(1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. D’Ancourt imitateur, comparé à Moliere, la Fontaine, Saint-Yon, le Sage, Montfleury, &c. » pp. 133-184
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(1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. D’Ancourt imitateur, comparé à Moliere, la Fontaine, Saint-Yon, le Sage, Montfleury, &c. » pp. 133-184

CHAPITRE V.
D’Ancourt imitateur, comparé à Moliere, la Fontaine, Saint-Yon, le Sage, Montfleury, &c.

Si toutes les bonnes pieces qui sont dans le Recueil de d’Ancourt étoient de sa composition, nous nous garderions bien de ne le placer qu’après Dufresny, Brueys & Palaprat : mais personne n’ignore que l’Impromptu de la Garnison fut envoyé de Namur aux Comédiens ; que la folle Enchere est d’une Dame14, les Trois Cousines de Barrau, & que Saint-Yon est le véritable auteur du Chevalier à la mode & des Bourgeoises à la mode, deux pieces excellentes en cinq actes, qui valent elles seules toutes les comédies de d’Ancourt. On sait encore que d’Ancourt, assistant aux lectures faites à l’assemblée des Comédiens, mettoit à profit les bonnes choses qui se trouvoient dans les pieces refusées. Les Journaux de son temps lui ont suffisamment reproché ces larcins. Nous ne détaillerons pas les imitations qu’il a faites du Diable Boiteux & de Dom Quichotte. Ces romans étant excellents, les pieces ne peuvent être mauvaises que par la faute de l’imitateur.

 

Passons à des imitations qui soient moins à la portée de tout le monde.

LA PARISIENNE, d’un acte en prose.

Cette piece eut neuf représentations. Les scenes les plus plaisantes sont prises de l’Ecole des Filles, comédie de Montfleury. Contentons-nous de les extraire pour donner une idée des choses imitées.

L’ECOLE DES FILLES, de Montfleury.

Léonor est avec Don Juan qu’elle aime. On annonce Don Carlos qu’elle déteste. Elle fait cacher le premier, & s’efforce de recevoir assez bien le second, lorsqu’on lui annonce encore l’arrivée de Don Maurice son frere. Alors elle prie Carlos de mettre l’épée à la main & de sortir d’un air furieux. Maurice est surpris de ce procédé ; il en demande le sujet à sa sœur : elle répond qu’étant dans la rue, elle a vu Don Carlos qui poursuivoit un homme, à dessein de le tuer ; qu’elle a voulu prévenir ce malheur en cachant l’inconnu. Elle prie son frere de l’accompagner pour que Carlos ne lui fasse pas un mauvais parti.

LA PARISIENNE.

Angélique a plusieurs amants qu’elle trompe également : elle est avec Dorante lorsqu’elle voit venir Lisimon dont elle craint la pétulance ; elle cache Dorante : Lisimon s’apperçoit, dit-il, que le vent du bureau n’est pas pour lui, & se retire en jurant de couper les oreilles au rival qu’on lui préfere. Damis, amant suranné d’Angélique, arrive, entend les menaces de Lisimon : Angélique lui fait croire que Dorante & Lisimon ont eu dispute dans la rue ; qu’elle a sauvé la vie au premier en le cachant dans son appartement. Elle finit par prier Damis d’escorter le prisonnier & de le conduire chez lui.

 

Léonor fait remener son amant par son frere ; Angélique fait reconduire le sien par un autre amant ; la scene est en cela plus plaisante. Mais si dans la piece de Montfleury, Don Maurice, jeune & brave Espagnol, se charge avec plaisir d’accompagner un homme, est-il dans la nature que Damis, un vieillard tout cassé, accepte un semblable emploi ? D’ailleurs Léonor se donne tous ces soins pour un amant qu’elle aime, & Angélique pour un homme indifférent, ce qui affoiblit bien l’intérêt.

LES ENFANTS DE PARIS,
en cinq actes, & en vers libres.

Cette comédie fut jouée dix-sept fois dans sa nouveauté, & n’a jamais eu le moindre succès dans aucune de ses reprises. Elle est malheureusement pour son Auteur une copie de l’Avare de Moliere. Harpagon a un fils & une fille qu’il laisse manquer du nécessaire, quoiqu’il jouisse du bien de leur mere ; Harpin marche précisément sur ses traces. Le fils d’Harpagon est contraint d’emprunter à gros intérêt, pour paroître décemment dans le monde ; Clitandre, fils de M. Harpin, est réduit à cette dure extrémité. Harpagon prête à usure ; Harpin fait ce noble métier. Harpagon aime la maîtresse de son fils, & veut l’épouser ; Harpin est amoureux de Climene amante de Clitandre, & veut lui donner la main. Harpagon fait négocier ses amours par l’intrigante Frosine ; Harpin emploie au même usage une intrigante nommée Brichone. Frosine dit à Harpagon que sa belle préfere les vieillards aux jeunes gens ; Brichone ne manque pas de faire le même mensonge. Frosine quitte le parti de l’Avare pour celui des jeunes amants ; Brichone en fait autant. L’Avare prête à gros intérêt, l’emprunteur est son fils ; Harpin & Clitandre se trouvent dans le même cas. Enfin ces deux pieces seroient tout-à-fait semblables, si l’une n’étoit excellente & l’autre détestable ; si dans la premiere tous les incidents n’étoient naturels, & dans la derniere tout-à-fait contre nature & indécents, révoltants même ; témoin une des gentillesses de Clitandre : il sait que son pere a dessein de le renfermer à Saint-Lazare, il s’amuse à faire répandre dans le monde qu’il a volé des diamants ; Harpin, enchanté d’avoir un si bon prétexte pour se défaire de son fils, est au désespoir lorsqu’il apprend que Clitandre n’est pas un scélérat à pendre.

LA TRAHISON PUNIE,
en cinq actes en vers.

Cette comédie eut sept représentations. D’Ancourt l’a faite d’après le Traître puni, comédie en cinq actes en prose, traduite de l’espagnol par le Sage. La piece originale est de Don Francisco de Rojas ; elle est intitulée la Traicion busca el castigo, c’est-à-dire, la trahison cherche le châtiment. On verra ses beautés & ses défauts dans la piece de le Sage.

Parallele du Traître puni de le Sage & de la Trahison punie de d’Ancourt.

LE TRAITRE PUNI. Acte I.

La Scene est à Valence, chez Don André.

Don André, las des remontrances que lui fait son valet Mogicon, veut le battre & le mettre à la porte : Mogicon demande ses gages ; son maître lui permet alors de lui continuer ses moralités. Don Garcie vient prier Don André de cesser ses assiduités auprès de Léonor qu’il aime, & dont il est aimé. Dès qu’il est sorti, Don André dit à son valet qu’il soupçonnoit sa visite d’avoir une autre cause : je croyois, dit-il, qu’il venoit pour me défendre de parler à sa sœur qui m’adore ; mais ce qu’il m’a dit va tourner toute ma tendresse vers Léonor. Mogicon a beau lui représenter qu’il pense mal, il persiste dans sa résolution. Don Félix entre pour lui demander en grace de n’avoir plus pour Léonor sa fille des soins qui pourroient lui faire du tort, étant sur le point de se marier. Tout cela ne fait qu’irriter les desirs de Don André. Don Juan, son ancien camarade, arrive de Flandres pour se marier à Valence. Son premier empressement est pour son ami : il l’emmene chez sa future, & le prie de lui prêter Mogicon jusqu’au retour de son valet, qu’il a député vers son pere.

LA TRAHISON PUNIE. Acte I.

La scene est à Valence chez Don André.

Béatrix porte un billet doux de la part de sa maîtresse à Don André ; celui-ci, accoutumé à de pareils messages, accepte le rendez-vous qu’on lui donne, & cajole la messagere, en lui disant qu’il seroit charmé de n’y trouver qu’elle. Son valet Fabrice lui représente que ce n’est pas bien à lui d’aller sur ses brisées. Don André vante les plaisirs qu’on goûte à séduire plusieurs femmes, à troubler la paix de plusieurs familles. Le reste de l’acte est tout-à-fait semblable au précédent ; nous verrons à quoi d’Ancourt fera servir Béatrix, sa maîtresse, le billet doux, le rendez-vous donné & accepté.

LE TRAITRE PUNI. Acte II.

La Scene est dans l’appartement de Léonor.

Léonor & son amie Isabelle s’entretiennent de leurs amours, découvrent que Don André partage ses soins entre elles. Isabelle est sensible pour lui. Léonor le déteste : elle est éprise de Don Garcie, frere de son amie ; mais, hélas ! c’est inutilement, son pere va disposer de sa main. Don Garcie fléchit une suivante, & s’introduit chez Léonor. Ils vont parler de leurs amours, quand Don Félix arrive avec Don Juan & Don André. Il présente Léonor au premier en qualité d’épouse, & l’oblige à lui promettre sa foi. Elle obéit en tremblant. Dans son trouble, elle prononce le nom de son amant & non celui de l’époux qu’on lui donne. Don Garcie sort, le désespoir dans le cœur. Don Juan a remarqué la méprise de Léonor, il est jaloux ; cependant il la trouve trop belle pour refuser sa main. Il reçoit une lettre par laquelle il apprend que son pere se meurt. Il se détermine à se lier bien vîte aux pieds des autels avec Léonor, & à partir tout de suite pour satisfaire aux devoirs d’un fils. Il prie Don André de veiller sur la conduite de son épouse pendant son absence. Don André projette tout bas de mettre à profit la confiance de son ami. Mogicon, qui connoît les mœurs corrompues de son maître, craint quelque sottise de sa part.

LA TRAHISON PUNIE. Acte II.

La scene est chez Léonor.

Dans cet acte Don Garcie est chez Léonor de son aveu : elle lui promet de se laisser enlever, si son pere combat son penchant ; ce qui n’est pas honnête. Tous les deux se trouvent mal dès que Don Félix présente à sa fille Don Juan en qualité d’époux, ce qui devient très fade : & Don Juan part pour aller voir son pere mourant, sans épouser, ce qui diminue l’intérêt qu’il doit prendre à Léonor ; ce qui rendra vraisemblablement son faux ami moins criminel, & qui affoiblira désormais toutes les situations.

LE TRAITRE PUNI. Acte III.

Don Juan vient de s’unir pour la vie à Léonor. Il prouve qu’il est obligé de partir pour se rendre auprès de son pere. Quel chagrin pour lui de quitter si brusquement une épouse adorée ! Après son départ, Léonor dit à sa confidente qu’elle est fâchée de ne pas l’aimer, qu’il le mérite, mais que Don Garcie regne sur son ame. Elle entend frapper à la cloison qui sépare la maison de son amant & la sienne. Ils se parloient ordinairement à travers une fente du mur. Don Garcie lui demande la même grace, elle ne veut point manquer à son époux. Isabelle se fait entendre à travers la cloison, & dit à son amie que son frere meurt de désespoir si elle ne lui accorde pas un moment d’entretien. Léonor se laisse vaincre ; mais c’est seulement pour dire à son amant qu’elle plaint son sort, & pour lui défendre de songer désormais à elle, puisque les liens les plus sacrés l’unissent à un autre. Elle entend du bruit, se retire dans sa chambre, & cede la scene à Mogicon, qui, comme domestique de Don Juan, est resté dans la maison. Son ancien maître lui a commandé de lui ouvrir la porte de la rue pendant la nuit. Il sait bien qu’il fait une sottise en lui obéissant ; mais s’il y manque, il est certain d’avoir cent coups de bâton à la premiere entrevue : il se détermine à le satisfaire. Don André s’est muni de tous les ferrements nécessaires pour ouvrir une porte ; il s’en sert pour celle de la chambre où repose Léonor. Il est quelque temps alarmé par l’énormité de son crime. Sa passion est la plus forte : il va couronner sa perfidie envers son ami. Mogicon frémit de la démarche de Don André : le scélérat, dit-il, pendant que Don Juan va rendre les derniers devoirs à son pere, il veut rendre les premiers à sa femme ! Mogicon devine : Léonor crie au secours. Elle paroît en déshabillé de nuit, se débattant avec Don André, qui veut lui échapper. Don Garcie entend ses cris par la fente de la cloison, franchit les murs du jardin, arrive dans le temps que Don André s’est échappé des bras de Léonor, & que Don Juan ayant appris la mort de son pere, revient une bougie à la main. Don André & Don Garcie prétendent tous deux avoir volé au secours de Léonor. Léonor elle-même ne peut nommer le coupable. Don Juan, furieux, ne sait sur qui faire tomber sa rage : Don Félix augmente le trouble en frappant à la porte de sa fille : Don Juan veut lui épargner le chagrin qu’il ressent, fait sortir tout le monde, & remet sa vengeance au lendemain, pour délibérer sur le choix de sa victime.

LA TRAHISON PUNIE. Acte III.

Les changements faits par d’Ancourt dans cet acte ne sont pas plus heureux que ceux du second. Point de scenes de cloison. « D’Ancourt a très bien fait de les négliger, diront plusieurs personnes ». Je conviens que la cloison & la fente amenées sans art auroient été ridicules ; mais préparées par une main habile, qu’elles pourroient jetter de naturel & d’intérêt dans une piece ! Quoi qu’il en soit, la Léonor de d’Ancourt n’est pas fille à passer aussi mal son temps que l’autre Léonor : elle consent que sa confidente introduise la nuit son amant dans sa chambre pour l’épouser en secret : la cérémonie va se faire quand Don André, Don Garcie & Don Juan, conduits par le même dessein, se rencontrent. Qu’est devenue cette Léonor si intéressante par l’effort qu’elle fait sur son cœur en combattant sa passion & en la sacrifiant au devoir ? Ici Don Juan fait beaucoup de train, comme dans le Sage ; mais à quel titre, puisqu’il n’est pas l’époux de Léonor ? Ce n’est pas tout : d’Ancourt, si soigneux de défigurer les beautés, conserve les défauts avec le même soin. Il est ridicule dans la piece de le Sage, ou dans celle de l’Auteur Espagnol, que Don André, muni des ferrements propres à forcer une porte, ait besoin de se faire ouvrir celle de la rue par son valet. D’Ancourt ne s’apperçoit pas d’une faute aussi grossiere : comment trois Auteurs ont-ils pu la faire ?

LE TRAITRE PUNI. Acte IV.

Don Juan n’a pas fermé l’œil. Don Félix le prie de lui raconter ce qui s’est passé la veille ; il cede à sa priere, & lui fait part de son incertitude. Il ne sait si Don Garcie est coupable, ou son ami. Don Félix lui conseille de questionner la suivante de Léonor : il l’appelle & la laisse avec son gendre. Celui-ci présente une bourse & un poignard à la soubrette en la pressant de tout avouer ; elle choisit la bourse, & découvre à Don Juan le mystere de la cloison. Il l’examine ; il veut que Léonor parle à son amant à travers la cloison : il découvre, par les réponses de Don Garcie, qu’il est innocent & Léonor aussi. Isabelle accourt toute troublée. Don André a fait donner un défi à Don Garcie. Elle n’a pas remis à ce dernier le billet de son ennemi : elle tremble pour les jours d’un frere & d’un amant ; elle prie Don Juan de les raccommoder. Don Juan demande quel est le lieu où Don André attend son adversaire ; il y court pour punir son trop perfide ami de la violence qu’il a voulu faire à sa femme.

LA TRAHISON PUNIE. Acte IV.

Léonor craint que Don Garcie son amant ne soit obligé de se couper la gorge avec Don André ou Don Juan : pour prévenir ce malheur, elle lui fait ordonner par sa suivante d’aller l’attendre chez Clarice. Les scenes de la cloison sont encore enlevées de cet acte. Nous perdons ce beau moment où Léonor, forcée par son époux de parler à son amant à travers le mur, attend de sa réponse la vie ou la mort. D’Ancourt nous laisse soupçonner que cette Clarice, chez laquelle Don Garcie doit se rendre par ordre de son amant, est la beauté qui donne un rendez-vous à Don André au commencement de la piece.

LE TRAITRE PUNI. Acte V.

La Scene est derriere le jardin de Don Garcie.

Mogicon annonce que Don André attend Don Garcie pour se battre : il s’est écarté crainte d’être compromis dans leur débat. Don Juan le rencontre, le saisit au collet, lui met le poignard sur la gorge, & feint de vouloir le tuer pour avoir ouvert la veille la porte de la rue à Don Garcie : « Si c’eût été, lui dit-il, à Don André, je te le pardonnerois ; il est ton maître & mon ami ». Alors Mogicon est à son aise. Il proteste n’avoir fait entrer que Don André. Don Juan, plus certain de la scélératesse de son indigne ami, va fondre sur lui ; mais le traître trouve le secret de lui persuader tout le contraire de ce qu’a dit son valet, & de noircir si bien Don Garcie, que Don Juan veut aller le défier. Don André lui dit que l’action de Don Garcie n’étant pas d’un galant homme, il faut le traiter comme il mérite, & saute par-dessus la muraille de son jardin, pour l’assassiner chez lui. Don Juan a toutes les peines du monde à se déterminer : Don André triomphe de ses scrupules. (La scene représente l’appartement de Don Garcie.) Don Garcie réfléchit sur la cruauté de Léonor, qui lui a défendu de songer à elle. Il est sans lumiere ; il en demande. Don Juan & Don André se glissent dans sa chambre, & Don Juan croyant le frapper, poignarde son indigne conducteur, qui, avant de rendre l’ame, dévoile toute sa noirceur. Isabelle & Léonor, averties par Mogicon, apportent de la lumiere. Don Juan est satisfait. Léonor s’écrie que la trahison cherche le châtiment. Isabelle pleure son amant. Don Garcie est charmé d’avoir échappé au sort qu’on lui préparoit, & Mogicon regrette son maître, parcequ’il étoit sur le point de lui payer ses gages.

LA TRAHISON PUNIE. Acte V.

Cet acte est le plus mauvais de la piece. Don André y est tué par les assassins qu’il avoit postés pour poignarder Don Juan & Don Garcie. Léonor épouse ce dernier ; & Don Juan se trouve avoir fait beaucoup de bruit pour rien. Cette Clarice, chez qui nous nous attendions à trouver tous les acteurs, & à voir par conséquent des scenes piquantes ; cette Clarice, dis-je, si bien annoncée au premier acte & au quatrieme, ne sert à rien, ainsi que son billet doux, & le rendez-vous qu’elle donne à Don André.

 

L’analyse de ces deux pieces doit non seulement prouver la mal-adresse, le peu de goût de d’Ancourt, elle peut encore nous faire juger de la gaucherie avec laquelle les Auteurs les plus spirituels15 ont transporté les pieces étrangeres sur notre théâtre, sans les accommoder à nos mœurs, à nos usages, à nos bienséances, sans même leur ôter leurs invraisemblances les plus ridicules. Ces mêmes Auteurs sont cependant venus après Moliere. Ils ont pu voir l’art qu’il a mis en usage pour fondre la discreta Enamorada dans l’Ecole des Maris, & Arlecchino Mercante prodigo dans le Tartufe.

MM. Parfait disent, dans l’article de la Trahison punie, que « si cette piece avoit paru pour la premiere fois il y a dix à douze ans, elle auroit eu un tout autre succès, & que peut-être elle auroit passé pour bonne, puisque la mode s’est introduite de se passionner pour le comique larmoyant ». En vérité, l’on ne sauroit faire une critique plus sanglante du goût de ce siecle.

MADAME ARTUS, en cinq actes & en vers.

Le Public reçut très mal cette piece ; cependant le crédit de d’Ancourt la fit traîner jusqu’à la cinquieme représentation. L’Auteur a transporté dans sa comédie presque tous les personnages & une partie de l’intrigue des Façons du temps, piece en cinq actes de Saint-Yon 16 ; il en a même copié jusqu’à des scenes entieres.

LES FAÇONS DU TEMPS. Acte I. Scene cIX.

M. Grumelin, propiétaire d’une maison de campagne louée à Dorante, apprend que celui-ci a fait couper le bois qui faisoit son principal ornement ; il vient s’en plaindre.

. . . . . . . . . .

Dorante.

Ah ! votre bois ? Fort bien ! Merlin. M. Grumelin vient pour son bois qu’on a fait couper.

Merlin.

Ce bois-là étoit affreux, Monsieur Grumelin : on n’y voyoit goutte.

M. Grumelin.

Qu’est-ce à dire affreux ?

Dorante.

Non, Monsieur, il étoit admirable ; il étouffoit les gens dans la maison. Cela avoit son mérite au moins ; car il ne faut point d’air à la campagne, il ne faut point de vue : vous avez raison.

Merlin.

Il se moque de vous, Monsieur Grumelin.

M. Grumelin.

Je le vois bien ; mais...

Dorante.

Je ne comprends pas comment les gens sont faits, pour moi. On prend tous les soins imaginables pour embellir la maison de Monsieur, on en fait un bijou pour la vue, en étêtant seulement un bois...

M. Grumelin.

En l’étêtant ! Les arbres sont coupés par le pied.

Dorante.

Coupés par le pied ! Cela n’est pas de mon ordonnance.

Merlin.

Non, Monsieur, c’est de la mienne.

Dorante.

Qu’est-ce à dire cela, de la tienne ?

Merlin.

Oui, Monsieur : vous vouliez qu’on les étêtât pour avoir de la vue au premier étage ; & j’ai fait tout abattre, moi, pour avoir de la vue dans la cuisine.

M. Grumelin.

Vous voyez bien, Monsieur...

Dorante.

Quoi ! de la cuisine...

Merlin.

De la cave, Monsieur, de la cave, c’est une vue charmante.

Dorante.

Oh ! plaignez-vous, Monsieur Grumelin : une vue charmante dans la cuisine, dans la cave !

M. Grumelin.

Cela étoit nécessaire ! Mais le bois a été vendu. Et l’argent ?...

Dorante.

Oh ! pour l’argent, je l’ai touché : il faudra bien vous en tenir compte. A la fin du bail on verra tout cela.

M. Grumelin.

A la fin du bail !

Dorante.

Mon cher Monsieur Grumelin, laissez-moi faire, je veux accommoder votre maison à ma fantaisie : ce sera le plus joli morceau qu’il y ait aux environs de Paris. Il y a de quoi faire des choses...

M. Grumelin.

Hé ! n’y faites plus rien de nouveau, de grace : ce qui est fait, est fait ; il en faut passer par-là. Mais je vous conjure de faire souvenir Monsieur votre pere de la commission qu’il m’a promise pour mon gendre.

Dorante.

Ah ! pour cela, c’est une affaire faite. Je suis votre serviteur, Monsieur Grumelin, &c.

MADAME ARTUS. Acte I. Scene V.

Dorante a vendu un bois qui ornoit le château de sa mere. Son oncle vient le gronder.

Damis.

Quoi ! vous faites l’étonné !
Ce que de vous jamais je n’aurois soupçonné...
Oui, je vous aurois pu passer toute autre affaire :
Mais oser dégrader le bien de votre mere !...
Pour quelque mille écus détruire en un moment
Un bois, de son château le plus bel ornement !...
Votre dérangement est par-là trop visible,
Et ce trait doit vous faire une honte terrible.
Ah ! fi, Dorante.

Merlin.

Hé bien, je l’avois deviné,
Que quelqu’un du pays, mal intentionné,
Aigriroit contre vous Madame votre mere,
Et donneroit un tour mauvais à cette affaire.
Ces paysans Bretons sont les plus mal appris...
Voyez : vouloir brouiller la mere avec le fils !
Tout coup vaille, le fils & la mere, il n’importe ;
C’est être bien méchant d’en user de la sorte.

Damis.

C’est le Fiscal du lieu qui l’écrit.

Merlin.

Le Fiscal !
Ce Fiscal-là, Monsieur, est un franc animal !
Parcequ’on l’a rossé pour certaine aventure...

Damis.

Quoi ! tout ce qu’il écrit seroit-il imposture ?

Merlin.

Non. Vous n’avez jamais été à Kerkameau,
Monsieur ?

Damis.

Non, jamais.

Merlin.

C’est l’endroit le plus beau
Depuis ce bois coupé ; car auparavant, zeste !
C’étoit un vilain trou. A présent, malepeste,
Le beau lieu !

Damis.

Le Fiscal ne mande point cela.

Merlin.

Apprend-on rien de bon jamais de ces gens-là ?
Ce sont des...

Damis.

Mais enfin sa faute n’est pas grande :
Ce bois, vous l’avez fait couper ; il nous le mande.

Merlin.

Couper ? oui. Mais... savoir à quelle intention...
Voyez-vous, cela part de mon invention :
Et si l’on a mal fait, j’en conviens, c’est ma faute.
Kerkameau le château, Monsieur, est à mi-côte :
Pas tout-à-fait pourtant ; mais il est en bon lieu :
Le bois en question le resserroit un peu ;
Les arbres fort touffus s’élevoient jusqu’aux nues,
Et par-tout le château n’avoit aucunes vues.
Il en faut. Le fait est de savoir, d’un château,
Ce qui plaît mieux à voir, ou des bois ou de l’eau.

Damis.

J’aime l’eau.

Merlin.

Nous aussi : c’est la grande maniere.
On découvre à présent des prés, une riviere,
Qui, lentement coulante, arrose un verd gazon ;
Puis des côteaux lointains perdus dans l’horizon :
Et la vue, autrefois de toutes parts grimpante,
Du côté de ce bois est maintenant plongeante.

Damis.

Mais ce bois, il falloit l’étêter seulement :
La vue...

Merlin.

On n’en eût eu que dans l’appartement.

Dorante.

Je le voulois ainsi.

Merlin.

Oui ; mais moi qui raffine,
J’ai cru qu’il en falloit jusques dans la cuisine.

Damis.

Dans la cuisine !

Merlin.

Bon ! dans la cave à présent.
En haut le coup d’œil plonge, en bas il est rasant.
Je vous suis caution qu’il a de quoi s’étendre,
Allez.

Dorante.

C’est un morceau, mon oncle, à vous surprendre.

Damis.

Dieu le veuille ! Et ce bois coupé, qu’en a-t-on fait ?
Dites.

Dorante.

Mais...

Merlin.

On l’a fait enlever à forfait :
Il n’en reste, Monsieur, aucun morceau sur terre,
Et l’endroit est tout prêt pour en faire un parterre.

Damis.

Et l’argent ?

Merlin, à Dorante.

Par vos mains cet argent a passé ;
Rendez-en compte, allons.

Dorante.

Mon oncle...

Merlin.

Il est placé.
Oh ! nous en avons fait, Monsieur, un bon usage.

Damis.

Ah ! mon pauvre neveu, quand deviendras-tu sage ?

Les deux Dorante, sous prétexte d’avoir une plus belle vue, font abattre un bois qui fait l’ornement d’une maison de campagne : mais la maison appartient ou doit appartenir au dernier ; le premier n’en est que le locataire, son idée est bien plus singuliere. D’ailleurs la raison que l’un & l’autre alleguent est sans contredit bien plus plaisante adressée au propriétaire de la maison, qu’à un homme pour lequel la chose doit être très indifférente17.

D’Ancourt ne borne pas là ses plagiats & sa mal-adresse : n’a-t-il pas l’effronterie de donner à l’héroïne de sa piece le caractere du Tartufe ?

Idée de la Piece.

Une aventuriere, nommée Madame Artus, s’introduit chez Madame Argante, & s’empare de son esprit en affectant beaucoup de vertu. Dorante, fils de Madame Argante, vif, emporté comme le fils d’Orgon, veut comme lui chasser l’indigne créature qui gouverne tout dans la maison. Il va éclater quand on lui conseille de feindre avec une personne aussi fine que Madame Artus. Cette femme de bien, annoncée pendant trois grands actes, comme Tartufe, paroît enfin : son cœur n’est pas plus ferme à la tentation que celui de son modele ; elle aime Dorante, & lui parle ainsi.

ACTE IV. Scene VII.

Mad. ARTUS, DORANTE.

Mad. Artus.

Si je ne savois pas comme on doit se contraindre,
Je ne pourrois de vous m’empêcher de me plaindre,
Monsieur.

Dorante.

De moi, Madame ?

Mad. Artus.

Oui, Monsieur.

Dorante.

Hé ! de quoi ?
Quel sujet auriez-vous de vous plaindre de moi ?

Mad. Artus.

Je n’en ai pas pour un, je crois en avoir mille.
Vous me croyez, Monsieur, une femme inutile,
Ou très peu disposée à vous faire plaisir :
C’est un bien dont il faut malgré vous me saisir.
Peut-être à m’en prier trouvez-vous quelque honte.
Madame votre mere est prête à rendre compte :
Tous les biens du défunt, à sa garde commis,
Seront, quand vous voudrez, entre vos mains remis.

Dorante.

A cet heureux projet je n’osois pas m’attendre ;
Il vient de vous. Que j’ai de graces à vous rendre !
Ma sœur, ainsi que moi, sensible à vos bontés...

Mad. Artus.

On fait moins pour vous deux que vous ne méritez ;
Et quand je fais du bien, mon cœur ne considere ;
N’a pour unique objet, que le plaisir d’en faire.

Dorante.

Votre cœur est un cœur tout-à-fait généreux,
Et nous ne pouvons trop nous en louer tous deux,
Madame.

Mad. Artus.

Non, pour vous il faut que j’en rougisse,
Monsieur, le vôtre au mien ne rend pas bien justice.
Vous me voyez trop peu pour juger en effet...

Dorante.

Il est vrai ; mais j’en crois les récits qu’on en fait.
Sur leur sincérité mon estime se fonde ;
Et votre vertu fait tant d’éclat dans le monde...

Mad. Artus.

Ah ! cet éclat n’a rien qui me puisse toucher ;
Et de ce monde-là je voudrois m’arracher.

Dorante.

La retraite vous plaît ? Le monde a pu vous plaire.
Si vous pouviez, Madame, en dégoûter ma mere.

Mad. Artus.

On y travailleroit vainement, entre nous ;
Et c’est elle qui cherche à m’y rejetter.

Dorante.

Vous,
Qui paroissez au monde avoir juré la guerre !

Mad. Artus.

Ah ! que mon foible cœur tient encore à la terre !
Et, dans l’aveuglement où je le tiens plongé,
Je crains que de long-temps il n’en soit dégagé.

Après cette déclaration maussadement calquée sur celle que Tartufe fait à Madame Elmire, elle promet à Dorante de ménager si bien l’esprit de sa mere, qu’ils la dépouilleront de tous ses biens : elle est d’accord pour cela avec un Notaire. Celui-ci vient lui présenter un contrat : cette femme si fine, si adroite, le signe sans le lire, & signe en même temps son arrêt, puisque le contrat unit Dorante avec la niece du Notaire. On la démasque aux yeux de Madame Argante, & on la congédie ignominieusement. Ainsi finit cette espece de piece où tout est exposé & dénoué avec invraisemblance, où le caractere principal se dément sans cesse, où tout est par conséquent d’un bout à l’autre contre nature.

Quel Démon ennemi de Dufresny & de d’Ancourt leur a persuadé qu’ils pourroient avec succès remanier le Tartufe, grands Dieux ! la piece qui doit faire tomber la plume des mains, si l’on réfléchit aux beautés réunies & inimitables qui la caractérisent ? Nous avons vu le Tartufe sortir informe du théâtre italien, nous l’avons vu embelli par Moliere, nous l’avons vu défiguré par deux Auteurs modernes ; encore un pas vers la barbarie, nous le verrons retourner vers sa source & figurer de nouveau à côté d’Arlequin : la chose seroit risible.

LES VENDANGES DE SURENE,
en un acte, & en prose.

Quoique cette piece ait eu dans sa nouveauté vingt-sept représentations, gardons-nous bien de la croire excellente. L’intrigue est une mauvaise copie de celle de Pourceaugnac. Le héros, sot comme le Limousin de Moliere, vient épouser une fille qui ne l’aime point. On lui fait mille niches, & l’on met à ses trousses une prétendue fille d’Opéra, qui s’oppose à son mariage, parcequ’elle a, dit-elle, une promesse de M. Vivien. Le rôle de cette vestale est rempli par un fourbe nommé l’Orange. D’Ancourt n’a pas voulu se donner la peine de composer la scene la plus plaisante de cette farce ; il l’a copiée des Façons du temps de Saint-Yon. En voici la preuve.

LES FAÇONS DU TEMPS. Acte V. Scene V.

ANGÉLIQUE, DAMIS, Mad. DESMARTINS, LISETTE, MERLIN.

Merlin, déguisé en grisette.

Au secours ! main forte ! à l’aide ! à l’injustice !

Damis.

Quel nouvel incident est-ce encore ici ?

Merlin.

Eh ! par charité, Mesdames, ayez compassion d’une honnête fille qui s’est laissé débaucher par un méchant homme.

Lisette.

Vous êtes une fille débauchée ?

Merlin.

Hélas ! oui, pour vous rendre service ; & c’est ce petit perfide-là qui m’a mise dans mes meubles.

Angélique.

Monsieur Damis ?

Damis.

Moi ! Par ma foi, voilà une effrontée carogne !

Merlin.

Effrontée ! Madame Desmartins sait bien ce qui en est. Tenez, Madame, avant que je connusse ce libertin-là, ma réputation flairoit comme baume dans tout le quartier.

Lisette.

Il perd toutes les filles de réputation ; je vous l’avois bien dit.

Merlin.

Hélas ! si vous saviez comme il m’a attrapée !

Lisette.

Il vous proposa d’abord quelque partie d’Opéra ?

Merlin.

Oui ; il m’avoit même donné un petit Maître à danser, & m’avoit promis de me faire entrer à l’Opéra, si-tôt que ma taille seroit rétablie.

Damis.

Moi ! je t’ai donné un Maître à danser ?

Lisette.

Taisez-vous, taisez-vous ; vous êtes un petit fourbe. Vous soupâtes ensuite ensemble ?

Merlin.

Justement, vous l’avez deviné, chez Madame Desmartins, qui est une fort bonne femme, où il me fit tant boire de ratafia, tant de ratafia, & manger tant de truffes...

Damis.

Voilà la plus méchante masque...

Lisette.

Il n’est pas permis d’être si débauché, au moins. Il ne faut pas demander s’il alla bientôt après vous rendre visite.

Merlin.

Hélas ! oui, dès le lendemain ; & le jour d’après il m’envoya une tapisserie de brocatelle aurore & verd, avec un canapé de même étoffe.

Damis.

Moi ! j’ai donné une tapisserie ?

Lisette.

Envoyer un canapé à une Grisette ! cela est bien criminel !

Merlin.

Oh ! vraiment, il m’a envoyé bien pis encore.

Lisette.

Encore pis, dites-vous ?

Merlin.

Oui, un petit lit de damas feuille-morte.

Lisette.

Un petit lit de damas feuille-morte ! On ne vouloit que le faire interdire ; mais je vois bien qu’il faudra le faire enfermer.

Damis.

Me faire enfermer, moi !

Merlin.

Après ce qu’il m’a fait, si la Justice n’en fait pas un exemple, il n’y aura plus de bonne foi dans le commerce des filles.

Lisette.

Oh ! cette affaire-ci ira loin, sur ma parole.

. . . . . . . . .

LES VENDANGES DE SURENE. Scene XXII.

Mad. DUBUISSON, M. THOMASSEAU, VIVIEN, THIBAUT, L’ORANGE.

. . . . . . . . .

L’Orange, en demoiselle.

Monsieur, je suis votre très humble servante.

M. Thomasseau.

Je suis votre serviteur, Madame.

Vivien.

Voilà une grande fille qui n’est pas mal faite.

Mad. Dubuisson.

Hé ! comment ! c’est Mademoiselle du Hasard, si je ne me trompe !

L’Orange.

Oui, ma chere Madame Dubuisson, c’est moi-même.

M. Thomasseau.

Tu connois cette personne-là, ma voisine ?

Mad. Dubuisson.

Vraiment oui ; c’est une de nos amies, une fort honnête fille, qui postule pour chanter gratis à l’Opéra, afin de se faire connoître. Hé ! qui vous amene en ce pays-ci, Mademoiselle ?

L’Orange.

Trois Officiers de Dragons de mes bons amis qui m’ont engagée d’y venir en vendanges : comme j’ai su, par occasion, que Monsieur Vivien de la Chaponnardiere y étoit pour épouser la fille de Monsieur, j’ai cru ne pouvoir me dispenser de venir mettre empêchement à ce mariage.

Vivien.

Mettre empêchement à mon mariage ! Et de quel droit, Madame ?

L’Orange.

Comment ! de quel droit, petit perfide !

M. Thomasseau.

Que veut dire ceci, mon gendre ?

Vivien.

Le diable m’emporte si j’en sais rien : je ne connois point cette créature-là.

L’Orange.

Tu ne me connois point, traître ! Je te dévisagerai, si on me laisse faire.

Mad. Dubuisson.

Hé ! ne vous emportez pas de la sorte.

L’Orange.

Tu ne me connois pas ! N’est-ce pas toi qui m’as mise dans mes meubles ?

Vivien.

Moi ?

M. Thomasseau.

Mon gendre...

L’Orange.

Avant que je connusse ce libertin-là, ma réputation flairoit comme baume dans tout le quartier du Palais Royal.

Mad. Dubuisson.

Je vous le disois bien, elle a toujours passé pour une fille fort sage.

L’Orange.

Si vous saviez, Monsieur, comme il m’a attrapée !

M. Thomasseau.

Cela ne vaut rien, mon gendre : voilà de mauvaises manieres.

Vivien.

Je vous proteste, Monsieur Thomasseau...

L’Orange.

Tenez, Monsieur, il venoit quelquefois chez une honnête Marquise qui donne à jouer : il me vit, je lui plus ; je le vis, il me plut.

Mad. Dubuisson.

Il vous proposa quelques parties de plaisir ?

L’Orange.

Vraiment, nous soupâmes ensemble dès le soir même : il me fit boire tant de ratafia, & tant manger de truffes... Oh ! pour cela, l’argent ne lui coûte rien ; il fait bien les choses.

Mad. Dubuisson.

Cet homme-là est d’une grande dépense, au moins.

M. Thomasseau.

Oui, cela n’accommoderoit point un ménage.

Mad. Dubuisson.

Il ne faut pas demander si le lendemain il alla vous rendre visite.

L’Orange.

Oui, Madame ; & deux jours après il m’envoya une tapisserie de brocatelle, un petit lit de damas feuille-morte, avec la petite oie.

M. Thomasseau.

Un lit de damas ! Cela est violent !

Vivien.

Si j’ai jamais vu cette coquine-là... si je sais ce que c’est que tout ce qu’elle dit...

L’Orange.

Oh ! tu as beau nier, il faut que tu m’épouses, ou que tu sois pendu.

Vivien.

Je vous épouserai, moi ?

L’Orange.

Oui, par la ventrebleu, tu m’épouseras.

Mad. Dubuisson.

Ne vous tourmentez donc point, Mademoiselle : vous vous ferez malade.

L’Orange.

Ah ! je veux que cinq cents diables me tordent le cou, Madame, si....

Vivien.

Voilà une effrontée carogne !

M. Thomasseau.

Allez, Monsieur, vous devriez mourir de honte de faire des présents à des filles qui jurent comme cela.

. . . . . . . . .

Il est impossible de piller avec plus d’effronterie. Si d’Ancourt ne se lassoit pas de faire des plagiats, nous sommes ennuyés d’en voir, & nous allons passer à des imitations qui, loin de déshonorer l’Auteur, puissent contribuer à sa gloire.

LE TUTEUR, en un acte & en vers.

Cette piece eut seize représentations. MM. Parfait disent, dans leur Histoire du Théâtre François, que le dénouement est pris d’un Conte de la Fontaine, intitulé le Cocu battu & content. MM. Parfait se trompent ; la chose est facile à prouver.

LE COCU BATTU ET CONTENT,
Nouvelle tirée de Bocace.

N’a pas long-temps de Rome revenoit
Certain cadet qui n’y profita guere ;
Et volontiers en chemin séjournoit,
Quand par hasard le galant rencontroit
Bon vin, bon gîte, & belle chambriere.
Avint qu’un jour, en un bourg arrêté,
Il vit passer une Dame jolie,
Leste, pimpante, & d’un Page suivie ;
Et la voyant il en fut enchanté.
. . . . . . . .
Et s’informant comment on l’appelloit,
C’est, lui dit-on, la Dame du village ;
Messire Bon l’a prise en mariage.
. . . . . . . .
Il renvoya dans la ville prochaine
Tous ses valets, puis s’en fut au château,
Dit qu’il étoit un jeune jouvenceau
Qui cherchoit maître & qui savoit tout faire.
Messire Bon, fort content de l’affaire,
Pour fauconnier le loua bien & beau,
Non toutefois sans l’avis de sa femme.
Le fauconnier plut très fort à la Dame ;
Et n’étant homme en tel pourchas nouveau,
Guere ne mit à déclarer sa flamme.
Ce fut beaucoup ; car le vieillard étoit
Fou de sa femme, & fort peu la quittoit.
. . . . . . .
Amour enfin, qui prit à cœur l’affaire,
Leur inspira la ruse que voici.
La Dame dit un soir à son mari :
Qui croyez-vous le plus rempli de zele
De tous vos gens ? Ce propos entendu,
Messire Bon lui dit : j’ai toujours cru
Le fauconnier garçon sage & fidele,
Et c’est à lui que plus je me fierois.
Vous auriez tort, repartit cette belle ;
C’est un méchant : il me tint l’autre fois
Propos d’amour, dont je fus si surprise,
Que je pensai tomber tout de mon haut ;
Car qui croiroit une telle entreprise ?
Dedans l’esprit il me vint aussi-tôt
De l’étrangler & lui manger la vue :
Il tint à peu ; je n’en fus retenue
Que pour n’oser un tel cas publier :
Même à dessein qu’il ne le pût nier,
Je fis semblant d’y vouloir condescendre ;
Et cette nuit, sous un certain poirier,
Dans le jardin je lui dis de m’attendre.
. . . . . . .
Messire Bon se mit fort en colere.
Sa femme dit : Mon mari, mon époux,
Jusqu’à tantôt cachez votre courroux ;
Dans le jardin attrapez-le vous-même :
Vous le pourrez trouver fort aisément :
Le poirier est à main gauche en entrant.
Mais il vous faut user de stratagême.
Prenez ma jupe, & contrefaites-vous :
Vous entendrez son insolence extrême ;
Lors d’un bâton donnez-lui tant de coups...
. . . . . . .
 Onc il ne fut plus forte dupe
Que ce vieillard, bon-homme au demeurant.
Le temps venu d’attraper le galant,
Messire Bon se couvrit d’une jupe,
S’encornetta, courut incontinent
Dans le jardin, où ne trouva personne.
Garde n’avoit ; car, tandis qu’il frissonne,
Claque des dents, & meurt quasi de froid,
Le pélerin, qui le tout observoit,
Va voir la Dame ; avec elle se donne
Tout le bon temps qu’on a, comme je crois,
Lorsqu’Amour seul étant de la partie,
Entre deux draps on tient femme jolie,
Femme jolie, & qui n’est pas à soi.
Quand le galant un assez bon espace
Avec la Dame eut été dans ce lieu,
Force lui fut d’abandonner la place :
Ce ne fut pas sans le vin de l’adieu.
Dans le jardin il court en diligence.
Messire Bon, rempli d’impatience,
A tous moments sa paresse maudit.
Le pélerin, d’aussi loin qu’il le vit,
Feignit de croire appercevoir la Dame,
Et lui cria : Quoi donc, méchante femme !
A ton mari tu brassois un tel tour !
Est-ce le fruit de son parfait amour ?
Dieu soit témoin que pour toi j’en ai honte ;
Et de venir ne tenois quasi compte,
Ne te croyant le cœur si perverti
Que de vouloir tromper un tel mari.
Or bien je vois qu’il te faut un ami ;
Trouvé ne l’as en moi, je t’en assure.
Si j’ai tiré ce rendez-vous de toi,
C’est seulement pour éprouver ta foi ;
Et ne t’attends de m’induire à luxure.
Grand pécheur suis : mais j’ai là, Dieu merci,
De ton honneur encor quelque souci.
A Monseigneur ferois-je un tel outrage ?
Mais, foi de Dieu, ce bras te châtiera,
Et Monseigneur puis après le saura.
Pendant ces mots l’époux pleuroit de joie,
Et, tout ravi, disoit entre ses dents :
Loué soit Dieu, dont la bonté m’envoie
Femme & valet si chastes, si prudents.
Ce ne fut tout ; car à grands coups de gaule
Le pélerin vous lui froisse une épaule,
De horions laidement l’accoûtra,
Jusqu’au logis ainsi le renvoya.

Extrait de la Piece.

M. Bernard, amoureux & tuteur d’Angélique, veut absolument l’épouser, & la tient renfermée dans sa maison de campagne. Dorante, amant de la belle prisonniere, découvre que M. Bernard a besoin d’un jardinier, & qu’il veut faire peindre les plafonds de sa maison. Son valet l’Olive & lui se déguisent, se présentent & sont reçus. Le tuteur fait si bien sentinelle que Dorante & Angélique ne peuvent pas se parler. Lucas, fermier de M. Bernard, & amoureux de Lisette suivante d’Angélique, est un second espion. Cependant l’Olive s’insinue auprès de Lisette, ils ménagent un entretien à leurs maîtres. M. Bernard & Lucas les troublent. Alors Angélique & Lisette disent à leurs surveillants que le Peintre & le Jardinier sont deux amants déguisés ; qu’elles leur ont donné un rendez-vous pour voir jusqu’à quel point ils pousseroient leur insolence, prient M. Bernard & Lucas d’y aller déguisés en femmes. Ils y vont. Dorante & l’Olive les rossent en feignant de les prendre pour Angélique & Lisette : M. Bernard remercie le faux Peintre, il est charmé d’avoir reçu ce témoignage de son zele & de son affection ; Lucas n’est pas tout-à-fait aussi content. Le Chevalier, oncle d’Angélique, arrive, est surpris de voir M. Bernard sous l’habit d’une femme, le croit fou, ne veut pas laisser sa niece en si mauvaise compagnie, & l’emmene pour la marier avec Dorante qu’il connoît.

 

Le conte du Cocu battu & content présente d’abord deux écueils à quiconque forme le dessein de le mettre en action ; premiérement, l’indécence du tête-à-tête entre les deux amants ; secondement, les coups de bâton que la femme fait donner ou laisse donner à son époux ; ce qui certainement n’est pas honnête. On livre, dans ce siecle poli, à une belle le front de son époux, mais la bienséance veut qu’elle respecte son dos. « Oui, mais dans la piece ce n’est pas une épouse qui fait battre son mari, c’est une pupille qui procure ce petit régal à son tuteur ». La réflexion est juste. Je réponds à cela que si nos mœurs trop indulgentes permettent aux demoiselles de faire à leurs tuteurs mille petites espiégleries pour s’affranchir de leur tyrannie, la bastonnade ne doit pas en être ; la niche est, en conscience, trop forte.

D’Ancourt a sauvé la premiere indécence en donnant à ses amants un but légitime, & une suivante à son héroïne ; mais les coups de bâton lui ont paru trop plaisants pour les ôter : il a trouvé tout simple que la pupille se vengeât ainsi des ennuis que son tuteur lui causoit. D’Ancourt n’étoit rien moins que sévere sur l’article de l’honnêteté, des bienséances : c’est beaucoup qu’il n’ait point ajouté aux indécences de son modele. Ainsi, loin de le chicaner plus long-temps là-dessus, louons-le d’avoir embelli la fausse confidence que la Dame du château fait à Messire Bon : celle qu’Angélique & Lisette font à leurs persécuteurs est beaucoup plus plaisante.

Scene XVIII.

M. Bernard se promene dans l’obscurité avec Angélique, Lucas avec Lisette : l’Olive & Dorante se rendent dans le même jardin. Lisette, en approchant de l’Olive qu’elle ne voit pas, étend la main & le prend par le collet ; dans le même temps Angélique rencontre la main de Dorante, qu’elle retient.

. . . . . . . . . .

M. Bernard.

Mais, mignonne, n’êtes-vous point lasse de vous promener, & ne serions-nous pas mieux dans la maison ?

Angélique.

Vous ne vous plaisez qu’à me contraindre.

Lisette.

Elle a raison. Un peu de complaisance une fois en votre vie. Y a-t-il du mal à se promener ?

L’Olive, à voix très basse.

Je suis pris, Monsieur.

Dorante.

Et moi aussi.

Lisette.

Est-ce toi ?

L’Olive.

Moi-même.

Lisette.

Paix.

Angélique.

Ne faites point de bruit.

M. Bernard.

Hem ? Comment ? Quoi ? Que dites-vous ?

Angélique.

Je dis, Monsieur, que si vous voulez rentrer absolument, nous acheverons Lisette & moi notre caprice de promenade.

M. Bernard.

Non, je ne suis point pressé, mignonne, & je ne rentrerai qu’avec vous.

Angélique.

Quelle peine !

Lisette.

Va te coucher, Lucas, & emmene Monsieur.

Lucas.

Oh non, fatigué, je ne m’irai coucher qu’avec toi.

Lisette.

Avec moi ! Parle donc, hé ! maroufle !

M. Bernard.

Mais, mignonne, cette passion-là de vous promener ainsi toute la nuit me paroît bien nouvelle & bien extraordinaire. J’ai peine à croire qu’elle soit sans fondement, je vous l’avoue.

Angélique.

Et moi, Monsieur, je vous avoue naturellement que vous croyez juste. Le peintre que vous avez ici depuis quinze jours...

Dorante.

Ah ! Madame, vous me perdez.

M. Bernard.

Hé bien, ce peintre, qu’a-t-il fait ?

Angélique.

Il a eu aujourd’hui l’audace de me dire qu’il est amoureux de moi.

Lucas.

Morgué, je vous l’avois bian dit, Monsieur, que le jardinier & ly étiont deux frippons.

Angélique.

Je suis bien malheureuse, ma pauvre Lisette, d’être exposée.

Lisette.

Hem, que vous êtes bonne, Madame ! C’est par ordre de Monsieur que tout cela se fait. Il veut nous éprouver ; & cela n’est ni beau ni honnête de soupçonner ainsi de pauvres innocentes comme nous, & de faire sonder notre pudeur par un peintre & par un maraud de jardinier.

L’Olive.

Hom, masque !

M. Bernard.

Quoi ! le peintre & le jardinier...

Angélique.

Ils ont eu la hardiesse de nous demander, à Lisette & à moi, un rendez-vous cette nuit.

M. Bernard.

Un rendez-vous !

Lisette.

Oui, vraiment, un rendez-vous ; & nous avons eu la foiblesse de leur accorder la chose, Monsieur.

M. Bernard.

Vous leur avez donné le rendez-vous ?

Angélique.

Oui, Monsieur.

M. Bernard.

Comment oui !

Lisette.

Que voulez-vous ? les filles sont curieuses. On est bien aise de voir jusqu’où des coquins comme cela pousseront les choses. Voici l’heure à-peu-près, Monsieur ; si vous vouliez, nous irions par curiosité encore.

M. Bernard.

Qu’est-ce à dire par curiosité ?

Lucas.

Tatigué, que cette Lisette est curieuse ! Je n’aime pas ça.

Angélique.

Pour moi, Monsieur, je ne veux pas être la dupe de cette affaire, s’il vous plaît : je démêlerai l’aventure, & vous me vengerez de ces insolents.

Lisette.

Mort de ma vie ! il les faut faire expirer sous le bâton, Madame.

L’Olive.

Si tu me laisses aller, je crierai.

Angélique.

Oh ! je saurai bien me venger de vous, s’il est vrai, comme je le pense, que ce soit vous qui, par soupçon de ma conduite, me fassiez faire cette mauvaise plaisanterie.

M. Bernard.

Moi, je ne sais ce que c’est, je vous jure.

Lucas.

Ni moi non plus, la peste m’étouffe.

Angélique.

Voulez-vous me le bien persuader ?

M. Bernard.

Oh ! de tout mon cœur.

Angélique.

Le rendez-vous est au coin du parterre, sous ces maronniers d’Inde : il faut que vous y alliez à ma place.

M. Bernard.

Oui, j’irai, je vous en réponds.

Angélique.

Et nous irons tout de ce pas, Lisette & moi, nous cacher derriere la palissade, pour entendre la conversation, & savoir ce que nous devons croire.

M. Bernard.

Oh ! je le veux bien : vous me rendrez justice.

Lisette.

Il faut donc que Lucas prenne aussi ma place, Madame.

Lucas.

Volontiers. Morgué, que ce sera drôle !

M. Bernard.

Ne perdons point de temps : allons, viens, Lucas.

Angélique.

Non, Monsieur, ce n’est point ainsi qu’il faut y aller.

M. Bernard.

Comment donc ?

Angélique.

Il faut prendre des habits de femmes pour les mieux tromper.

M. Bernard.

Qu’en avons-nous affaire ? on n’y voit goutte.

Lucas.

On n’y voit goutte, mais on tâte, Monsieur : ça est bien pensé ; des habits de femmes !

Les alarmes de Dorante & de l’Olive, qui croient pendant quelque temps être trahis par leurs belles, rendent la scene très comique & la situation beaucoup plus piquante que dans le conte. Quant au dénouement de la comédie, comment MM. Parfait ont-ils pu dire qu’il étoit pris de la Fontaine ? Du moment que Messire Bon a reconnu le zele de son fauconnier dans les coups de bâton qu’il en a reçus, du moment qu’il l’en a remercié, qu’il en a témoigné sa joie à sa femme, tout est dit. Les personnages de la piece, parvenus au contraire à cet instant, ne sont que dans l’imbroglio de l’intrigue ; il faut pour la dénouer que M. le Chevalier tombe des nues. Concluons donc que d’Ancourt doit son intrigue à la Fontaine ou à Bocace, aussi est-elle bonne ; & qu’il ne doit le dénouement qu’à lui, aussi n’est-il pas merveilleux. Avouons cependant qu’il a quelque mérite d’avoir lié le dénouement à l’intrigue par le déguisement de M. Bernard.

LE MARI RETROUVÉ, en un acte en prose.

Cette comédie eut vingt-trois représentations. Deux histoires réelles ont fourni à d’Ancourt le fonds & l’intrigue de cette piece ; il a pris encore chez Moliere l’idée de deux petites scenes. Commençons par vérifier la plus conséquente de ces imitations.

Extrait de l’histoire de Louis de la Pivardie, Sieur du Bouchet.

Louis de la Pivardie, sieur du Bouchet, très bon gentilhomme & très pauvre, épouse la Dame Menon, veuve du sieur de Billy, non pour ses beaux yeux, mais pour une petite terre qui lui rapportoit environ cent pistoles. Une fois possesseur du château de la Dame, il devint indifférent pour ses charmes : la Dame, de son côté, ne voulant pas être ingrate, eut pour lui l’indifférence la plus complette, & choisit pour son vengeur le Prieur de Meseray, son voisin & son Chapelain. L’époux s’apperçoit de sa disgrace, il ne veut pas éclater crainte de passer pour un mari qui ne sait pas vivre : son château lui devient aussi indifférent que sa femme ; il obtient de l’emploi dans un régiment, & part. En passant par Auxerre il voit sur les remparts une foule de jeunes filles qui jouoient à de petits jeux innocents ; il en distingue une qui lui paroît beaucoup plus jolie que les autres, il en devient amoureux ; il apprend qu’elle est fille d’un Huissier nommé Pillard18, qui est cabaretier dans la ville. Il prend un appartement chez le pere de sa belle, pour tâcher de la séduire : mais ses efforts sont vains, le cœur de la jeune personne est tout ce qu’il peut gagner ; & pour étendre ses conquêtes plus loin, il est obligé de parler de mariage. La tête lui tourne, il se propose pour époux, on l’accepte : il s’en tient au nom de Bouchet : le voilà possesseur de sa belle, de la charge de Pillard, & bientôt pere par-dessus le marché.

Bouchet n’oublie pas tout-à-fait son premier ménage ; il fait de temps en temps des voyages à son château, dit à sa femme qu’il arrive de son régiment. La Dame qui le croit, s’empresse de lui donner de l’argent pour avoir le plaisir de le voir repartir bien vîte, & il arrive toujours à Auxerre avec une bourse assez dodue. Bientôt le diable, jaloux de son bonheur, lui suscite de grandes affaires : la premiere femme apprend tout ce qui se passe, elle est furieuse : son époux vient précisément dans ce temps à la provision, Dieu sait comment il est régalé. Il prend en homme prudent le parti de se retirer : mais comme il est sorti pendant la nuit, & qu’on ne le voit pas le lendemain, le bruit se répand qu’on l’a assassiné dans son lit : l’on arrête la femme & le Prieur. Le Lieutenant Particulier de Châtillon, ennemi du Prieur, gagne trois servantes qui déposent contre lui. Le mari n’ose reparoître crainte d’être poursuivi pour crime de polygamie. Il obtient un sauf-conduit, & se montre. Le Lieutenant Particulier qui, pour les intérêts de son inimitié, avoit besoin de la mort de Pivardie, s’obstine à ne pas vouloir le reconnoître ; il est enfin forcé de se rendre à des preuves convaincantes.

Extrait de l’histoire de la Femme retrouvée.

Dans l’année 1554, un mari irrité contre sa femme qui vivoit trop familiérement avec un Ecclésiastique, lui fit des remontrances extrêmement vives : cette femme qui n’étoit pas endurante lui répondit sur le même ton. La conversation s’échauffa, le mari fit pleuvoir sur elle un déluge de coups de bâton : la femme clabauda, & comme la partie n’étoit pas égale, elle prit la fuite & l’on ne la vit plus.

Le lendemain les voisins, qui avoient entendu pousser de hauts cris au milieu de la nuit, entrerent dans la maison, remarquerent des traces de sang sur le carreau, virent un feu flamboyant dans le four : ces indices leur firent juger que le mari, après avoir assommé sa femme, avoit brûlé son corps. On arrête le mari, on le condamne à la question : la crainte des douleurs lui fait avouer un crime qu’il n’a pas commis ; & bientôt on alloit lui donner la mort, quand on découvre la femme dans une maison où l’Ecclésiastique la tenoit secrètement. La Cour vouloit qu’on fît le procès à la femme à cause de la cruauté qu’elle avoit eue de ne pas se présenter tandis qu’on poursuivoit son mari. L’époux lui pardonna19.

Extrait du Mari retrouvé.

Le meûnier Julien, las d’être persécuté par Julienne sa femme, se fait Rat-de-cave, devient amoureux de mademoiselle Margot, fille du cabaretier de l’Ecu à Nemours, dit qu’il est veuf & projette de l’épouser. D’un autre côté Julienne croyant être veuve se prépare à convoler en secondes noces, quand Julien arrive dans son ancien ménage, pour faire une pacotille & l’emporter dans le nouveau. La meûniere veut faire pendre son mari ; le meûnier se cache, on accuse sa femme de l’avoir fait noyer : Agathe & Charlot servent de témoins, déposent contre la meûniere. Le Bailli qui lui en veut va la faire emprisonner quand Julien se montre, il n’a pas le courage de laisser pendre sa femme toute méchante qu’elle est. Le Bailli ne veut pas avoir fait des écritures pour rien ; il refuse quelque temps de reconnoître Julien, & lui soutient qu’il est noyé.

 

Il est aisé de voir que les deux histoires rapportées en abrégé sont fondues dans cette comédie. D’Ancourt a lié l’intrigue au dénouement par le moyen de Clitandre amoureux de Colette, niece de Julienne, qu’il épouse à la fin.

Remarquons que Julien, n’ayant pas encore contracté son second mariage, doit nous paroître bien moins scélérat que la Pivardie : il est plus propre par conséquent à figurer dans une comédie ; il finit même par devenir intéressant, quand, moins cruel que l’héroïne de la seconde histoire, il se montre dès qu’il sait qu’on fait le procès à sa femme, & n’a pas le courage de la laisser plus long-temps dans le chagrin. D’Ancourt mérite encore des éloges pour l’adresse avec laquelle il a peint dans la conduite de son Bailli celle du Lieutenant Particulier de Châtillon, qui gagne des témoins pour certifier la mort de la Pivardie. La façon dont le Bailli suborne Charlot & Agathe est extrêmement plaisante.

Scene XV.

Mad. AGATHE, LE BAILLI, CHARLOT.

Le Bailli.

Bon jour, Monsieur Charlot, bon jour.

Mad. Agathe.

Monsieur le Bailli, je suis bien votre servante.

Le Bailli.

Votre valet, Madame Agathe. Hé bien, qu’est-ce, mes enfants ? voilà d’étranges nouvelles. Cette scélérate de Julienne....

Charlot.

Acoutez, c’est une méchante femme. Est-ce que vous sauriez quelqu’une de ses petites fredaines ?

Le Bailli.

Oui, de ses petites fredaines, une bagatelle : elle a fait noyer son mari seulement.

Charlot.

Elle a fait noyer son mari Julian ! velà pourquoi elle me mitonnoit, voyez-vous.

Mad. Agathe.

Ça ne se peut pas, Monsieur le Bailli, je viens de le voir.

Le Bailli.

Vous avez rêvé cela, Madame Agathe ; il y a plus d’un mois qu’il est défunt, je le sais de bonne part.

Mad. Agathe.

Oh ! point du tout, c’est le véritable ; elle l’a reçu comme un vrai mari : je l’ai aidée à le battre, moi, Monsieur le Bailli, puisqu’il vous faut le dire.

Le Bailli.

Bagatelle, je ne donne pas là-dedans ; & nous avons, le Procureur fiscal & moi, commencé une procédure que nous soutiendrons vigoureusement.

Charlot.

Je vous le disois bian, Madame Agathe, c’est un bian honnête homme, un habile homme que notre Monsieu le Bailli.

Mad. Agathe.

Mais le compere Julien n’est point défunt, ce sont des contes.

Charlot.

Je crois pargué bian que si, moi ; & s’il ne l’étoit pas, il faudroit qu’il le devenît, puisque Monsieu le Bailli le dit. Est-ce que la Justice est une menteuse, Madame Agathe ?

Le Bailli.

Monsieur Charlot prend fort bien la chose, & il n’est pas qu’il n’ait quelque connoissance du fait.

Charlot.

Moi, Monsieu le Bailli ?

Le Bailli.

Oui, vous : votre témoignage sera d’un grand poids dans cette affaire-ci.

Charlot.

Mon témoignage sera de poids !

Le Bailli.

Sans doute.

Charlot.

Pargué, bon, tant mieux, velà de quoi me venger de Madame Julianne. Çà, voyons ; qu’est-ce qu’il faut que je témoigne, Monsieu le Bailli ?

Le Bailli.

Ce que vous savez, on ne vous demande pas autre chose.

Charlot.

Morgué, je ne sais rien ; mais tout coup vaille. Si vous voulez que je nous aimions, il faut dire comme moi, Madame Agathe.

Mad. Agathe.

Je dirai la vérité.

Charlot.

Et moi itou. Mais aidez-nous à la dire, Monsieu le Bailli ; car ce que je savons nous, vous qui savez tout, vous le savez peut-être mieux que nous, par aventure.

Le Bailli.

Mais le Meûnier & la Meûniere vivoient de très mauvaise intelligence, premiérement.

Charlot.

Oh ! pour stilà, oui ; tous les jours ils se battiont ou ils se querelliont très réguliérement à une certaine heure, je sis témoin de ça.

Mad. Agathe.

Et moi aussi, Monsieur le Bailli.

Le Bailli.

Bon : le reste est une suite de cela, mes enfants. Le pauvre Julien s’enivroit quelquefois.

Charlot.

Queuquefois ! Pargué très souvent ; il étoit coutumier de ça quasiment autant que vous, Monsieu le Bailli.

Le Bailli.

Voilà le fait. La femme aura pris le temps de l’ivresse du mari pour exécuter son mauvais dessein.

Charlot.

Justement. Il avoit trop bu de vin : alle ly aura voulu faire boire de l’iau ; il n’y a rien de plus naturel, ça parle tout seul.

Mad. Agathe.

Si ça est, ça est comme ça, Monsieu le Bailli.

Le Bailli.

Oui, on l’a jetté dans la riviere, & il ne se trouve point ; voilà ce qui est d’embarrassant.

Charlot.

On ly a mis une piarre au cou. Est ce une chose si rare ? En velà un gros tas tout proche du moulin, où il m’est avis qu’il en manque quelqu’une.

Le Bailli.

Oui, il en manque quelqu’une, voilà un bon indice. Mais elle n’aura pas fait cela toute seule.

Charlot.

Non, voirement, il faut ly bailler des camarades. Hé ! pargué, cet amoureux de Colette & son valet Monsieu de l’Epine. Le défunt ne vouloit pas qu’il épousît sa niece. C’est eux qui ont fait le coup, Monsieu le Bailli.

Le Bailli.

Vous croyez ça, Monsieur Charlot ?

Charlot.

Si je le crois ? je ly en veux, morgué, trop pour ne le pas croire. Et vous le croyez itou, vous, je gage. C’est notre rival, Monsieu le Bailli ; j’en jurerois, moi, en cas de besoin : ça suffira-t-il pour le faire pendre ?

Le Bailli.

Voilà une cruelle affaire pour ces gens-là.

Charlot.

J’allons, pargué, leur tailler de la besogne.

Le Bailli.

Je les ferai arrêter sur votre déposition, & je vais tout de ce pas chercher le Greffier pour la venir recevoir.

Charlot.

Qu’il écrive ce qu’il voudra, je sommes témoins de tout. Ne vous boutez pas en peine ; pargué, je nous en allons bien rire.

Cette scene étoit très difficile à faire, l’Auteur risquant d’y répandre un vernis de noirceur trop dégoûtant ; cependant on y rit d’un bout à l’autre. D’Ancourt a même craint que le faux témoignage de Charlot & d’Agathe ne laissât une impression désagréable dans l’esprit du spectateur ; il a soin de le rassurer sur le sort de Julienne.

Scene XVI.

Mad. AGATHE, CHARLOT.

Mad. Agathe.

Mais sais-tu bien que tu fais là une méchante action, mon pauvre Charlot ?

Charlot.

Bon ! queu conte ! Ce n’est pas par méchanceté ; ce n’est que pour troubler la noce & faire enrager Madame Julianne.

Mad. Agathe.

Ce ne sont pas là des bagatelles : il y a de quoi la ruiner tout au moins ; & cela pourroit aller plus loin même.

Charlot.

Oh ! que point, point, Madame Agathe ; je nous dédirons quand on sera près de la pendre. La voici : si vous m’aimez, laissez-moi faire, ou sans ça la paille est rompue.

Si toutes les imitations de d’Ancourt étoient dans le goût de cette derniere, Regnard n’occuperoit pas la seconde place sur le Parnasse comique. Passons aux deux scenes imitées de Moliere.

Scene VII.

L’Epine, valet de Clitandre, rencontre Julien & l’engage à dire, sans le vouloir, le nom de sa maîtresse.

L’Epine.

Vous êtes prévenu contre le sexe, Monsieur Julien. J’ai pourtant oui dire qu’à Nemours il y avoit d’assez bonnes pâtes de filles, & qui promettoient....

Julien, à part.

A Nemours ! Ce drôle-là est sorcier, ou bien la meche est découverte. Faisons bonne contenance.

L’Epine.

Vous y avez passé à Nemours ?

Julien.

Oui ; mais je n’y ai passé qu’en passant... Comment se porte Julianne, Monsieur de l’Epine ? J’aime toujours cette masque-là, queuque chagrin qu’alle me baille. J’avons toujours à tout bout de champ maille à partir ensemble. Velà déja la troisieme fois qu’alle me fait déserter la maison.

L’Epine.

Et vous désertez toujours du côté de Nemours, Monsieur Julien ?

Julien, à part.

Il a, morgué, queuques soupçons de l’affaire.

L’Epine.

Vous avez un grand foible pour cette ville-là, Monsieur Julien.

Julien.

Et vous itou, Monsieur de l’Epine, vous en parlez souvent : y auriais-vous queuque connoissance ?

L’Epine.

Si j’y en ai ? J’y ai été rat de cave.

Julien, à part.

Rat de cave ! Il se gausse, pargué, de moi.

L’Epine.

Il y avoit dans ce temps-là une jolie fille dans une certaine hôtellerie ; là, comment l’appellez-vous ? aidez-moi à dire.

Julien.

La fille de l’Ecu ?

L’Epine.

Oui, justement, la fille de l’Ecu.

Julien, à part.

Ce drôle-là me veut faire parler : défions-nous de ly.

L’Epine.

Elle s’appelle, je pense, Mademoiselle... J’aurai oublié son nom... Mademoiselle... Mademoiselle...

Julien.

Mademoiselle Margot ?

L’Epine.

La voilà ; Mademoiselle Margot de l’Ecu : c’est elle-même.

Julien, à part.

Il me tire, morgué, les vars du nez : baillons-nous de garde. . . . . . . . . .

Ce que nous venons de lire nous rappelle aisément la scene dans laquelle Eraste, feignant de connoître la famille de Pourceaugnac, l’engage à nommer tous ses parents l’un après l’autre ; mais si la scene de Pourceaugnac est forcée, celle-ci est tout-à-fait contre nature, puisque Julien s’apperçoit que l’Epine veut lui tirer les vers du nez, qu’il projette de ne rien dire, qu’il est bien plus intéressé que Pourceaugnac à se taire, & qu’il n’est pas stupide comme le héros de Limoges.

Scene X.

L’EPINE, CHARLOT.

L’Epine.

Voilà le garçon du moulin de Madame Julienne. Ah ! ventrebleu ! ne seroit-ce point lui qui lui auroit donné dans la vue, & qu’elle coucheroit en joue en cas de veuvage ?

Charlot, à part.

N’est-ce pas là le valet de ce houberiau qui fait l’amoureux de ma chere Colette ?

L’Epine, à part.

Que parle-t-il de Colette ?

Charlot.

Je ne ly ôterai, morgué, pas mon chapeau le premier ; je ly en veux trop.

L’Epine.

Qu’est-ce que c’est donc, Monsieur Charlot ? vous me paroissez bien fier aujourd’hui.

Charlot.

Parguenne, comme de couteume ; & si ça ne vous convient pas, je m’en gausse : je ne vous cherchons pas ; laissez-nous en repos.

L’Epine.

Vous avez quelque chose dans la tête, à ce qu’il me semble.

Charlot.

Ça est vrai ; il vous semble bien : j’y ai la volonté de vous paumer la gueule, Monsieur l’Epine.

L’Epine.

A moi ?

Charlot.

Oui, palsanguenne, à vous. Vous êtes un débaucheux de filles. Je sis garde-moulin ; le meûnier n’y est pas ; vous en voulez à la niece : mais si vous me faites prendre un gourdin...

L’Epine.

Qu’est-ce à dire un gourdin ?

Charlot.

Je ne parle pas pour à stheure : c’est une maniere d’avertissement pour en cas que vous y reveniais.

L’Epine.

J’y reviendrai quand il me plaira, Monsieur Charlot.

Charlot.

Quand il vous plaira, Monsieur de l’Epine ?

L’Epine.

Assurément, quand il me plaira.

Charlot.

Hé bian, revenez-y ; ce sont vos affaires : vous êtes le maître.

L’Epine.

Et si vous vous avisez de faire le raisonneur, savez-vous bien que vous vous attirerez mille coups de bâton, mon petit ami ?

Charlot.

Mille coups de bâton ! C’est beaucoup, Monsieur de l’Epine.

L’Epine.

Vous les aurez, si vous raisonnez.

Charlot.

Hé bian, je ne raisonnerai point ; velà qui est fini.

Voilà encore un poltron qui fait le brave tant que son adversaire feint de le craindre, & qui tremble ensuite devant lui. Nous avons vu cette scene dans le Théâtre Italien, dans Quinault, Moliere, Dufresny & Regnard. Nous disons que d’Ancourt l’a prise dans Moliere, parceque celle de l’Avare est plus connue que toutes les autres. Voilà précisément ce qui rend d’Ancourt moins excusable : son bout de scene est plaisant, il est bien encadré, dialogué très naturellement ; mais la scene de Moliere a toutes ces qualités, à quoi bon remanier une situation qu’un Auteur fameux a rendue d’une façon à ne laisser rien à desirer ? Je suis fâché que d’Ancourt ait dans cette piece à se reprocher ces deux petits plagiats. Oublions-les en faveur des imitations excellentes qui sont dans le reste de l’ouvrage. L’Auteur a su composer un sujet de tous les temps avec deux faits particuliers : ils étoient naturellement tristes, il en a fait une piece pleine de gaieté. Que peut on exiger de plus ?

D’Ancourt n’a pas été aussi heureux toutes les fois qu’il a voulu mettre en action des faits particuliers. Plusieurs de ses petites pieces, comme le Fonds perdu, la Désolation des Joueuses, la Maison de campagne, la Gazette, la Foire de Bezons, les Eaux de Bourbon, la Loterie, &c. &c. sont remplies d’aventures arrivées réellement à diverses personnes ; mais elles n’étoient pas dignes d’être imitées, ou l’imitateur y a mal réussi, puisque les ouvrages dont elles sont l’ame n’ont fait que voir le jour & disparoître. L’oubli dans lequel ils languissent doit nous servir de leçon.

 

Avant que de finir l’article de d’Ancourt imitateur, parlons en passant d’une imitation qui n’eut pas des suites amusantes pour lui. Il y avoit à la Foire un homme nommé Lerat, qui attiroit tout Paris avec des tableaux mouvants. Il disoit aux passants avec emphase : Entrez, Messieurs, voyez mon spectacle : toute la Cour a vu cela, toute la Ville a vu cela, cela n’est pas cher, cela se voit tout de suite : vous serez contents, très contents ; si vous n’êtes pas contents, on vous rendra votre argent ; mais vous serez contents, très contents.

D’Ancourt joua Lerat dans une de ses farces du moment, intitulée la Foire S. Laurent : il fit imiter jusqu’à l’habillement, la coeffure, le son de voix de Lerat ; & l’acteur qui le représentoit eut grand soin de répéter souvent : Entrez, Messieurs, voyez mon spectacle : toute la Cour a vu cela, toute la Ville a vu cela, cela n’est pas cher, cela se voit tout de suite : vous serez contents, très contents ; si vous n’êtes pas contents, on vous rendra votre argent ; mais vous serez contents, très contents. Le coup porta ; l’homme aux tableaux fut piqué, il se vengea le lendemain, en criant aux passants : Entrez, Messieurs, voyez mon spectacle ; vous y verrez la d’Ancourt & ses deux filles : toute la Cour a vu cela, toute la Ville a vu cela, cela n’est pas cher, cela se voit tout de suite : vous serez contents, très contents ; si vous n’êtes pas contents, on vous rendra votre argent ; mais vous serez contents, très contents.