(1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354
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(1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Chapitre XXXI

Années 1674 (suite de la huitième période). — Inquiétudes jalouses de madame de Montespan. — Les enfants légitimés sont présentés à la reine. — Le roi est même enchanté du duc du Maine. — Il donne 100 000 f. à madame Scarron. — Mauvais procédés de la marquise de Montespan envers madame Scarron. — Embarras du roi. — À la fin de l’année, nouveau don de 100 000 f. à madame Scarron.

Cette année commença par une révolution dans le service de la maison de la reine.

Madame de Montespan croyant avoir moins à craindre les infidélités du roi en composant le service de la reine de dames d’honneur au lieu de filles d’honneur, avait pressé le renvoi de celles-ci et la nomination des dames.

Le 1er de l’an, madame de Sévigné écrit à sa fille : « On a fait cinq dames : mesdames de Soubise, de Chevreuse, la princesse d’Harcourt, madame d’Albret, madame de Rochefort, et madame de Richelieu, dame d’honneur. »

Madame de Montespan ne considérait pas qu’en donnant au roi un enfant chaque année, elle l’avait habitué aux dames, et avait autant à craindre de leur concurrence que de celle des filles d’honneur. L’événement le prouva : car madame de Soubise ne tarda pas à lier avec le roi une intrigue qui dura quelque temps. Madame de Montespan ne considérait pas non plus que cet acte de domination et de jalousie tournerait contre elle dans l’esprit du roi, lorsqu’elle aurait perdu ce qui lui restait d’empire sur ce prince.

Madame Scarron faisait toujours plus remarquer sa douceur, son aménité, son respect, à mesure que madame de Montespan se montrait plus impérieuse : elle gagnait en proportion de ce que celle-ci perdait.

Malgré la légitimation des petits princes, on ne les montrait point encore. Madame de Sévigné écrivait à sa fille, dans sa lettre du 1er de l’an : « On ne voit point encore ces princes ; l’aîné a été trois jours avec père et mère. Il est joli, mais personne ne l’a vu. On voit un peu madame Scarron. »

Dans une lettre du 5, elle dit : « On a vu sourdement M. le duc du Maine, mais non pas encore chez la reine. Il était en carrosse, et ne voit que père et mère seulement. »

Quelle offense se préparait à la reine ! être obligée de recevoir comme princes de la maison royale les fruits des infidélités du roi ! Toutes ces choses profitaient à madame Scarron, qui ne cessait de blâmer le commerce du roi avec madame de Montespan, et dont le blâme, agréable à la reine, n’était pas sans quelque intelligence avec la conscience du roi.

Le 8 janvier, madame de Sévigné écrivait : « On ne voit point encore les nouveaux princes. Il y en a à Saint-Germain, mais ils n’ont pas encore paru. » Sans doute on travaillait à préparer l’esprit de la reine à les recevoir, et on ne voulait pas qu’ils parussent dans le monde avant cette espèce d’adoption d’un genre nouveau.

Il paraît résulter de ces lettres, que les enfants habitaient encore la maison de Paris ; que, cependant, l’aîné, âgé de quatre ans, qui amusait déjà ses parents, était fréquemment amené à Saint-Germain ou à Versailles, par madame Scarron ; qu’ainsi le roi avait habituellement occasion de la voir, et n’avait plus besoin, pour s’en donner le plaisir, d’aller en cachette à Paris, Madame Scarron avait donc une raison de moins de tenir sa maison de Paris fermée ; ce qui faisait qu’on la voyait un peu.

C’est aussi dans ces temps où les princes ne se montraient qu’à moitié, que le roi s’amusant à la campagne (à Clagny sans doute) à renverser à demi les fauteuils des dames, passa droit derrière celui de madame Scarron, en disant : Pour celle-là je n’oserais. Parole pleine de bienveillance et de considération98.

Cependant, le 25 mai 1674, madame Scarron écrivait de la cour à Gobelin une lettre qui demande un peu d’attention pour être entendue99.

« Je ne sais pas combien de temps je serai ici (à la cour) ; j’y suis venue avec des dispositions soumises qui durent encore ; et je suis résolue, puisque vous l’avez voulu, de me laisser conduire comme un enfant, de tâcher d’acquérir une profonde indifférence pour les lieux et pour les genres de vie auxquels on me destinera, de me détacher de tout ce qui trouble mon repos et de chercher Dieu dans tout ce que je ferai. Ce n’est pas que je sois bien propre à une dévotion tout intérieure et toute de contemplation. Mes premières vues m’y auraient peut-être conduite ; mais vous vous souviendrez, s’il vous plait, que vous voulez que je demeure à la cour, et que je la quitterai dès que vous me le conseillerez… J’ai bien fait votre cour sur les soins que vous avez de nos enfants et sur les dessins que vous avez imaginés pour les fables d’Ésope ; vous êtes fort bien avec eux. Je crois aussi qu’ils mettent sur votre compte la douceur qu’ils me trouvent présentement. Dieu veuille que ce ne soit que sur le mien, et qu’en effet, la déférence que j’ai pour vous, et l’envie de trouver du repos ne soient pas les motifs qui me fassent agir ! Le P. Bourdaloue fait ici des merveilles ; la duchesse et moi nous le voyons tous les jours. »

Cette lettre est un exemple de ces entretiens où madame de Maintenon, sans malice, et peut-être en prenant le change sur elle-même, mue par un double instinct d’amour et d’honnêteté, se joue de l’esprit grossier de son directeur, lui présente comme des griefs contre la cour, l’intérêt qui l’y attache, et comme dépit contre le roi, l’amour qu’il ressent et celui qu’il inspire, et se fait ordonner comme un sacrifice méritoire, de rester à sa cour. Ai-je besoin de faire remarquer cette promesse d’acquérir une profonde indifférence pour ces lieux de danger, et de se détacher de tout ce qui trouble son repos ; promesse que suit la déclaration de son peu d’aptitude à une vie contemplative ? Remarquerai-je le rappel de la volonté du directeur, vous voulez que je demeure à la cour ? et enfin, ai-je besoin d’observer qu’à la suite de cette autre phrase, je quitterai sa cour quand vous me le conseillerez, accourt aussitôt celle-ci, j’ai bien fait votre cour sur les soins que vous donnez à nos enfants, ce qui veut dire : Je quitterai la cour quand vous me le conseillerez, mais je vous y établis si bien que vous ne me le conseillerez pas ?

Dans le mois d’avril, madame Scarron, sous le nom de marquise de Suger, conduisit, comme son fils, le duc du Maine à Anvers, près d’un empirique qui devait rétablir la jambe de cet enfant dans l’état naturel. Alors elle n’était point encore assez bien avec le roi pour être mal avec madame de Montespan. Elle lui écrivait d’Anvers, le 18 avril 1674100 : « Madame, notre voyage a été fort heureux, et le prince se porte aussi bien que la marquise de Suger, tous deux également inconnus, tous deux très fatigués, tous deux fort surpris de ne pas trouver ici vos ordres. Nous les attendons avec impatience. Il fait le même temps que nous avons eu dans la route, c’est-à-dire le plus beau du monde, le prince est assez gai. Il a bon appétit et dort tranquillement. Il est bien juste que je passe ici pour sa mère, moi qui en ai toute la tendresse et qui partage avec vous tous ses maux. »

À la même, Anvers, 20 avril 1674 : « Madame, le médecin visita hier le prince. Il parla de fort bon sens sur son incommodité, il est tel qu’on vous l’a dit : fort doux, simple, point charlatan. Cependant, je vous avoue, madame, que j’ai de la peine à le lui confier, mais il faut obéir. Il nous donne encore cette journée pour nous remettre des fatigues du voyage ; demain il commencera ses remèdes. Je souffre par avance de tout ce que le pauvre enfant souffrira. C’est bien à présent, madame, que vous auriez à me reprocher de l’aimer avec excès. »

Peu après le retour d’Anvers, les nouveaux princes furent enfin reçus chez la reine ; alors on les établit, avec leur gouvernante, à Versailles. Elle eut des entrées à la cour, et y trouva du contentement. Elle s’en exprime ainsi dans une lettre du 15 juin, à son frère : « La vie que l’on mène ici est fort dissipée, comme vous savez, et les jours y passent fort vite. Tous mes petits princes y sont établis, et je crois pour toujours : cela, comme toute autre chose, a son bon et son mauvais côté : je suis assez contente. Je me porte bien101. »

C’est dans le même temps qu’eut lieu un premier don de 100 000 fr. fait par le roi à la gouvernante. On en apprend le motif dans une lettre qu’elle adressa à la comtesse de Saint-Géran ; lettre malheureusement sans date dans toutes les éditions des lettres de Maintenon. « Vous voulez savoir, madame, ce qui m’a attiré un si beau présent. La chose du monde la plus simple. On croit que je le dois à madame de Montespan ; on se trompe. Je le dois au petit duc. Le roi s’amusant avec lui et content de la manière dont il répondait à ses questions, lui dit : Vous êtes bien raisonnable. — Il faut bien que je le sois, répondit l’enfant : j’ai une gouvernante qui est la raison même. Allez lui dire, reprit le roi, que vous lui donnerez ce soir 100 000 fr. pour vos dragées. — La mère me brouille avec le roi, son fils me réconcilie avec lui. Je ne suis pas deux jours de suite dans la même situation. » La lettre finit par des plaintes sur l’assujettissement, sur l’esclavage où elle est tenue, sur les obstacles qui s’opposent à ce qu’elle fasse rien pour ses parents et ses amis. Les ministres ne l’coutent point. Elle ne peut rien, etc.

Madame Scarron prouve encore ici, ne fût-ce que par l’absence de toute expression de gratitude, qu’elle ne craint rien tant que le soupçon d’une secrète intelligence avec le roi. Cette appréhension qui conduit ou plutôt retient sa plume, toutes les fois qu’elle parle d’un bienfait du roi, est une des causes qui ont fait penser à un grand nombre de personnes que c’était une âme sèche et uniquement capable d’ambition.

 

C’est dans le même temps encore, et probablement à la suite du don fait par le roi, de son propre mouvement, que se rapportent les plaintes contenues dans deux lettres sans date, adressées par madame Scarron, l’une à l’abbé Gobelin, l’autre à la comtesse de Saint-Géran. Dans sa lettre à Gobelin, elle dit : « Il se passe ici des choses terribles entre madame de Montespan et moi, le roi en fut hier témoin ; et ces procédés, joints aux maladies de ses enfants, me mettent dans un état que je ne peux soutenir. »

Dans la seconde, à madame de Saint-Géran, se lisent ces mots : « Tout ce que je souhaiterais serrait de voir à madame de Montespan un cœur fait comme le vôtre. Je serais la plus heureuse personne du monde dans un pays où, pour peu qu’on ait de grandeur on en a toujours plus que de bonheur… J’ai beau renoncer à tous mes goûts, à tous mes sentiments, on m’accuse de choses horribles. » Plus loin : « On fera la Saint-Hubert à Villers-Cotterets ; on m’a donné 400 louis pour mes habits. »

Ces lettres sont postérieures à l’établissement des enfants à Versailles, c’est-à-dire à 1674. En effet, pour que le roi fut témoin d’une querelle, et pour que madame Scarron pût trouver quelque peu de grandeur dans sa situation, et pour qu’elle fût du voyage de la Saint-Hubert, et que le roi lui payât ses habillements, il fallait qu’elle fût en permanence à la cour et qu’elle y eût sa place.

Que pouvait-ce être que ces choses horribles imputées par madame de Montespan à madame Scarron ? qu’était-ce que ces choses terribles qui se passaient entre elles ? Les choses terribles c’étaient des scènes de jalousie : les choses horribles qui étaient imputées à la gouvernante, c’était d’employer l’art, le manège, l’intrigue d’une femme galante pour séduire le roi ; tandis qu’elle renonçait pour la paix à tous ses goûts, à tous ses sentiments.

C’est dans le même temps encore que madame de Montespan, d’accord avec madame de Richelieu, cherche à l’éloigner de la maison du roi en la mariant à un vieux duc, assez malhonnête homme et fort gueux 102. « Ce mariage », dit-elle dans une lettre du 14 juillet, à Gobelin, « ne s’achèvera pas… J’ai assez de déplaisirs et d’embarras dans une condition singulière et enviée de tout le monde, sans en aller chercher dans un état qui fait le malheur des trois quarts du genre humain. Cependant je n’ai pas rompu la négociation. »

Madame Scarron, riche de 100 000 fr., conçut l’ambition de posséder une petite terre. Elle ne désirait pas moins peut-être, d’être séparée de madame de Montespan, que celle-ci d’être séparée de madame Scarron. Et dans la même lettre, où elle parle de ce mariage projeté, elle dit à Gobelin : « J’ai une extrême envie d’acheter une terre et n’y puis parvenir. J’ai prié M. de Montchevreuil de former de ce qu’il y avait à vendre. Voyez-le… point d’affaire plus importante pour mon repos. Si vous voyez madame de Richelieu, excitez-la à presser les gens de qui je dépens à songer un peu à mon établissement. Ils ne me paraissent pas aussi pressés de m’établir que je le suis de les quitter. Il faut s’éclaircir de leurs vrais sentiments à mon égard en leur proposant quelque chose de présent et de solide… Je veux que madame de Richelieu voie la froideur et l’indifférence de madame de Montespan sur tout ce qui regarde mes affaires essentielles. »

Une lettre, datée de Versailles, le 6 août, au même abbé Gobelin, ne laisse aucun doute sur la brouillerie des deux dames, et sur sa cause, et sur la mauvaise humeur qu’en avait prise le roi, fatigué de leurs altercations. « Les froideurs qu’on (le roi et sa maîtresse) a pour moi ont augmenté depuis votre départ. Mes amis, vous savez quels amis, s’en sont déjà aperçus et m’ont fait des compliments sur ma disgrâce. » Cette apparence de disgrâce s’explique aisément. Le roi avait donné une marque de bienveillance à madame Scarron, la maîtresse le trouvait mauvais ; elle maltraitait la gouvernante en particulier et la calomniait dans l’esprit du roi, à qui elle reprochait de la rendre insolente et insubordonnée. Le roi, ou pour apaiser la favorite, ou pour la tromper, ou parce qu’il se persuadait qu’en effet cette glorieuse s’enorgueillissait de sa faveur, peut-être aussi par un peu de disposition prendre de l’humeur contre une résistance obstinée à des avances Qu’aucune autre femme n’avait jusque-là rebutées, se laissait aller à une légère bouderie, à l’expression d’un léger mécontentement. C’est là ce que supposent les premières lignes de la lettre du 6 août. Ce qui suit s’accorde avec l’interprétation que j’en ai donnée. « J’en parlai hier au matin à madame de Montespan, et je lui dis que je priais le roi et elle de ne point regarder la mauvaise humeur où je leur paraissais être, comme une bouderie passagère contre eux ; que c’était quelque chose de plus sérieux ; que je voyais à n’en pouvoir douter que j’étais très mal avec elle et qu’elle m’avait brouillée avec le roi. » Brouillée avec le roi ! ce mot suppose qu’elle avait été en bonne intelligence avec lui ; l’indifférence ne se brouille point. « Elle me dit sur tout cela de très mauvaises raisons et nous eûmes une conversation assez vive, mais pourtant fort honnête de part et d’autre. Ensuite j’allai à la messe et je revins dîner avec le roi. »La brouillerie avec le roi n’était donc pas bien déclarée ; c’était de la froideur et de l’embarras de la part du roi, et rien de plus. « On rendit compte (madame de Montespan sans doute) à M. de Louvois de ce qui se passait. » Ceci prouve la crainte que la favorite avait de déplaire au roi en donnant lieu à l’éloignement de la gouvernante. « On me renvoya le soir pour me faire entendre raison »(pour me détourner du dessein de me retirer). « Il me parut qu’il entendait les miennes. »Comment un ministre courtisan n’aurait-il pas entendu les raisons d’une femme qu’il savait ne pas déplaire au roi ? « Je le les lui expliquai peut-être avec un peu trop de sincérité, vous savez qu’il ne m’est pas possible de parler autrement. La conclusion fut que j’emploierais encore quelque temps à tâcher de me raccommoder de bonne foi. Je lui promis ce qu’il voulut. »Il y a de la hauteur et du dédain dans la complaisance de ces paroles. « Et madame de Montespan et moi devons nous parler ce matin ; ce sera de ma part avec beaucoup de douceur » (douceur est là pour indulgence). « Cependant je demeure ferme dans le dessein de la quitter à la fin de l’année. »

Ce peut être à cette époque que le roi dit à madame de Montespan : Si elle vous déplaît, renvoyez-la ce qui, sous l’air d’une déférence ou d’une concession, était au fond un défi.

Une lettre écrite de Versailles, à Gobelin, sans date, lui annonce un nouveau don du roi. « J’avais, dit-elle, une grande impatience de vous apprendre que le roi m’a encore donné 100 000 fr. ; ainsi, en voilà 200 000 que j’ai à votre service. » Je prie de remarquer ce mot à votre service : il veut dire : pour vous aider à me trouver une terre à acheter, ce qui montre que Gobelin était un véritable agent de madame Scarron103. « Je ne sais si vous êtes content de cet établissement » (de cette dot pour mon établissement) ; « pour moi je le suis, et je changerai bien de sentiment si jamais je leur demande un sou. Il me semble que voilà du bien pour la nécessité, et que le reste n’est plus qu’une avidité qui n’a pas de bornes. Il ne faut point dire ce nouveau bienfait, j’ai des raisons pour le taire, madame de Richelieu et l’abbé (Testu) le savent. »Ces raisons étaient de ne pas exciter de nouveau la jalousie de madame de Montespan. « Je suis résolue d’acheter une terre auprès de Paris. J’attends des nouvelles de M. Viette pour en aller visiter une104… »« M. le comte de Vexin se porte un peu mieux, le duc du Maine fait pitié. Je partage en mère ses maux. Il est entre les mains des médecins et des chirurgiens : la moitié suffit pour le faire mourir. Je ne change point sur l’envie de me retirer. Je suis inutile ici pour moi et pour les autres On nourrit très mal cet enfant… On écoute mes conseils, quelquefois on m’en sait gré, souvent on s’en fâche, jamais on ne les suit, et toujours on s’en repent. »

On voit par cette lettre que le nouveau don de 100 000 francs est encore du propre mouvement du roi ; qu’il est fait à l’insu de madame de Montespan, à qui il faut le cacher ; et qu’alors le comte de Vexin et le duc du Maine étaient fort malades. Cette dernière circonstance accrédite l’assertion de La Beaumelle, sur le mot il et l’occasion du nouveau bienfait du roi. Voici ses expressions : « Le roi étant entré chez son fils, la trouva seule (madame Scarron) avec le duc, qui avait la fièvre et qu’elle soutenait d’une main, mademoiselle de Nantes qu’elle berçait de l’autre, et le comte de Vexin qui dormait sur ses genoux. Les femmes de service avaient succombé sous la fatigue. Madame Scarron avait passé trois nuits près de ces enfants malades, et elle croyait n’avoir encore rien fait. Le roi lui envoya 100 000 francs. »

Cette situation durait encore au mois de septembre suivant, et s’aggravait par la maladie de mademoiselle de Nantes. Madame Scarron la décrit elle-même dans une lettre à Gobelin, du 8 décembre. « M. le duc du Maine a encore eu la fièvre double-quarte, M. le comte de Vexin a un vomissement et un dévoiement. Mademoiselle de Nantes vient de retomber malade. Je me partage entre eux et je les sers comme une femme de chambre, parce que toutes les leurs sont sur les dents. »

Madame Scarron, en possession de 200 000 fr., au lieu de 100 000, dirigea les recherches de ses agents vers une terre plus considérable que celle qu’elle avait en Mie dans le voisinage de Paris. Le 6 septembre 1674, elle écrit à son frère qu’elle est en marché d’une terre dont elle offre 240 000 francs. Le 10 novembre elle lui annonce que le marché est fait pour la terre de Maintenon. Il s’éleva des difficultés pour le paiement, les vendeurs n’offrant pas les sûretés requises. Elles firent suspendre la signature du contrat de vente jusqu’au 27 décembre ; mais en attendant madame Scarron s’était mise en possession de la maison et elle y faisait faire des réparations urgentes. Le 20 novembre elle se plaint à son frère « de ne pouvoir obtenir la permission d’aller à Maintenon pour un jour, de sorte qu’elle y faisait travailler sans qu’il lui fût possible d’y donner ses ordres ». Cette permission dépendait de madame de Montespan, qui ne voyait pas avec plaisir cette acquisition payée par le roi, et qui craignait peut-être qu’il n’eût la curiosité de la visiter avec la nouvelle propriétaire.

Une phrase est remarquable dans la lettre du 10 novembre, par laquelle elle mande à son frère l’achat de Maintenon. Cette lettre respire le contentement, et la confiance dans la faveur du roi. « Vos affaires, lui dit-elle, ne vont pas si bien que les miennes. M. de Louvois est toujours malade. Mais le roi a entendu parler de ce que, vous demandez pour votre compagnie de cavalerie. Je crois qu’il en disposera et, qu’on ne vous refusera point ce qu’on pourra vous accorder. Je me porte fort bien. Les princes sont toujours malades. Le petit duc parle souvent de vous. » Le roi a entendu parler, veut dire : j’ai parlé au roi.