(2016) Ticket_1029
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(2016) Ticket_1029

Il y a une réelle humanisation de ces personnes qui se retrouvent pourtant (et parfois depuis longtemps) au ban de la société. Cela n'a pas de prix. Pour ce qui est de ma maraude, je suis tombé sur une équipe réduite constituée uniquement d'un chauffeur et d'une infirmière, sans travailleur(euse) social(e). Et tous les deux m'ont tout de suite mis à l'aise : j'avais l'impression de les côtoyer depuis longtemps alors que je ne les avaient rencontrés que quelques heures avant... J'ai pu me lâcher, rire, discuter de sujets graves et moins graves, comme si j'étais avec des amis de longue date, alors que je suis plutôt du genre réservé en temps normal... Cette maraude est supposée être "observationnelle"... et je trouve qu'une telle directive mène à un gâchis certain et qu'une attitude passive (même si elle est demandée initialement par la faculté) nous fait passer à côté de l'essentiel, le contact avec les sans-abris et les laissée pour comptes. J'ai même eu l'occasion de faire un examen clinique à même la rue, avec un interprétariat par téléphone, et sans senior!! Cette prise de responsabilités était plus qu'agréable. Et au-delà de l'aspect médical, l'équipe avec qui j'étais m'a autorisé à m'impliquer et d'agir concrètement avec eux, parler avec les patients, donner mon avis sur leur état (voire même, me DEMANDER mon avis, moi, un novice non formé!!)... je ne suivais pas une garde au SAMU social, mais j'en étais l'acteur!! Bref, si cette garde ne devait être qu'observationnelle... elle n'aurait pas de sens à mes yeux. En restant plus bassement terre à terre, cette expérience a également été une école de la vie... j'ai appris que les sans-abris pouvaient se brûler gravement sur des bouches de chaleur, par exemple. Cette soirée au Samu social est faite pour briser certains préjugés : mon infirmière me racontait qu'un de mes camarades de promo lui avait déclaré (en substance) : "De toute façon, les SDF sont tous des alcooliques d'Europe de l'est."... Population qu'il n'a absolument pas croisé durant sa garde!! Pour ma part, sur les quatre signalement, trois correspondaient plus ou moins à cette description (dont deux étaient des habitués des visites du SAMU), mais nous avons eu affaire à une famille avec trois enfants également... les sans-abris ne sont jamais ceux auxquels on s'attend. J'ai également découvert le revers de la médaille, la négligence avec lequel les partenaires du Samu social pouvaient prendre en charge ceux qu'il leur amène. Aux urgences, où le regard dédaigneux porté et l'exaspération de ceux qui voient le patient (et dont ils auront à s'occuper au même titre que tous les autres patients des urgences!!) sont à peine dissimulés. Ou encore dans les hôtels où sont logés ceux que le Samu social peut recueillir pour la nuit, et qui réservent le pire étage pour ces laissés pour compte... Je finirai sur une anecdote qui m'a marqué : le dernier sans-abris que nous avons croisé était originaire de Pologne. Il avait bu, et la discussion était de fait relativement limitée... en revanche, un sujet est revenu à plusieurs reprises : il avait participé à la guerre d'Afghanistan menée par l'URSS 40 ans plus tôt... j'assistait en réalité, à deux heures du matin et en pleine rue à la décompensation d'un état de stress post-traumatique... j'espère que cette expérience me marquera longtemps. Sincèrement, je ne trouve qu'un seul défaut à cette initiative de la faculté : on devrait en faire deux plutôt qu'une seule au cours de notre trimestre!! C'est à mon sens largement faisable, tant du côté des étudiants que de celui des équipes du SAMU (qui peuvent gérer deux étudiants par soir par exemple). Je remercie donc les équipes du SAMU social pour leur travail chaque jour, et tout particulièrement ceux (Marie et Atef, pour ne pas les nommer!!) qui ont eu la gentillesse de m'accepter comme si j'étais un membre de leur groupe. J'espère un jour renouveler l'expérience. Quitte à ne pas dormir de la nuit, autant que ce soit pour une bonne raison.