(1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXV. Du contraste des Caracteres. » pp. 386-397
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(1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXV. Du contraste des Caracteres. » pp. 386-397

CHAPITRE XXXV.
Du contraste des Caracteres.

On prétend dans le monde qu’on ne peut rendre les traits d’un caractere bien saillants, sans les faire contraster avec ceux d’un autre. Quelle erreur, grands dieux ! On vient de voir que dans l’Avare, Harpagon seul a un caractere décidé ; aucun des autres personnages ne peut donc avoir un caractere qui contraste avec le sien : cependant Harpagon n’est-il pas une image frappante de l’avarice, & le portrait laisse-t-il quelque chose à desirer ? Que dis-je ! Harpagon n’est-il pas l’avarice même personnifiée ?

« Le caractere de Cléante, disent les gens superficiels, contraste avec celui de son pere, puisque l’un emprunte de l’argent à gros intérêt, & que l’autre prête à usure ».

L’objection paroît d’abord convaincante ; mais Harpagon prête à usure par raffinement d’avarice : nous allons voir quel motif engage Cléante à faire des dettes. Si c’est par prodigalité, on a raison, & j’ai tort.

ACTE I. Scene II.

Elise.

Oui, je conçois, mon frere, quel est votre chagrin.

Cléante.

Ah ! ma sœur, il est plus grand qu’on ne peut croire ! car enfin, peut-on voir rien de plus cruel, que cette rigoureuse épargne qu’on exerce sur nous, que cette sécheresse étrange où l’on nous fait languir ? Hé ! que nous sert d’avoir du bien s’il ne nous vient que dans le temps que nous ne serons plus dans le bel âge d’en jouir, & si, pour m’entretenir même, il faut que maintenant je m’engage de tous côtés ; si je suis réduit avec vous à chercher tous les jours les secours des Marchands, pour avoir moyen de porter des habits raisonnables ? Enfin j’ai voulu vous parler pour m’aider à sonder mon pere sur les sentiments où je suis ; &, si je l’y trouve contraire, j’ai résolu d’aller en d’autres lieux avec cette aimable personne, jouir de la fortune que le Ciel voudra nous offrir. Je fais chercher par-tout, pour ce dessein, de l’argent à emprunter ; &, si vos affaires, ma sœur, sont semblables aux miennes, & qu’il faille que notre pere s’oppose à nos desirs, nous le quitterons là tous deux, & nous nous affranchirons de cette tyrannie où nous tient, depuis si long-temps, son avarice insupportable.

ACTE II. Scene I.

La Fleche.

Je vous vois, Monsieur, ne vous en déplaise, dans le grand chemin justement que tenoit Panurge pour se ruiner, prenant argent d’avance, achetant cher, vendant à bon marché, & mangeant son bled en herbe.

Cléante.

Que veux-tu que j’y fasse ? Voilà où les jeunes gens sont réduits par la maudite avarice des peres. Et l’on s’étonne après cela que les fils souhaitent qu’ils meurent !

Scene III.

Harpagon.

Ote-toi de mes yeux, coquin ! ôte-toi de mes yeux !

Cléante.

Qui est plus criminel, à votre avis, ou celui qui achete un argent dont il a besoin, ou celui qui vole un argent dont il n’a que faire ?

Loin que Cléante emprunte par esprit de prodigalité, il ne cherche à faire des dettes que pour fournir au nécessaire que son pere lui refuse, & pour s’affranchir de la tyrannie. Son caractere ne contraste donc point avec celui d’Harpagon ; aussi rend-il la piece bien plus morale, aussi sert-il bien mieux à nous inspirer de l’horreur pour l’avarice.

Loin de croire que le contraste des caracteres soit nécessaire dans la comédie, je l’y crois un grand défaut ; & tout homme qui connoîtra l’art dramatique, sera certainement de cet avis. Voyons ce que dit là-dessus M. Diderot.

« Je veux que les caracteres soient différents ; mais je vous avoue que le contraste m’en déplaît. Ecoutez mes raisons, & jugez.

« Je remarque d’abord que le contraste est mauvais dans le style. Voulez-vous que des idées grandes, nobles & simples se réduisent à rien, faites-les contraster entre elles & dans l’expression.

« Voulez-vous qu’une piece de musique soit sans expression & sans génie, jettez-y du contraste, & vous n’aurez qu’une suite alternative de doux & de fort, de grave & d’aigu.

« Voulez-vous qu’un tableau soit d’une composition désagréable & forcée, méprisez la sagesse de Raphaël, strapassez, faites contraster vos figures.

« L’architecture aime la grandeur & la simplicité. Je ne dirai point qu’elle rejette le contraste ; elle ne l’admet point.

« Dites-moi comment il se fait que le contraste soit une si pauvre chose dans tous les genres d’imitation, excepté dans le dramatique.

« Mais un moyen sûr de gâter un drame & de le rendre insoutenable à tout homme de goût, ce seroit d’y multiplier les contrastes.

« Je ne sais quel jugement on portera du Pere de famille ; mais s’il n’est que mauvais, je l’aurois rendu détestable en mettant le Commandeur en contraste avec le Pere de famille, Germénil avec Cécile, Saint-Albin avec Sophie, & la Femme-de-chambre avec un des Valets. Voyez ce qui résulteroit de ces antitheses, &c... »

Je ne me connois pas assez en musique, en peinture, en architecture, pour juger d’après moi si ces trois arts admettent ou rejettent les contrastes, & j’en crois M. Diderot sur sa parole ; mais je sens bien vivement le bonheur de me trouver de son sentiment à l’égard des pieces de théâtre. On peut, on doit même y mettre des oppositions & des nuances différentes qui leur donnent l’agrément de la variété ; jamais de contrastes qui, loin de se faire ressortir, s’écrasent mutuellement. M. Diderot continue :

« Mais n’est-ce pas assez du vernis romanesque malheureusement attaché au genre dramatique par la nécessité de n’imiter l’ordre général des choses que dans le cas où il s’est plu à combiner des incidents extraordinaires, sans ajouter encore à ce vernis si opposé à l’illusion un choix de caracteres qui ne se trouvent presque jamais rassemblés ? Quel est l’état commun des sociétés ? Est-ce celui où les caracteres sont différents, ou celui où ils sont contrastés ? Pour une circonstance de la vie où le contraste des caracteres se montre aussi tranché qu’on le demande au Poëte, il y en a cent mille où ils ne sont que différents ».

Tant pis pour les Auteurs dramatiques qui ne savent pas choisir un Roman propre à faire illusion, c’est la faute de l’Auteur & non celle du genre. Quant aux contrastes parfaits, je veux croire qu’il en est peu dans les sociétés, mais ce ne seroit pas une raison suffisante pour les exclure de la scene. M. Diderot va les combattre avec de meilleures armes.

« Pourquoi a-t-on imaginé de faire contraster un caractere avec un autre ? c’est sans doute afin de rendre l’un des deux plus sortant : mais on n’obtiendra cet effet qu’autant que ces caracteres paroîtront ensemble. De là, quelle monotonie pour le dialogue ? quelle gêne pour la conduite ? Comment réussirai-je à enchaîner naturellement les événements, & à établir entre les scenes la succession convenable, si je suis occupé de la nécessité de rapprocher tel personnage de tel autre ? Combien de fois n’arrivera-t-il point que le contraste demande une scene, & que la vérité de la Fable en demande une autre ?

« D’ailleurs, si les deux personnages contrastants étoient dessinés avec la même force, ils rendroient le sujet du drame équivoque ».

Voilà la raison triomphante à laquelle on ne peut rien opposer. Si les deux personnages contrastants sont de la même force, le titre de la piece doit annoncer leurs deux caracteres ; & le sujet n’a plus le mérite de l’unité. Si l’un des caracteres contrastants est sacrifié à l’autre, on attribue sa foiblesse à l’Auteur.

« Je suppose que le Misanthrope n’eût point été affiché, & qu’on l’eût joué sans annonce. Que seroit-il arrivé si Philinte eût eu son caractere comme Alceste a le sien ? Le Spectateur n’auroit-il pas été dans le cas de demander, du moins à la premiere scene où rien ne distingue encore le personnage principal, lequel des deux on jouoit, du Philanthrope ou du Misanthrope ? Et comment évite-t-on cet inconvénient ? On sacrifie l’un des deux caracteres. On met dans la bouche du premier tout ce qui est pour lui, & l’on fait du second un sot ou un mal-adroit. Mais le Spectateur ne sent-il pas ce défaut, sur-tout lorsque le caractere vicieux est principal, comme dans l’exemple que je viens de citer.

« La premiere scene du Misanthrope est cependant un chef-d’œuvre.

« Oui : mais qu’un homme de génie s’en empare, qu’il donne à Philinte autant de sang froid, de fermeté, d’éloquence, d’honnêteté, d’amour pour les hommes, d’indulgence pour leur foiblesse, qu’un ami véritable du genre humain en doit avoir ; & tout-à-coup, sans toucher au discours d’Alceste, vous verrez le sujet de la piece devenir incertain. Pourquoi donc ne l’est-il pas ? est-ce qu’Alceste a raison ? est-ce que Philinte a tort ? Non ; c’est que l’un plaide bien sa cause, & que l’autre défend mal la sienne ».

Après avoir admiré M. Diderot sur plusieurs choses excellentes qu’il a dites en parlant des contrastes, voudra-t-il nous permettre de lui demander s’il ne s’est point trompé lorsqu’il a voulu nous faire entendre que le caractere de Philinte contraste avec celui d’Alceste, & que celui du dernier ne domine que parceque sa cause est mieux plaidée que celle du premier. Je suis vrai, & j’avouerai que je ne suis pas de ce sentiment. J’ose penser que si le public ne croit pas dans la premiere scene voir autant le Philanthrope que le Misanthrope, ce n’est ni au titre ni à l’annonce que l’Auteur en a l’obligation : c’est encore moins à la précaution de mettre dans la bouche d’Alceste des raisons triomphantes & de faire de Philinte un sot ; de bien plaider la cause du Misanthrope, de mal plaider celle du prétendu Philanthrope ; mais à l’adresse de différencier les deux rôles sans les faire contraster, puisqu’Alceste est l’ennemi déclaré du genre humain, & que Philinte, loin d’être l’ami déclaré des hommes, les plaint sans les aimer, souffre leurs défauts uniquement par la nécessité de vivre avec eux, & l’impossibilité de les rendre meilleurs. Rapprochons quelques-uns de leurs traits.

ACTE I. Scene I.

ALCESTE, PHILINTE.

Philinte.

Vous voulez un grand mal à la nature humaine !

Alceste.

Oui, j’ai conçu pour elle une effroyable haine.

Philinte.

Tous les pauvres mortels, sans nulle exception,
Seront enveloppés dans cette aversion ?
Encore en est-il bien dans le siecle où nous sommes....

Alceste.

Non, elle est générale & je hais tous les hommes ;
Les uns parcequ’ils sont méchants & malfaisants,
Et les autres pour être aux méchants complaisants,
Et n’avoir pas pour eux ces haines vigoureuses,
Que doit donner le vice aux ames vertueuses.
. . . . . . . . .
Et par fois il me prend des mouvements soudains
De fuir dans un désert l’approche des humains.

Philinte.

Mon Dieu ! des mœurs du temps mettons-nous moins en peine,
Et faisons un peu grace à la nature humaine ;
Ne l’examinons point dans la grande rigueur,
Et voyons ses défauts avec quelque douceur.
Il faut parmi le monde une vertu traitable ;
A force de sagesse on peut être blâmable :
La parfaite raison fuit toute extrémité,
Et veut que l’on soit sage avec sobriété.
Cette grande roideur des vertus des vieux âges
Heurte trop notre siecle & les communs usages ;
Elle veut aux mortels trop de perfection.
Il faut fléchir au temps sans obstination ;
Et c’est une folie à nulle autre seconde
De vouloir se mêler de corriger le monde.
J’observe comme vous cent choses tous les jours
Qui pourroient mieux aller prenant un autre cours ;
Mais, quoi qu’à chaque pas je puisse voir paroître,
En courroux, comme vous, on ne me voit pas être :
Je prends tout doucement les hommes comme ils sont :
J’accoutume mon ame à souffrir ce qu’ils font ;
Et je crois qu’à la Cour, de même qu’à la ville,
Mon phlegme est philosophe autant que votre bile.

Alceste.

Mais ce phlegme, Monsieur, qui raisonnez si bien,
Ce phlegme pourra-t-il ne s’échauffer de rien ?
Et, s’il faut, par hasard, qu’un ami vous trahisse,
Que pour avoir vos biens on dresse un artifice,
Ou qu’on tâche à semer de méchants bruits de vous,
Verrez-vous tout cela sans vous mettre en courroux ?

Philinte.

Oui, je vois ces défauts dont votre ame murmure,
Comme vices unis à l’humaine nature ;
Et mon esprit enfin n’est pas plus offensé
De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
Que de voir des vautours affamés de carnage,
Des singes malfaisants & des loups pleins de rage.

Un homme qui ne voit les hommes, qui ne les aime, que comme des vautours affamés de carnage, des singes malfaisants, & des loups pleins de rage, ne contraste certainement point avec un Misanthrope. Tous deux détestent presque également les humains : ils ne sont différents que par la maniere dont ils haïssent. La haine du dernier est beaucoup plus bruyante, voilà tout. Les vers que nous venons de lire me confirment dans mon idée, & me font croire que tout homme de génie, loin de s’emparer de cette scene pour la retoucher, la respecteroit au contraire, parcequ’il verroit qu’elle est traitée comme elle doit l’être. L’éloquence, la fermeté, ou la vigueur qu’on y ajouteroit, éblouiroit peut-être tout-de-suite, mais seroit réellement un défaut aux yeux des Connoisseurs, puisqu’elle défigureroit le caractere de Philinte, du moins si je l’ai bien vu. Je me garderai de prononcer.

« Concluons, ajoute M. Diderot, qu’il n’y a qu’une raison pour contraster les caracteres, & qu’il y en a plusieurs pour les montrer différents.

« Mais qu’on lise les Poétiques, on n’y trouvera pas un mot de ces contrastes. Il me paroît donc qu’il en est de cette regle comme de beaucoup d’autres, qu’elle a été faite d’après quelques productions de génie, où l’on aura remarqué un grand effet de contraste, & qu’on aura dit : le contraste fait bien ici ; donc on ne peut bien faire sans contraste. Voilà la logique de la plupart de ceux qui ont osé donner des bornes à un art dans lequel ils ne se sont jamais exercés. C’est aussi celle des Critiques qui nous jugent d’après ces autorités ».

Il n’est pas possible de parler avec plus de justesse, & je me pénetre de la solidité de ce raisonnement. Chaque succès, bien ou mal mérité, fait établir de nouvelles regles sur la scene. Une piece d’un nouveau genre paroît, elle est soutenue par une cabale puissante, un acteur en impose à la multitude en y extravagant ; on part de là pour dire que toutes les pieces doivent être faites & représentées comme celle-là : elle a réussi, il n’importe comment. Voilà comme les monstres dramatiques s’accréditent & se multiplient.

« Térence, dit encore M. Diderot, contraste peu : Plaute contraste moins encore, Moliere plus souvent. Mais si le contraste fut quelquefois pour Moliere le moyen d’un homme de génie, est-ce une raison pour le prescrire aux autres Poëtes ? N’en seroit-ce pas une au contraire pour le leur interdire » ?

Non, sans doute, ce ne seroit pas une raison pour prescrire des contrastes aux Auteurs : mais en seroit-ce une pour les leur interdire ? D’ailleurs, loin de penser que Moliere soit l’ami des contrastes, je l’en crois l’ennemi capital ; du moins ai-je de la peine à trouver un contraste parfait dans une seule de ses pieces à caractere. Dans l’Etourdi, où est l’homme prudent ? Dans les Femmes Savantes, où sont les femmes vraiment instruites de ce qu’elles doivent savoir sans aller au-delà des sciences prescrites à leur sexe ? Dans les Précieuses, je ne vois pas leur contraste. Dans le Cocu imaginaire, qui fait tant de bruit pour rien, je vois aussi peu le cocu réel qui prend son mal en patience. Dans le Malade imaginaire, trouvons-nous un homme vraiment infirme ? On ne peut en mettre sur la scene comique, me dira-t-on. Pourquoi cela ? Le Géronte du Légataire universel n’est-il pas malade tout de bon ? Si vous n’en croyez pas ses léthargies, croyez-en Lisette ; elle est digne de foi. C’est elle qui prend soin

De ses bouillons de bouche, & des postérieurs68.

ACTE I. Scene I.

Lisette.

Un remede par moi lui vient d’être donné,
Tel que l’Apothicaire en avoit ordonné :
J’ai cru que ce seroit le dernier de sa vie ;
Il est tombé sur moi deux fois en léthargie.
. . . . . . . . .

Scene II.

Ah ! Monsieur, depuis hier il est encor déchu ;
J’ai cru que cette nuit seroit sa nuit derniere,
Et que je fermerois pour jamais sa paupiere.
Les lettres de répit qu’il prend contre la mort
Ne lui serviront guere, ou je me trompe fort.
. . . . . . . . .

Je ne parle pas de l’Ecole des Femmes & de l’Ecole des Maris, parceque les héros de ces pieces n’ont pas de caracteres décidés ; ils n’ont que des nuances de plusieurs autres caracteres, du Jaloux, du Bourru, &c. Quant au Tartufe, c’est une autre affaire. La franchise, l’honnêteté, la crédulité y sont continuellement en contraste avec la scélératesse & l’imposture ; mais ce même contraste qu’on oppose au héros, est partagé entre plusieurs personnages ; aussi aucun d’eux n’écrase-t-il le principal. Je m’étendrai davantage là-dessus quand il sera question de l’art d’épuiser un sujet.

« Enfin, s’écrie M. Diderot, le véritable contraste est celui des caracteres avec les situations, & celui des intérêts avec les intérêts. Si vous rendez Alceste amoureux, que ce soit d’une coquette ; Harpagon, d’une fille pauvre ».

Nous ne pouvons que nous écrier aussi, Voilà qui est bien vu ! Toutes les pieces de Moliere fourmillent de pareils contrastes. Pour le prouver, jettons les yeux sur une des plus mauvaises, sur l’Etourdi. Ici, Lélie, divisé d’intérêt avec Trufaldin qui ne veut lui céder l’esclave dont il est amoureux, qu’à beaux deniers comptants, & avec un rival assez riche pour faire cet achat, se trouve toujours dans des situations dont un homme prudent tireroit avantage, & qu’il tourne contre lui ; mais, qu’est-ce en comparaison de Tartufe surpris par Damis lorsqu’il fait la déclaration de son amour à Elmire ? de Damis accusé d’imposture par Tartufe qu’il croyoit confondre ? de ce même Tartufe embrassant Orgon au lieu d’Elmire ? d’Orgon chassé de sa maison par le scélérat qu’il veut en bannir ? Qu’est-ce encore en comparaison d’Harpagon obligé de donner un repas, de céder une bague à sa maîtresse ? d’Harpagon privé de sa chere cassette, & réduit à se pendre, s’il ne la trouve pas ? d’Harpagon enfin forcé d’abandonner celle qu’il aime pour ravoir son trésor ? &c. Voilà les contrastes qu’un Auteur doit rechercher. Finissons ce Chapitre en répétant, d’après M. Diderot : le véritable contraste est celui des caracteres avec les situations, & des intérêts avec les intérêts. C’est une vérité que nous devons avoir toujours présente en composant.