(2011) Ticket_2181
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(2011) Ticket_2181

Cette expérience d'observateur au sein de l'équipe du Samu Social a été, comme je m'y attendais, extrêmement marquante et enrichissante. De cette garde, et en particulier de cette nuit passée en maraude, j'ai le sentiment d'avoir retiré de nombreux enseignements, qui m'apparaissent précieux tant pour ma vie personnelle, de jeune femme, de citoyenne, que pour ma vie de future interne et future médecin (hospitalier, je l'espère). Pour ne citer que quelques exemples de ce que m'a apporté cette expérience de confrontation à la réalité et d'interaction directe avec des personnes vivant dans la rue, je mentionnerais les points suivants : 1) l'impact émotionnel fort et marquant à long terme (en écoutant un jeune homme "tombé à la rue depuis très peu de jours" me raconter son histoire, sa situation, son désarroi à faire la manche pour la première fois, son épuisement à n'avoir trouvé le sommeil nulle part depuis 4 jours, etc...j'ai été profondément touchée, pour ne pas dire bouleversée, et j'ai le sentiment qu'un souvenir marquant comme celui-là, avec la charge émotionnelle qui y est associée, gardera longtemps -toujours ?- une place pertinente dans ma manière de raisonner, agir, me comporter, adapter mon comportement, prendre des décisions, face aux autres personnes "de la rue" que je serai amenée à rencontrer, que ce soit dans des situations personnelles de la vie quotidienne citadine ou dans des situations professionnelles médicales de prise en charge aux Urgences par exemple) ; et quand je dis impact émotionnel fort, je n'entends pas par là impact aveuglant, ou aliénant, mais structurant. 2) la mise en situation réelle de l'impératif de ne pas avoir l'imprudence, la naïveté et la vanité de vouloir aider "personnellement" quelqu'un en grande détresse, en outrepassant les codes déontologiques et l'organisation de la structure par le biais de laquelle j'ai été mise en contact avec cette personne. C'est une chose de savoir qu'il ne faut pas dépasser cette ligne entre vie personnelle et vie privée, c'en est une autre que d'être confrontée à la tentation de la franchir, de ne finalement pas le faire et de pouvoir réfléchir à cela à froid par la suite. 3) l'indispensable rôle de l'équipe, des échanges horizontaux et verticaux avec des homologues, des collègues aux compétences différentes, des supérieurs ou des superviseurs m'est apparu tout à fait criant dans un contexte difficile comme celui du 115. Et c'est une leçon éminemment extrapolable à l'exercice médical, j'en suis convaincue. Cette dernière remarque m'amène à signaler que, bien que j'aie été très bien accueillie par l'équipe du Samu Social dans sa globalité, j'ai regretté amèrement ne pas pouvoir échanger avec les professionnels avec qui j'ai effectué la maraude de nuit (cf : mon mail relatif à ce problème), du fait de leur défaut d'implication dans nos interactions.