(2017) Ticket_657
/ 2299
(2017) Ticket_657

Je suis montée dans le camion de la maraude libre,dont le rôle consiste à passer dans toutes les rues de Paris, afin d'être sûr que le SAMU social sera allé à la rencontre de tous les SDF. Les rues de Paris sont ainsi passées au peigne fin environ 3 ou 4 fois par an. Nous avions pour mission de continuer à inspecter les rues du quatrième arrondissement. Quartier historique, très bien mis en valeur la nuit par les éclairages mis en place par la mairie, dans lequel les touristes et les parisiens se baladaient en masse ce soir là, malgré la fraîcheur de cette soirée du mois d'août. J'ai mes repères dans ce quartier, je m'y promène souvent. Mais cette nuit là, le quai de l'Hôtel de ville ou le parvis de Notre Dame me sont apparus sous un angle différent, dérangeant. Je ne suis pourtant pas indifférente à la présence des SDF sur le sol parisien. Je m'attache souvent à sourire, saluer, et si j'ai de la monnaie à porter de main, à donner quelques pièces à ceux qui le réclament. Malheureusement ces personnes qui vivent aux pieds de nos immeubles font parties du quotidien et notre esprit les intègre au paysage. Comme si cela était normal. Il aura fallu que je m'accroupisse à leurs côtés, pour voir mon monde de leur point de vue. Et me voir passer devant eux, en la place des passants du parvis de Notre Dame ce soir là, m'a profondément touché. Nous nous voilons tous les yeux devant la misère humaine. Elle dérange notre confort. Les histoires entendues en double écoute au 115 juste avant la maraude me reviennent et j'imagine les tragédies qui ont poussées chaque personne à se retrouver dans la rue. Comment pouvons-nous prétendre imaginer ce que vivent ces personnes ? J'ai était frappée cette nuit là par le choc des univers. Comme si j'avais ouvert les yeux sur ces personnes seules auxquelles personnes ne fait attention en passant au ras de leur mince espace privé, signalé par une couverture ou un carton. De même, la réalité des choses vous frappe en plein fouet quand, pris d'un élan d'observateur qui prend conscience des choses, vous voulez aider tout le monde, tous les mettre à l'abris. Mais non, les places en foyer sont rares, et parfois, ou plutôt souvent, il n'y a que de maigres consolations : une soupe, des chaussettes, de l'eau... Je suis très admirative des femmes et des hommes du SAMU social. Ils font face à des personnes qui ont souvent tout perdu, qu'il faut convaincre de se battre, d'essayer de trouver des solutions. Mais avec quelle énergie se bat-on quand la nuit même, on s'est battu contre un voleur, un violeur, la maladie, le froid, la faim ? Je leur souhaite beaucoup de courage et je les remercie de nous accueillir dans leurs maraudes.