(1867) La morale de Molière « CHAPITRE VIII. Le Mariage. » pp. 145-165
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(1867) La morale de Molière « CHAPITRE VIII. Le Mariage. » pp. 145-165

CHAPITRE VIII.
Le Mariage.

Est-ce par nécessité de comédie, et pour fournir un dénouement que tous ces beaux amours aboutissent au mariage496 ? Non : c’est par vérité. L’intimité et la joie de cette union est aussi nécessaire, comme conséquence de l’amour vrai, que le désordre et le dégoût comme conséquences de la coquetterie et de la débauche. Les romanciers peuvent séparer ces choses : mais c’est un mensonge à la réalité comme à la morale, et c’est par ce mensonge que leurs œuvres sont souvent funestes. Molière fait justice de l’illusion que l’amour puisse exister entre les âmes seules, et que l’homme ait ainsi la puissance de séparer en deux le corps et l’esprit, qui font une seule et même personne. Bélise est folle, avec son galimatias de langage pudibond et de sentiments épurés, comme Tartuffe est infâme avec sa lubricité cupide. L’union purement. spirituelle est, sauf quelques exceptions bien rares, aussi insensée que l’union seulement sensuelle est ignoble : c’est une utopie de prôner l’une sans l’autre, pour nous transformer en anges ou en bêtes.

La question du mariage n’est point à discuter dans une société polie, et je ne sais pas de société si grossière où elle ne soit résolue par l’instinct, de l’humanité. Mais la politesse même et le raffinement de l’esprit et du corps rendent quelquefois la pratique du mariage plus difficile. Dans l’intimité d’êtres très délicats et très-sensibles, les causes d’irritation, d’ennui, de douleur se multiplient presque à l’infini : si bien qu’en face de tant de difficultés et de peines incessantes, l’idée de l’obligation et de la nécessité finit par s’amoindrir, et disparaît même aux yeux de certains esprits malades de délicatesse ou de tempérament.

Molière, dans la société polie du dix-septième siècle, et dans l’élite même de celte société, vit des roués et des précieuses. Il s’en prit d’abord aux précieuses.

 

Lorsque Madelon, qui veut s’appeler Polyxène, et de sa vie à Paris faire un roman comme ceux de Mandane et de Clélie, trouve irrégulier le procédé des amants qui débutent d’abord par le mariage., n’est-ce pas la raison même qui répond, avec la triviale énergie de Gorgibus : « Et par où veux-tu donc qu’ils débutent ? par le concubinage ? » Puis, après cette boutade arrachée à son bon sens par les visions de deux folles achevées, il ajoute, avec la dignité de l’honnête homme et du père : « Le mariage est une chose sacrée, et c’est faire en honnêtes gens que de débuter par là497. »

Chacun a dans la mémoire l’excellente scène où Clitandre ne peut venir à bout de persuader à Bélise que ce n’est ni à elle ni à sa pudeur qu’il en veut498 et ce personnage burlesque est la plus juste critique du parfait amour, par lequel beaucoup de femmes essaient de se tromper elles-mêmes et d’excuser des liaisons destinées nécessairement à aller plus loin.

Bien plus, la jolie et coquette Armande, qui s’est laissée prendre aux célestes théories

De l’union des cœurs où les corps n’entrent pas499,

y perd un honnête mari et le bonheur domestique. Et comme si ce n’était pas assez de cette évidente leçon, Molière trouve moyen, quand il met en présence la fille philosophe et la fille qui veut un époux et un ménage, de mettre toute la grâce et toute la pudeur du côté de celle-ci, et de faire dire à celle-là des obscénités dans son haut style, avec ses prétentions de ne connaître point les chaînes des sens ni de la matière 500. Bien plus encore, en face d’un homme, d’un amant, c’est l’homme et l’amant raisonnable dont le langage est chaste, et c’est la femme éthérée qui parle des sentiments brutaux, du commerce des sens, des nœuds de chair et des sales désirs 501.

 

Tout cela est très-comique et très-sérieux : la vérité banale, et pourtant sans cesse attaquée par des utopistes des deux sexes, que le mariage est la base, et la moralité de toute société humaine, n’a pas été proclamée plus haut, dans les ouvrages les plus graves, que dans les scènes les plus risibles de Molière.

Quand don Juan fait sa belle tirade contre le mariage et le faux honneur d’être fidèle, quand il demande à Sganarelle, ébloui par son éloquence sophistique, ce qu’il a à dire là-dessus, le timide bon sens de Sganarelle répond : « Ma foi, j’ai à dire… Je ne sais que dire : car vous tournez les choses d’une manière qu’il semble que vous avez raison, et cependant il est vrai que vous ne l’avez pas… Je suis tant soit peu scandalisé de vous voir tous les mois vous marier comme vous faites, et vous jouer ainsi d’un mystère sacré502… » Et quand Sganarelle n’est pas bridé par la crainte, il ne se gêne pas pour appeler cet épouseur à toutes mains « le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable, un turc, un hérétique, qui ne croit ni ciel, ni saint, ni Dieu, ni loup-garou503 ; qui passe cette vie en véritable bête brute ; un pourceau d’Épicure, un vrai Sardanapale, qui ferme l’oreille à toutes les remontrances chrétiennes qu’on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons504. » Qui ne rit encore, en repensant au refrain terrible qui met en fuite le pauvre Pourceaugnac :

La polygamie est un cas,
Est un cas pendable505 ?

Les paroles de Sganarelle ne sont que celles d’un valet ridicule, et le refrain qui ahurit M. de Pourceaugnac n’est que le couronnement d’une farce folle ; mais sous ce ridicule et cette folie demeure et brille une vérité morale de premier ordre, affirmée nettement par Henriette et Clitandre dans les Femmes savantes, prouvée implicitement de la manière la plus victorieuse et la plus touchante par Elmire dans le Tartuffe.

 

Quand Armande fait fi du mariage, se plaint de ce qu’il offre de dégoûtant, de la sale vue sur laquelle il traîne la pensée, et qui fait frissonner, quand elle demande à sa sœur comment elle peut résoudre son cœur aux suites de ce mot, c’est la nature, c’est la raison, c’est la morale qui répond par la gracieuse bouche d’Henriette :

Les suites de. ce mot, quand je les envisage,
Me font voir un mari, des enfants, un ménage ;
Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner,
Qui blesse la pensée et fasse frissonner506.

En vain les débauchés comme don Juan persiflent la constance ridicule « de s’ensevelir pour toujours dans une passion, et d’être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux507 ; » en vain les hypocrites comme Tartuffe disent :

Le ciel défend, de vrai, certains contentements,
Mais on trouve avec lui des accommodements...
Le scandale du monde est ce qui fait l’offense,
Et ce n’est pas pécher que pécher en silence508 ;

en vain les raffinées comme Armande trouvent que c’est « jouer un petit personnage »

De se claquemurer aux choses du ménage,
Et de n’entrevoir point de plaisirs plus touchants
Qu’une idole d’époux et des marmots d’enfants509 : —

l’homme et la femme ont par nature un penchant qui les porte à s’aimer ; et cet amour peut, doit être satisfait par le mariage, seulement. Le bon sens le dit, et Molière le répète par la voix de la fille fraîche, spirituelle et chaste qui dit du fond du cœur :

Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire,
Que d’attacher à soi par le titre d’époux
Un homme qui vous aime et soit aimé de vous ;
Et de cette union, de tendresse suivie,
Se faire les douceurs d’une innocente vie510 ? — 

par la voix de l’homme honnête et sensé qui dit avec autant d’esprit que de raison :

J’aime avec tout moi-même ; et l’amour qu’on me donne
En veut, je vous l’avoue, à toute la personne...
Je vois que dans le monde on suit fort ma méthode,
Et que le mariage est assez à la mode,
Passe pour un lien assez honnête et doux…511.

Ce lien honnête seul peut satisfaire l’amour vrai sans blesser le respect et la pudeur qui en sont un caractère essentiel512 ce lien honnête seul peut assurer l’avenir des enfants, pour lesquels il n’y a que honte et malheur sans père et sans mère513 ; ce lien honnête enfin seul peut fonder l’estime et d’échange de devoirs qui constitue la famille, et par suite la société.

 

Que deviendrait Orgon et sa maison, si Elmire n’était que sa sœur, ou son amie, ou sa maîtresse, enfin toute autre que sa femme ? Qui donc aurait le dévouement de considérer comme une obligation le salut de la fille, du père, de la fortune ? Qui donc surtout, excepté la femme, pourrait affronter l’épreuve qui est le seul moyen de démasquer le traître ? Et le traître, pourquoi donc est-il si criminel, pourquoi son adultère paraît-il si odieux, sinon parce qu’il attaque une chose sacrée, l’union sur laquelle repose la famille 514 ?

Cet enseignement, qui devient sérieux presque jusqu’au tragique, se retrouve tout comique, mais non moins formel, dans le dévouement de Mme Jourdain pour son fou de mari515 ; et certes c’est elle, si peu gracieuse qu’elle soit, qui a le beau rôle, quand elle dit à la belle marquise Dorimène, qu’elle trouve en partie fine chez son mari : « Pour une grande dame, cela n’est ni beau ni honnête à vous, de mettre de la dissension dans un ménage, et de souffrir que mon mari soit amoureux de vous516. »

 

Il n’y a pas à hésiter sur l’opinion ni sur l’influence de Molière en fait de mariage : le mariage est une chose sainte à laquelle sont obligés les honnêtes gens qui s’aiment ; c’est un lien honnête :

— Mais doux ? ?

Oui, au début, comme dit le bonhomme Anselme, qui est positifs et qui, en vrai négociant, trouve qu’il n’y a pas de mariage raisonnable sans argent :

Quand on ne prend en dot que la seule beauté,
Le remords est bien près de la solennité ;
Et la plus belle femme a très-peu de défense •
Contre cette tiédeur qui suit la jouissance.
Je vous le dis encor : ces bouillants mouvements,
Ces ardeurs de jeunesse et ces emportements,
Nous font trouver d’abord quelques nuits agréables.
Mais ces félicités ne sont guère durables,
Et notre passion, alentissant son cours,
Après ces bonnes nuits donne de mauvais jours.
De là viennent les soins, les soucis, les misères,
Les fils déshérités par le courroux des pères…517.

Et que sont les soucis matériels, auprès de tous ceux de l’esprit et du cœur, l’ennui, le dégoût, l’irritation, la haine même qui résulte du choc journalier des caractères ; sans compter les inquiétudes, les douleurs , les jalousies, les infidélités et les coups ? Le mariage est la boîte de Pandore.

 

Voici le chapitre scabreux où la délicatesse infinie du poète moraliste paraît encore plus admirable que son inébranlable raison. Le mariage est doux, mais à une condition indispensable : c’est qu’il soit le nœud bien assorti 518 qui lie deux personnes portées par la nature à s’aimer, et décidées par la raison à accepter patiemment les charges nécessaires qu’il impose. Clitandre et Henriette offrent à la fois l’exemple de l’union naturelle et de l’union raisonnable. Comme ils s’aiment ! comme leurs caractères sont faits pour se plaire, et leurs cœurs pour se comprendre519 ! Et pourtant, comme, parmi ces grands élans d’amour, ils songent sérieusement aux enfants, au ménage 520, à la fortune même521, en tant qu’indispensable pour rendre le bonheur et la vie possibles !

Pour tout résumer en trois mots, le lien honnête et doux de Molière, c’est le mariage fait par amour, nature et raison : rare alliance sans laquelle il ne peut absolument être heureux. Si la nature y manque, c’est l’École des Maris ou l’École des Femmes 522 ; — si la raison, c’est « le beau mariage de la jeune Dorimène, fille du seigneur Alcantor, avec le seigneur Sganarelle, qui n’a que cinquante-trois ans… 0 le beau mariage, qui doit être heureux, car il donne de la joie à tout le monde, et fait rire tous ceux à qui on en parle523 ; » — si l’amour

Savez-vous bien qu’on risque un peu plus qu’on ne pense À vouloir sur un cœur user de violence ;
Qu’il ne fait pas bien sûr, à vous le trancher net,
D’épouser une fille en dépit qu’elle en ait ;
Et qu’elle peut aller, en se voyant contraindre,
À des ressentiments que le mari doit craindre524 ?

Cette triple leçon est reprise sans cesse, de cent manières diverses, et il n’y a, pour ainsi dire, pas une comédie où elle ne se trouve plus ou moins accentuée.

Si le mariage n’a d’autre mobile que la volupté, il devient semblable aux mariages de don Juan, où « lorsqu’on est maître une fois, il n’y a plus rien à souhaiter, et tout le beau de la passion est fini525. »

Si on y est poussé par l’orgueil d’une noble alliance, il tourne comme le mariage de George Dandin, « qui est une leçon bien parlante526. »

Si l’on épouse par intérêt d’argent, les maris sont des Trissotins et des Diafoirus 527, les femmes des Dorimènes et des Angéliques 528.

Si c’est par amour du bien-être et du pot-au-feu, on est traité comme Chrysale par Philaminte, ou comme Argant par Béline 529.

Si c’est par égoïsme et-lubricité de vieillard, on a le sort des Amolphes et des Sganarelles 530.

 

C’est, on le répète, une leçon variée à l’infini et toujours la même ; c’est l’affirmation continuelle que le mariage ne peut être bon ni heureux s’il ne repose que sur une affection naturelle, un dévouement réciproque, et un profond sentiment du devoir. Ah ! sans doute, ceux qu’une passion déraisonnable fait passer outre à ces indispensables conditions, sont souvent bien innocents et bien excusables : Molière en fut lui-même un exemple531 ; et il y a un stoïcisme amer dans la façon joviale dont il essaye de prouver qu’on doit porter en galant homme de certaines disgrâces 532.

Mais ce malheur sans doute se pourrait éviter si l’on n’épousait pas comme Sganarelle ; si la nature dans toute sa pureté présidait à cette, union ; si ceux qui s’unissent s’aimaient de. l’amour vrai dépeint au précédent chapitre ; si, considérant avec toute leur raison la gravité’ de ce qu’ils font, ils se donnaient l’un à l’autre avec une franchise et un abandon sans bornes, décidés à trouver tout l’un en l’autre533 ; si l’aveuglement de la jalousie mal fondée ne venait pas troubler la sincérité de leur affection534 ; si, une fois unis, ils continuaient, comme le recommande Ariste, à garder entre eux toutes les délicatesses et les, prévenances de l’amour535 ; si, comme dit Mlle Molière, le mariage ne changeait pas tant les gens 536 ; s’ils négligeaient moins leurs enfants, ces seconds liens des cœurs, qui viennent remplacer ceux de l’amour qui s’usent537 ; s’ils se consacraient résolument aux soins de la maison commune538 ; si l’homme, pénétré de sa dignité et de ses obligations, n’abdiquait pas comme Chrysale, et ne tournait ni à l’Orgon ni au M. Jourdain ; si la femme renonçait franchement à être une Philaminte ou une Célimène, sans doute alors qu’on verrait plus de mariages heureux, et que les Elmires seraient moins rares.

 

Toute cette morale est dans Molière. Elle y est, et elle pénètre le lecteur sans qu’il s’en doute. Toutes les qualités qui peuvent assurer le bonheur conjugal sont prêchées : la confiance, la douceur, les soins réciproques, l’indulgence ; tous les devoirs imposés aux époux sont affirmés : affection, dévouement, secours, fidélité. Les escapades des maris sont traitées comme elles le méritent dans le tableau comique des amours du Bourgeois gentilhomme pour sa belle marquise ; et le Tartuffe restera toujours la peinture la plus crûment vraie, c’est-à-dire la condamnation la plus absolue de l’adultère.

On n’a pas de paroles pour faire ressortir la délicatesse et la perfection de cette morale supérieure, sentie par un cœur d’une honnêteté rare, comprise par un génie d’une étendue étonnante, exprimée par un talent sans égal. Non-seulement cent personnages mis sous les yeux du spectateur offrent en exemple la morale du mariage ; mais encore, de tous les discours mis çà et là dans leur bouche, on peut tirer un ensemble de maximes, qui, réunies et mises en ordre, constituent un véritable code moral du mariage : je demande de quel auteur dramatique ou de quel romancier on en peut tirer autant ?

 

Les Préceptes du Mariage.

I.

« Le mariage est une chose sainte et sacrée539, une chaîne à laquelle on doit porter toute sorte de respect540. »

« On ne doit point se jouer d’un mystère sacré, et les libertins ne font jamais une bonne fin541. »

II.

« Les suites du mariage sont des enfants et un ménage542. »

III.

« ...Cette    union, de tendresse suivie,
Doit faire les douceurs d’une innocente vie543. »

IV.

« Le mariage est pour toute la vie, et de là dépend tout le bonheur544. »

V.

« Un engagement qui doit durer jusqu’à la mort ne se doit jamais faire qu’avec de grandes précautions545. »

VI.

« Un mariage ne sauroit être heureux, où l’inclination n’est pas546. »

« On ne doit point avoir cette foiblesse extrême
De vouloir posséder un cœur malgré lui-même547. »

VII.

« Une grande inégalité d’âge, d’humeur et de sentiments rend un mariage sujet à des accidents très-fâcheux548. »

VIII.

C’est « une sottise, la plus grande du monde, de vouloir s’élever au-dessus de sa condition549. »

« Les alliances avec plus grand que soi sont sujettes toujours à de fâcheux inconvénients550. »

IX.

« On doit chercher plus que toute autre chose h y mettre cette douce conformité, qui sans cesse y maintient l’honneur, la tranquillité et la joie551. »

X.

« Donnez donc le temps de se connoître et de voir naître en soi l’un pour l’autre cette inclination si nécessaire à composer une union parfaite552. »

XI.

« … Que la vertu seule anime ce dessein553 : »
« Quand on ne prend en dot que la seule beauté,
Le remords est bien près de la solennité554. »

XII.

« On ne doit point y sacrifier à l’intérêt555, et le bien n’est pas considérable, lorsqu’il est question d’épouser une honnête personne556. »

XIII.

Mais on doit songer que « rien n’use tant l’ardeur de ce nœud

Que les fâcheux besoins des choses de la vie ;
Et l’on en vient souvent à s’accuser tous deux
De tous les noirs chagrins qui suivent de tels feux557.

XIV

Les époux doivent « trouver tout » l’un en l’autre :

« Que leur doit importer tout le reste du monde558 ? »

XV.

Ils doivent « s’aimer véritablement, et faire l’un de l’autre tout l’attachement de leur vie559. »

XVI.

« … La jalousie est un monstre odieux : »

les époux doivent donc éviter « cette étrange frénésie560 »

« Et mutuellement se croire gens de bien561. ».

XVII.

Le mari est « le chef, le seigneur et le maître,562 ; »

« Ce n’est point à la femme à prescrire… ;
La poule ne doit point chanter devant le coq563 ; »
« Et se peut-il qu’un homme ait assez de foiblesse
Pour laisser à sa femme un pouvoir absolu564 ? »

XVIII.

Il doit « s’abandonner à la foi de sa femme565, »

« Car toujours leur honneur veut se garder lui-même566,
Et renfermer sa femme est un mauvais parti567. »

XIX.

« La possession d’un cœur est fort mal assurée lorsqu’on prétend le retenir par force568. »

« Le cœur est ce qu’il faut gagner569 ; c’est le cœur qu’il faut arrêter par la douceur et la complaisance570. »

XX.

Le mari doit à sa femme

« Une grande tendresse et des soins complaisants.
… Il doit tâcher à contenter ses vœux,
Des moindres libertés ne point faire des crimes,
Reprendre ses défauts avec grande douceur,
Et du nom de vertu ne lui point faire peur571. »

XXI.

« Mais le dessein de vivre en honnête personne
Dépend des qualités du mari qu’on lui donne ;
Et ceux de qui partout on montre au doigt le front,
Font leurs femmes souvent ce qu’on voit qu’elles sont :
Il est bien difficile enfin d’être fidèle
À de certains maris faits d’un certain modèle572. »

XXII.

« À d’austères devoirs le rang de femme engage573. »

XXIII.

« C’est l’honneur qui la doit tenir dans le devoir574. »

XXIV.

Elle doit au mari « de la docilité,

Et de l’obéissance, et de l’humilité,
Et du profond respect575 ; »

elle est faite

« Pour céder le dessus en toute chose à l’homme576. »,

XXV.

« Elle ne doit point aimer la promenade, la bonne chère, ni fréquenter je ne sais quelle sorte de gens577. »

XXVI.

« Elle ne se doit parer
Qu’autant que peut désirer
Le mari qui la possède578. »

XXVII.

« Il faut être retirée à la maison, donner ordre au souper, avoir soin du ménage, des enfants579 ; »

« Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants,
Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens,
Et régler la dépense avec.économie
Doit être son étude et sa philosophie580. »

XXVIII.

Mais surtout elle doit

« Songer qu’en la faisant moitié de sa personne
C’est son honneur qu’un homme en ses mains abandonne ;
Que cet honneur est tendre et se blesse de peu ;
Que sur un tel sujet il ne faut point de jeu581. »

XXIX.

Elle doit « fuir d’être coquette : »,

« Loin les études d’œillades582 ! »

« Les honnêtes femmes ont des manières qui savent chasser d’abord les galants583. »

XXX.

« J’aime qu’avec douceur elles se montrent sages...,
Et veux une vertu qui ne soit point diablesse584. »