(2015) Ticket_1164
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(2015) Ticket_1164

Hier soir, c'était la Nuit Blanche des musées de Paris... Autant vous dire qu'on savait pourquoi notre chauffeur commençait à avoir mal au crâne. Les piétions débouchant de droite à gauche sur la chaussée nous permettaient de contempler à travers la foule les danseurs tanguer dans les bars, bien au chaud. Plusieurs fois, un des membres de l'équipe reconnaissait un homme plongé dans la foule, comme camouflé, qui marchait seul, et moi je me disais que si j'avais été une des passantes de cette rue, jamais j'aurais pu me dire "tiens, il a nulle part où dormir lui, ça crève les yeux". Je pensais, jusqu'à cette nuit, que je les voyais bien les gens dans la misère qui errent : "c'est ceux qui sont assis, qui mendient", ou "c'est ceux qui sentent un peu fort"... Mais en fait j'avais rien vu avant. Vers 3 heures du matin, au centre d'hébergement, on est dans une salle avec notre dernière personne SDF avant la pause. Tout à l'heure, à notre premier passage au centre, je me mordais les doigts devant la Télé du salon, avec les SDF résidant pour la nuit et les équipes du Samu Social, devant le dernier essai des Wallabies. Là, je vais être interprète ! L'homme SDF est Iranien et ne parle pas français, et la personne de l'équipe de maraude ne parle pas anglais. Je découvre avec lui qu'il n'a le droit qu'à une seule nuit ici. Qu'il faudra rappeler le 115 tous les jours. Qu'il n'y a pas de camps de réfugiés en France. Qu'en hiver, ce sera plus difficile d'être logé. Mais qu'il y a des associations qui peuvent l'aider dans ses démarches et même pour un logement. Il comprend. J'ai pu aider tout le monde, c'est tout ce qui compte. Je me rappelle une chanson que je chantais à tue-tête en soirée avec des amis. Avant. "L'hiver sera rude, ils seront moins nombreux en avril et puis de toute façon, depuis quand les gouvernements s'occupent-ils des gens qui meurent? " 'Odeur de souffre', Le Suprême NTM, 1998