(2013) Ticket_1586
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(2013) Ticket_1586

Cette garde fut pour moi une expérience nouvelle et sans doute enrichissante dans la mesure où j'ignorais à peu près tout du fonctionnement du SAMU social. Je l'ai toutefois terminée (aux alentours de 4 heures du matin, il n'y a pas eu de pause repas dans la nuit) soulagée qu'elle s'achève enfin. Je ne veux pas porter de jugement de valeur, ni faire de critique qui semblerait injuste, mais je me dois aussi d'être honnête : j'ai passé la plus grande partie de la nuit à me dire : « l'ambiance est bonne, les gens sont plutôt sympas, mais le quotient intellectuel moyen de l'équipe, très bas, est sans doute une des explications essentielles aux difficultés majeures d'organisation, aberrantes pour certaines, qui « entravent » leur travail ». La double écoute d'abord : trop d'attente (injustifiée ! Ou justifiée par des pauses grignotage ou cigarettes trop nombreuses !) pour répondre aux coups de fil, un ton parfois trop désagréable (attention, pas de la part de toutes les personnes, certaines sont restées adorables lors de conversations qui m'auraient faite craquer, j'en ai conscience aussi), mais surtout : un système à revoir en profondeur !!!! Pourquoi ce cinéma perpétuel de devoir dire aux usagers qui appellent de rappeler à une certaine heure (« 19h45 parce qu'on a les places pour ce centre à 19h45 », « 23 heures parce qu'on a les places pour tel autre à 23 heures »...), et comment ne pas s'étonner ensuite de l'embouteillage téléphonique à ces horaires-là ??? Pourquoi n'a-t-on connaissance de ces places disponibles qu'à 19h45 ou 23 heures ? Ne serait-il pas possible, surtout dans les centres comme l'affreuse « Boulangerie » où il reste manifestement des places libres tous les soirs, de changer le système, d'avancer ces horaires ? Ou d'attribuer les places plus tôt, sur la base de quelques prévisions toujours réalisées ? Ou même de se mettre à attribuer des places pour plus d'un soir ? La rentabilité et le « bien-être » ne pourraient qu'en être améliorés... La question du recours aux interprètes est un pur scandale. 26 euro (Monsieur Duguet, vous comprendrez j'espère que je fasse le choix de ne pas accorder « euro » parce que je considère qu'une vraie politique d'harmonisation européenne consiste à permettre que ce mot désignant notre monnaie reste identique dans toutes les langues européennes, et qu'il ne soit donc pas transformé en « euros » au pluriel en français, en « euri » en italien, en « euren » en allemand, ou que sais-je encore... Je vous remercie donc de ne pas le compter dans les trois fautes d'orthographe réglementaires...), 26 euro donc par ¼ d'heure d'interprétariat téléphonique, et chaque première minute de quart d'heure entamée est due, m'a-t-on expliqué. Soit 52 euro pour une conversation de 16 minutes. Une grande partie des usagers faisant appel au 115 n'étant pas de nationalité française et n'ayant pas le français pour langue maternelle, le recours aux interprètes est fréquent. Les personnes recrutées pour répondre au téléphone le sont notamment sur leurs connaissances en langues étrangères, m'a-t-on d'ailleurs expliqué. Ce qui n'a pas empêché la personne que j'ai écoutée répondre au téléphone pendant ma double écoute, et qui avait notamment été recrutée sur son niveau d'italien, d'avoir recouris à un interprète (son niveau ne lui permettait de toute évidence pas de faire autrement)... et hop ! 52 euro de plus sur la facture de la nuit. J'ajoute que mon niveau d'italien me permettaient largement d'être cet interprète, mais puisque nous n'avons que le statut d'observateur... J'avoue que ce point-là fut extrêmement frustrant. Idem plus tard pendant la nuit, ou l'équipe a failli avoir recours à un interprète en anglais (!), il a fallu que j'insiste lourdement pour participer et leur éviter ça... Les examens approchant, ayant été de garde la nuit de samedi à dimanche, et l'étant de nouveau de lundi à mardi dans mon service, bien que persuadée qu'il y a beaucoup à dire sur les améliorations à apporter, je suis obligée d'abréger. (Cela dit, je doute que les pistes que je pourrais fournir seraient jamais étudiées, la mode étant si grande aux recours aux audits couteux plutôt qu'aux suggestions de bon sens fournies par des observateurs innocents.) Un point de « détail » de plus toutefois pour finir : la question du gâteau. Monsieur Duguet, vous n'êtes pas sans savoir que les externes en médecine ne sont que faiblement « rémunérés », vous n'ignorez pas non plus qu'ils ne le sont pas pour cette « garde » au SAMU social, à l'inverse des équipes salariées (sans doute à de faibles salaires, certes) de cette organisation. Ceci ne concerne donc pas seulement l'équipe du SAMU social, mais la goutte d'eau qui fait déborder le vase l'a, pour ma part, peut-être fait déborder pendant cette nuit de garde. Je trouve absolument insupportable cette exigence du gâteau à apporter partout : « parce que c'est un premier jour », « parce que c'est un dernier jour », « parce que c'est un premier geste réussi », « parce que ce geste fut un échec », , « parce que c'est une garde », « parce que c'était une garde la semaine dernière », « parce que l'interne ou le chef le veut », « parce que l'infirmière le veut ». Et j'en passe. Les étudiants en médecine n'ont pas signé pour ça : un gâteau par semaine, ça ne fait pas partie de nos attributions. Ce n'est pas (encore) au programme de l'ECN. Vous qui attachez tant d'importance aux résultats qui seront les nôtres à ce concours, qui modifiez les programmes pour qu'il y en ait toujours plus à apprendre, qui savez combien vous nous condamnez à consacrer 100 % de notre temps à nos études, comment n'êtes-vous pas choqué par cette perte de temps-ci ? Vous devez réaliser que le temps consacré à la pâtisserie ne nous servira pas à majorer l'ECN ! Alors ne serait-ce que pour cette raison-là, si aucune autre ne trouve grâce à vos yeux (et notamment le coût à long terme!), je voudrais que vous fassiez quelque chose pour faire évoluer les mentalités en la matière... Cette blague et ce reproche devenus monnaie courante de l' « externe qui n'a pas fait de gâteau » et que l'on pointe consciencieusement du doigt, se situent parfois, regrettablement, à la limite du harcèlement et du chantage. Que la tradition veuille que l'externe fasse en toute occasion un gâteau, je le constate. Mais toutes les traditions ne sont pas bonnes à faire perdurer... Et que les choses soient claires : je continuerai à faire avec plaisir des gâteaux dans les services où l'ambiance y pousse d'elle-même, parce que l'équipe est adorable, parce que ce sera un « plus », un jour, un moment agréable à passer ensemble. Mais pas par obligation. Et les remarques hautement désagréables qui m'ont été faites parce que je n'avais pas apporté de gâteau à l'équipe du SAMU social, sinon de m'énerver au plus au point, n'ont eu pour effet que de me faire me féliciter intérieurement de n'avoir pu en apporter ce soir-là.