(2019) Ticket_151
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(2019) Ticket_151

Cette expérience au Samu Social, même si elle fût brève (le temps d'une nuit), n'en a pas été moins marquante et enrichissante. Tout d'abord, je tiens à remercier tant l'équipe des écoutants que l'équipe des maraudes pour leur accueil chaleureux et leur sympathie à mon égard. D'autre part, je tiens à leur témoigner mon admiration pour leur engagement et leur dévotion au Samu Social. Il faut en effet faire preuve d'une grande force morale pour travailler en prise direct avec les plus démunis de notre société. L'impuissance et l'impossibilité d'action face à certaines situations complexes est quelque chose de difficile à accepter pour un être humain, mais traduit là encore, la dure réalité de notre société. Concernant la double-écoute, ce qui m'a profondément marqué fût le fait de devoir dire "NON" à plusieurs reprises à des personnes qui appelaient dans l'espoir éventuel de trouver un toit pour la nuit... Recevoir la plainte d'un inconnu, dont on ne connaît même pas le visage, mais qui manifeste une immense détresse sociale, et être dans l'impossibilité de lui pourvoir un logement pour la nuit est une sensation plus que désagréable qui nous fait miroiter en pleine figure l'injustice de ce monde. Cette situation m'a également bouleversée dans le sens où elle dépeint de manière brutale le non respect du fameux "droit au logement". Cependant le nombre de personnes vivant dans la rue étant toujours plus en expansion, et les places dans les foyers et logements d'accueil étant restreintes, on fait ici face à d'énormes problèmes logistiques. L'autre appel qui m'a énormément marqué fût l'appel d'une (très) jeune maman dont l'enfant avait à peine 1 mois. Nous n'avons hélas pas pu répondre favorablement à sa demande d'hébergement pour la nuit à venir. Ce qui m'a troublé par la suite, une fois l'appel terminé, fût d'imaginer cette maman et son enfant en total désarroi dans la rue, et dont la perspective d'une possible nuit à l'abri venait tout juste d'être réduite à néant... Pensée qui pour moi, dépasse l'inconcevable. Concernant les maraudes, j'ai été frappée par la dignité avec laquelle certaines personnes recevaient la venue du samu social à leur encontre. Et, je me suis bêtement surprise à me faire la réflexion qu'avant d'être des "gens à la rue et sans domicile fixe", ces personnes étaient des êtres humains avant tout. Des êtres humains comme vous et moi, mais qui n'ont pas tous eu la chance d'avoir un parcours de vie convenable. Des êtres humains qui, au-delà de leur statut social actuel, possèdent une identité propre. Autre situation éminemment touchante fût celle où nous sommes allés récupérer un couple et leurs trois enfants (l'un avait un an, et les deux autres n'avaient pas plus de dix ans) pour les emmener dans un foyer. Avant notre arrivée, la famille était installée dans un parc, à même le sol prête à passer la nuit ici. Les enfants vêtus de leurs habits et manteaux étaient vaguement enveloppés dans une grande couette, et commençaient tout juste à rejoindre le pays des rêves... Nous avons donc rassemblé leurs affaires, réveillé les enfants et nous avons conduit la petite famille dans un centre d'accueil dédié exclusivement aux familles. Je crois que cette scène est celle qui m'a le plus affectée au cours de la nuit. Parce que oui, j'ai pris conscience que même les enfants faisaient partis de ces personnes qui (sur)vivent dans la rue, et je trouve ceci profondément révoltant, injuste, et intolérable. Quel est le devenir d'une humanité qui prend sa source et son origine dans la rue ?