(1801) Moliérana « [Anecdotes] — [46, p. 78-80] »
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(1801) Moliérana « [Anecdotes] — [46, p. 78-80] »

[46, p. 78-80]

Les situations comiques sont les moments de l’action qui mettent plus en évidence l’adresse des fripons, la sottise des dupes, le faible, les travers, le ridicule enfin du personnage qu’on veut jouer. Personne n’y a excellé comme Molière ; mais où le génie de ce célèbre comique domine au plus haut point, c’est dans les moyens de sortir d’une situation qui paraît sans ressource. Pour exemple nous citerons la ruse qu’emploie la femme de Georges Dandin, lorsqu’elle fait semblant de se tuer, et qu’elle réussit, par la frayeur qu’elle lui cause, à le mettre dehors et à rentrer chez elle.218

Le moyen qu’emploie Isabelle dans L’École des maris, pour empêcher Sganarelle d’ouvrir sa lettre,

« Lui voulez-vous donner à croire que c’est moi ? »219

n’est ni moins naturel, ni moins ingénieux, et il est d’un plus fin comique.

Mais le prodige de l’art, pour se tirer d’une situation difficile, c’est ce trait du caractère du Tartuffe :

Oui, mon frère, je suis un méchant un coupable,
Un malheureux pécheur, tout plein d’iniquité,
Le plus grand scélérat qui jamais ait été.220

Ce serait là les derniers degrés de perfection du comique, si, dans la même pièce et après cette situation, on n’en trouvait une encore plus étonnante ; on parle de celle de la table, au-delà de laquelle on ne peut rien imaginer.