(2015) Ticket_1280
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(2015) Ticket_1280

J'ai été très bien accueilli sur place. En commençant par la double écoute, ça a rapidement confirmé l'idée que j'avais que si beaucoup de gens appellent au samu social, peu de gens obtiennent une place. En revanche, je ne pensais pas que l'organisation était si poussée : chaque permanencier téléphonique a accès à l'historique des appels et des nuits que la personne a passées dans l'un des centres avec lequel le samu social travaille. Après un rapide débriefing, j'ai rejoint une équipe dans le camion, et comme je m'en doutais, je me suis retrouvé avec de chouettes personnes, motivées et super sympa. Et en gros, nous avons papoté toute la soirée, rejoints par certains SDF qui montaient dans le camion pour que nous les amenions vers l'endroit où dormir et qui discutaient avec nous. Ce qui m'a impressionné entre autres, c'est le temps que passait le travailleur social pour discuter avec le nouveau-venu à chaque fois, reprenant l'historique de son errance et de ces démarches ; en 5 minutes, il avait une idée assez précise et était en mesure de donner quelques conseils précieux. Arrivés dans l'un des centres avec une personne d'origine roumaine, le travailleur social a même appelé un traducteur et mené l'entretien par téléphone. Je m'attendais un peu à ce que je ressentirais en sortant de cette nuit : je suis admiratif du travail des personnes du 115 mais je ressens aussi personnellement une forte frustration à l'idée que ce combat est perdu d'avance : en effet qui s'intéresse au sort des SDF? (surtout lorsqu'ils sont en errance depuis longtemps et/ou qu'ils ne sont pas français). C'est donc un combat mené en coulisses, sans spectateur et avec très peu de moyens. C'est pour ça que je ne me sens pas capable de faire ce qu'ils font, je ne pense pas que je surmonterais cette impression de donner des coups d'épée dans l'eau. En revanche, j'ai entraperçu cette nuit quelques raisons qui peuvent faire qu'on tienne le coup dans ce métier : déjà c'est un métier de proximité avec les personnes, les plus démunies qui plus est ; et en plus, comme le 115 de Paris intervient dans ce secteur uniquement, les travailleurs du 115 connaissent personnellement bien la plupart des SDF de la ville (le logiciel informatique permet en plus d'avoir des nouvelles d'une personne même si c'est une autre équipe qui s'en est occupé cette fois là) et ont ainsi une relation durable avec eux. En ayant ce suivi au long cours, on assiste parfois à des miracles où certains sortent de la rue. Bref, une super expérience douce-amère!