long d’attendre ici qu’il sortît de chez sa fille, venez avec moi le trouver. Et toi, Davus, cours au logis, & fais venir des gens pour porter Glycérion. Pourquoi donc tardes-tu ? Marche.

Davus.

J’y vais. Pour vous, Messieurs, n’attendez pas qu’ils sortent : ils se marieront dans la maison ; & s’il y a quelque autre chose à faire, elle s’y terminera aussi. Adieu, Messieurs ; battez des mains.

Racine a fait pis que Moliere & Térence. Le dénouement de ses Plaideurs est au milieu de la piece, puisque c’est dans le second acte que Chicaneau, en croyant signer un exploit, signe le contrat de mariage de sa fille avec le fils de Dandin.

Je ne parle point des pieces qui sont sans dénouement, telles que celles où, pour terminer par quelque chose, l’on invite les acteurs à aller se mettre à table. D’Ancourt se tiroit ainsi d’embarras, quand il ne pouvoit faire autrement.

Il nous resteroit encore à décider dans quelle occasion les maîtres ou les valets peuvent faire le dénouement ; mais comme cela dépend du Genre de la piece, nous raisonnerons là-dessus dans le volume suivant que nous destinons tout entier aux divers Genres de la Comédie.