(2019) Ticket_121
/ 2299
(2019) Ticket_121

Je m’appelle Moein MOGHADDAM, je suis étudiant en 4ème Année de médecine à Paris VI. J’ai effectué ma garde au SAMU social du Jeudi 4 juillet jusqu’au vendredi 5 juillet 2019 de 18h à 5h du matin. En arrivant, un petit livret d’accueil m’a été distribué dans lequel les grandes lignes, la charte et l’organisation du service sont présentées de façon succincte. J’ai commencé ma garde par faire de la double écoute de 18h à 21h30. Il n’y a pas eu de réunion d’équipe lors de ma garde. Parmi tous ces nombreux appels, il y a eu une dame qui a particulièrement marqué notre attention. Il s’agissait d’une dame qui avait quitté son pays natal depuis 3 ans avec ses deux enfants qui étaient âgés de moins de 2 ans. Elle vivait, initialement, dans une ville se situant au sud de la France avec son mari mais, depuis 3 jours, elle se trouvait à Paris en étant sans logement et seulement avec ses deux enfants. Cette femme se sentait très fatiguée et très faible lors de son appel téléphonique. Elle nous a précisé que ses enfants et elle-même n’avaient pas mangé depuis 3 jours et n’avaient pas un endroit où dormir. Elle était en larmes. D’autre part, les rapports avec son mari n’étaient pas clairs, elle semblait être dans une situation de séparation familiale et souhaitait garder la discrétion à ce sujet. Cet appel nous a particulièrement interpellé et a fait déclenché « un signalement ». Un signalement signifie qu’une équipe mobile d’aide (ÉMA) part en maraude à l’encontre de cette famille pour effectuer une première évaluation de sa situation en leur permettant aussi un hébergement provisoire d’une nuit dans un centre. Il s’agit des situations d’urgences les plus extrêmes. Une EMA est constituée d’un assistant social, d’une infirmière et d’un chauffeur. Lors de ma garde, j’ai eu la chance d’avoir eu cette appel lors de ma double écoute et d’être avec l’équipe mobile d’aide qui allait prendre en charge cette famille. Nous sommes partis en maraude, en première partie, nuit aux alentours de 21h30 et nous avions donné rendez-vous à cette dame près d’un magasin. A notre arrivée, nous leur avons distribué quelques bouteilles d’eau et quelques denrées comestibles pour leur permettre de tenir jusqu’au centre hébergement. Durant le trajet, l’infirmière et l’assistant social discutaient et posaient des questions pour effectuer une première évaluation. Nous les avons déposé dans un centre d’hébergement dans le 16ème arrondissement en leur expliquant que, le lendemain, une assistante sociale du centre les verrait pour leur expliquer les démarches à effectuer. Cette expérience a été très enrichissante à tous les points de vue pour ma part et très utile dans notre formation. Cela nous permet de prendre conscience qu’il y a une part non négligeable de personnes démunies vivant en exclusion dans des conditions inadaptées et cela nous enseigne l’empathie qui ne peut pas s’apprendre dans les ouvrages médicaux mais plutôt sur le terrain dans l’école de la vie, qui est celle où l’on apprend les plus belles et les plus grandes leçons. L’expérience humaine que l’on vit à travers toutes ces rencontres et situations qui sont différentes les unes des autres ne peut être expliquée par de simples mots. Les remerciements des familles et la façon dont ils expriment leur reconnaissance redonnent foi en l’humanité et procurent une satisfaction indescriptible. Cela m’a fait rappelé des expériences similaires que j’avais pu vivre durant mes 5 années d’exercices professionnelles en tant sage-femme échographiste spécialisé en gynécologie-obstétrique et en médecine fœtal. D’autre part, ces expériences nous permettent de faire preuve de gratitude, de revenir à l’essentiel, de prendre de la distance et d’acquérir de la maturité professionnelle en se focalisant sur ce qui important et non ce qui est urgent. Durant la première partie de nuit, nous avons eu plusieurs cas similaires mais celui que j’ai évoqué était le cas le plus marquant. En deuxième partie de nuit, après avoir pris « dîner » aux alentours de 2h du matin, nous avons patrouillé jusqu’à 5h dans toutes les rues du secteur où nous étions affecté à la recherche d’une situation inhabituelle chez des personnes n’ayant pas d’endroit où dormir et nécessitant une prise en charge spécifique ou tout simplement créer un contact humain. Je pense que cette garde au samu social est indispensable dans notre formation médicale j’en garde une expérience très enrichissante et inoubliable.