Je monte à l'arrière du camion et arrivés dans notre secteur -le 10e- mon regard sur la rue change. Je suis à l'affût de personnes "vivant dans la rue" . Et je réalise d'un coup qu'elles sont nombreuses. Prostituées asiatiques arpentant les trottoirs, toxicomanes en errance ou faisant la manche devant les distributeurs... Jusque là ces personnes" travaillent" et n'ont pas besoin de notre aide. puis nous arrivons place Franz Liszt. Un groupe de 4 hommes 30-40 ans originaires de l'Europe de l'est. Ils sont torchés. Nous leur serrons la main et entamons la discussion. Ils acceptent la proposition de passer la nuit en centre d' hébergement. Dans le camion, l'odeur est difficile à supporter, je m.habitue au bout de 5 min. les 3 hommes s'endorment comme des bébés dans la chaleur et le bercement du camion qui roule tranquillement. Arrives là-bas, le centre Romain Rolland, surnommé RR ou la Rolls Roys du 115, je découvre un centre très acceuillant avec des gens calmes et detendus, de la convivialité, on se croirait presque dans un centre UCPA! Nous déposons les 3 hommes qui pour les uns discutent autour d'un plat puis d'une clope et l'autre part directement se coucher. Nous repartons dans les rues du 10e. Nous empruntons une impasse... Tiens, un homme devant un petit square. Il est grand, mince, porte une barbe rousse et vient vers nous. Ce soir il est heureux. Il n.en revient pas de voir autant de monde ce soir alors qu'il s'est isolé dans cette toute petite rue. Juste avant nous un homme lui a donné 50€. nous lui proposons un café et un bolino. Il accepte. Son index gauche saigne, il s.est coupé, nous lui procurons de quoi faire un pansement. 5 min après une femme, la 30 aine, bobo chic du 10eme, ballade ses chien et vient vers lui avec un sac rempli de fringues, et un blouson en cuir qu'il enfile super fier. Il est taillé pour lui! Il est aux anges. Il dit qu'il a tes eu de la chance, il n'a jamais fait de mal à personne et les gens sont chouettes avec lui. C'est comme ça, c'est inexplicable. Il raconte que lui n'est pas méchant comme ces connards de dealers. 3 fois il a failli mourrir et 3 fois on lui a sauvé la vie. Il est peintre et n'est pas payé par son patron depuis plusieurs jours... Mais ce soir il a de la chance. Nous repartons et retombons sur un homme âgé assis sur le rebord d'une fenêtre condamnee. Il porte une chapka et des lunettes teintées. C'est la 3ème fois qu'on passe devant lui. On lui propose de s'arrêter. Il nous répond sue c'est selon notre bon vouloir. Il est un peu gêne au début puis commence à nous parler de notre thème astral. Le bonhomme est tres cultivé, plein de références, de bon sens, de conseils pour être heureux dans la vie. Il m.apprend que les béliers sont un signe de force, de feu et de renouveau. Que je suis dans le concret et le. efficacité, que j'entraîne les gens avec moi dans la positivité et le concret de la vie. Il me dit qu'il faut que je rencontre un sagittaire, plus spirituel, qui m'ouvrira à un regard plus détaché sur ce qui m'entoure. Il fait de même avec toute l'équipe du Samu. Il nous fait réfléchir au sens du symbole du caducée des médecins: ce serpent qui crache son venin dans un calice. Le venin, s'il est administré à la bonne dose peut être un remède formidable. Ce qu'il faut pour trouver l'équilibre dans la vie : c'est savoir doser. Ah la la sacré Rolland. Il est 3:30 du matin. Nous rentrons manger. La nuit aura été une expérience inedite, qui me donne envie à l'avenir de parler avec les SDF ce que je n'avais jamais fait. Elle me donne aussi envie de comprendre. Parce que toutes ces personnes que nous avons croisées cette nuit ont un jour eu une maison et une vie plus classique. Comment se sont-ils retrouvés là? Je comprends que 2 facteurs sont majeurs: la sortie de prison et la drogue. Mais pour Rolland... Le mystère reste intact...