(2016) Ticket_936
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(2016) Ticket_936

Durant le nuit de maraude, nous avons été envoyé sur le signalement d'une femme en précarité, Me M., qui venait de quitter un hôpital parisien pour une cure de désintoxication d'alcoolisme. Elle sortait trop tôt de l'hôpital, nous ne comprenions pas pour quelle raison, et nous nous inquiétions de son sort. C'est pourquoi nous sommes allés la voir dans la rue. A notre arrivée, elle somnolait à moitié dévêtue à même le sol, essayant de se coller à un homme, qui lui, dormait profondément sur un matelas. Lorsque nous nous sommes présentés, nous avons vite réalisé que cette femme sentait l'alcool. La cure avait été un succès ! Rapidement, les choses se sont envenimés entre la femme et l'homme, qu'elle présentait comme son "copain", ou son "amoureux". Tous les deux étant aussi bien alcoolisé que l'autre, elle se disputait avec lui sur la place qu'ils occupaient, sur ses affaires qu'elle voulait récupérer, sur son téléphone portable qu'apparemment il lui avait cassé, et sur le fait qu'il la frappait. Plusieurs fois elle menaça d'appeler la police, mais nous savions pertinemment que celle-ci ne se déplacerait sûrement pas .... Les jurons fusèrent de chaque côté, les menaces, et même quelques coups. Ils essayèrent de se battre, il lui prit ses affaires, et les envoya voler dans le caniveau, étalant ainsi tout ce qu'elle possédait sur le trottoir, la terre, l'eau, et l'urine. Tout le quartier était ameuté face aux hurlements et il fallut plusieurs fois s'interposer entre eux deux, voir essayer de ne pas prendre des coups soi-même. Heureusement pour nous, un vigile d'un centre social de proximité vint à notre rescousse, et entraîna l'homme avec lui, afin des les éloigner l'un de l'autre. Une conversation plus posée et tranquille put commencer avec la femme. Elle se posa sur le matelas, et tout en nous parlant, elle commença à manger toutes sortes de produits dont le mélange ne nous parut pas très sain : des filets de poulet crus trempés dans de la moutarde, des olives dans un bocal à la propreté plus que douteuse, des chips, bonbons, et pop-corn, le tout mélangé ensemble à même le trottoir et ses affaires plus que sales. Nous avons alors appris (difficilement en raison du taux d'alcool élevé dans le sang) que son "copain" était venu la voir à l'hôpital pour lui amener des bières qu'ils avaient bu. Elle avait alors été renvoyée de cure au motif que l'alcool y était interdit et qu'elle avait violé les règles. Elle était donc retournée à la rue avec cet homme avec lequel elle entretenait une relation très ambiguë. A la fois ils s'aimaient, mais en même temps, ils passaient leur temps à se disputer, et à se battre (mais elle faisant 50 kg, et lui 90 kg, le rapport de force était quelque peu déséquilibré). Tous deux se tiraient mutuellement par le fond, malgré toutes les tentatives qu'elle avait essayée pour s'en sortir. En effet, d'origine roumaine, Me M. était en France depuis quelques années et avaient eu 2 enfants qui avaient été placés dans des foyers. Pour gagner un droit de visite, il lui fallait se désintoxiquer de l'alcool, mais pour l'instant, l'alcool gagnait toujours ... Et sa santé se dégradait. Elle nous parla de ses douleurs, de ses maux, de ses visites à l'hôpital, et de son suivi par les médecins. Nous avons entamé de longues négociations pour essayer de la convaincre et de la persuader de venir dans le camion avec nous, afin de lui trouver une place en foyer pour la nuit, et pour l'éloigner de l'homme. Mais à peine l'avait-elle quittée, qu'elle voulait le retrouver. Au début nous pensions qu'elle s'inquiétait et avait peur de le voir revenir, mais en réalité, elle voulait le retrouver au plus vite. Cela nous a un peu fait pensé au comportement d'une femme battue. Finalement, impossible de la faire venir. Nous ne pouvions nous opposer à sa volonté, et nous dûmes partir la laissant là. Cette intervention m'a marqué car elle était la 1ère et que je ne pensait pas me retrouver aussi vite face à des situations aussi tragiques. Mais c'était aussi très intéressant de voir rapidement comment le SAMU social pouvait intervenir auprès de ce genre de cas très compliqué, et de voir comment ils géraient les situations de crise. Par la suite, le reste de la maraude fut également très chargée, mais j'ai trouvé ce moment le plus intéressant sur le plan social, et je manque de place pour tout raconter ... ^^