(2015) Ticket_1214
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(2015) Ticket_1214

Par une chaude nuit d'été, je me rend à Ivry-sur-Seine afin de faire ma garde au SAMU Social de Paris. Après la rencontre avec les professionnels du SAMU (très accueillant), l'écoute téléphonique du 115 avec N., le briefing de 20h, la discussion avec les équipes, le café pré-ballade, je monte enfin dans le camion du SAMU pour la maraude en compagnie de H. le conducteur/traducteur au 2 ans de métier, S. l'infirmière au 33 ans d'expérience et enfin M. l'assistante sociale pas beaucoup plus âgée que moi. Nous voila partis en vadrouille dans les rues de Paris à la recherche de l'indigent, de l'exclu, du nécessiteux ; du réfugié politique aux jeunes en galères en passant par les piliers du trottoir et aux ex-taulards. Au fil de nos pérégrinations nous tombons sur une personne dont nous tairons le nom, je n'ose même pas dire son origine ... Toujours est-il qu'il ne parle pas français et nous devons faire appel à un traducteur pour qu'il puisse nous communiquer son histoire. La voici tel que je l'ai comprise. (nous appellerons cette personne M.G). M.G, vient d'un pays quelque part en Europe, il avait de grosses responsabilité dans son pays en ce qui concerne la lutte contre la corruption et le crime au niveau institutionnel, ses actions l'ont obligé à fuir précipitamment à bord de sa voiture, voiture poursuivie par une autre voiture avec des intentions beaucoup moins louables, toujours est-il que la course poursuite associé à des coups de feu ont fatalement évolué vers le carambolage. Au total, 3 semaines de coma ; hémopneumothorax, splénectomie d'hémostase, Kt sus-pubien à demeure, fractures multiples fixées, trachéotomie, la liste est non exhaustive. Mais il s'en sort, diminué, avec une canne pour marcher, mais il s'en sort ... Depuis 1 ans dans les rues de Paris, il attend d'être régularisé en tant que réfugié politique, il vivote avec la peur au ventre chez des amis, dans des hôtels, dans la rue, dans des associations diverses et variées (dont le SAMU). Ce soir là, il aura un répit, il pourra dormir au chaud le ventre plein, changer sa poche à urine proprement, trouver un minimum de réconfort pendant quelques heures avant le retour à la rue .... Son histoire est-elle vrai ? Probablement (CMI, cicatrices, concordance politique etc ...) mais on ne peut jamais être sur à 100%. Voilà l'histoire qu'il nous a raconté, et que j'ai voulu partager à travers ces lignes. Cette histoire n'est qu'une histoire parmi toutes les autres que j'ai entendu durant cette nuit en maraude dans les rues de Paris. J'espère que je ne les oublierais pas ...